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Mort de Ben Laden – Témoignage d’une mère

dans Metro NY le 4 mai 2011.         

D. O. a perdu sa fille, qui était alors enceinte, dans les attaques du 11 septembre 2001. Elle répond aux réactions de liesse qu'a suscité dans les rues de New York et Washington l'annonce de la mort de Ben Laden, et nous dévoile le visage peu médiatisé d'une Amérique douloureuse, responsable, et mue par un sens profond de la dignité humaine.

CC Rommy Ghaly

"Mère d'une jeune femme qui a été tuée dans les attentats du 11 septembre, je dois dire que ni moi ni personne dans ma famille ne saurait se réjouir de la mort d'un autre être humain, même si l'être humain en question est Osama Ben Laden. Ben Laden est mort, comme l'est aussi et toujours ma tendre fille.

Dimanche soir, alors que la nouvelle de la mort de Ben Laden faisait le tour du monde, les médias rapportaient des échos des célébrations spontanées sur Ground Zero et devant la Maison Blanche. Beaucoup de citoyens américains, évoquant les récits de gens dansant dans les rues du Moyen-Orient au moment de la chute des tours jumelles, ont dénoncé ces célébrations qui tracent dans le sable, une fois encore, une ligne entre "nous" et "eux". Alors que nous en sommes tous encore à essayer de comprendre le sens de ces événements, ou celui qu'ils devraient avoir, voici ce que j'ai à offrir.

Pendant presque 10 ans, Osama Ben Laden a été présenté, non pas tant comme un criminel coupable d'avoir tué des milliers de personnes, mais davantage comme un "supervilain" presque mythique, de ceux qui ne peuvent être vaincus que par des superhéros. Erigé en incarnation du mal et de la terreur, toute humanité lui était retirée.

Si nous nous sentons mal-à-l'aise aujourd'hui avec cette image des américains qui dansent à sa mort, le vrai problème n'est pas de juger ceux qui ont été pris dans ce moment de liesse. Mais nous devrions plutôt nous sentir responsables de donner à cette nuit le sens qui lui revient. Nous devons certes reconnaître l'importance de l'élimination de ce criminel par le gouvernement américain, mais nous devons surtout nous efforcer de façonner la fin des années de terreur.

Etant de la famille d'une jeune femme tuée dans les attentats, j'aimerais que la réponse à la mort de Ben Laden soit une réflexion grave, une réflexion qui mesure la distance que nous avons parcourue depuis le jour de cette attaque, et qui prenne la mesure véritable de ce que nous avons perdu sur ce chemin: nos droits civiques et la confiance en un gouvernement que nous ne croyons plus capable d'agir de façon éthique. Ce que je demande c'est que l'on retrouve nos libertés civiques, que l'on reparte de la Constitution et de la règle de la Loi. Ce que je veux, c'est que mes enfants puissent à nouveau se sentir libres.

Profitons de cette chance qui nous est donnée de redéfinir notre pays comme un pays d'hommes libres, civilisés et justes. Le prix à payer pour abandonner ce devoir est très élevé. En témoigne ce qui vient de se passer dans nos rues."

(Traduction Paul Anel)

 

 

 

1 Commentaire

  1. Anne Valérie

    Merci d'avoir traduit en mot le malaise que je ressentais après la nouvelle et l'unanimité des réactions dans les médias.