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Lima, capitale du Pérou, capitale des gourmets…

Du 9 au 18 septembre, Lima était dans une effervescence plus grande encore que la normale. Qui n’a jamais vécu à Lima ne comprendra peut-être que partiellement cette histoire, qui est une histoire d’amour : amour de la vie, amour de la terre, amour de la bonne nourriture.

Pendant dix jours le Parc de l’Exposition a été le siège de la plus grande cuisine jamais vue, puisque pas moins de 371 000 visiteurs sont venus (dont 4500 de l’étranger) pour se réjouir les yeux et les papilles des mets les plus exquis. Et pour cause, l’Association Péruvienne de Gastronomie fait les choses en grand depuis quatre ans pour transformer Lima en Capitale Gastronomique d’Amérique Latine.

Mais pas question d’en faire seulement une affaire nationale, elle est mondiale, et pour preuve les invitations faites aux plus grands cuisiniers internationaux de participer comme témoins et interlocuteurs à ce grand événement. Et dans le même esprit la cuisine japonaise fut l’invitée d’honneur de ce grand festival.

Cette histoire, cet amour, c’est l’histoire d’un pays, plus même, l’histoire d’un peuple et d’une terre. Le succès de Mistura (nom du festival) vient du phénomène culturel que constitue la cuisine au Pérou. Le péruvien aime manger, aime cuisiner, et il aime parler de cuisine, de plats, de tradition. Car le maître-mot est la tradition. Tradition des goûts et des odeurs, des couleurs et des ingrédients. C’est dans cette histoire plusieurs fois millénaire que se trouvent les racines de la gastronomie péruvienne. Et c’est cela que veulent mettre en avant les grands chefs. On innove dans la cuisine, mais il y a des canons sacrés. Plus ils sont ancrés dans cette tradition et plus ils peuvent créer. C’est ainsi que certains n’hésitent pas à faire remonter les origines de la cuisine péruvienne, les premiers ingrédients, les premières influences, à la civilisation Caral, en 3000 avant JC!

Mistura a aussi l’ambition de mettre en valeur les trésors de la réalité non seulement gastronomique, mais aussi humaine, agricole ou artisanale. C’est ainsi qu’en vous promenant dans le dédale de démonstrations et de restaurants, vous étiez bien sûr amené au pavillon du Pisco, l’eau de vie de raisin nationale, puis vous tombiez sur la zone fruitière où vous pouviez contempler, émerveillé, quatre-vingt-six fruits différents de la côte, la montagne et surtout de la forêt amazonienne. Richesse extraordinaire de fruits de toutes les couleurs et de toutes les formes, aux vertus nutritionnelles ou médicales incroyables. Ou si vous êtes passé près des boulangers, ce sont cent pains différents qui vous surprirent, de toutes les régions du pays. D’autres recoins mettaient en valeur la grande production de café, puis celle du cacao. La dégustation étant bien sûr de mise ! La zone de cuisine rustique (pachamanca cuite dans la terre, cuisine au barril, cochon en broche, cochon d’Inde à toutes les sauces, etc…), côtoyait les vendeurs de rue traditionnels (brochettes, desserts, infusions typiques ou autres breuvages). Encore un virage et vous tombiez sur les fruits de mer, l’incontournable ceviche, gloire de la Côte, ou sur la cuisine chino-péruvienne, si propre à Lima. Cent cinquante ans d’immigration chinoise, soit plus d’un million de chinois à l’heure actuelle au Pérou, ont permis un métissage unique.

Pachamanca cuite dans la terre CC BY Javi270270

Car cette richesse vient de la grande diversité et du brassage des cuisines régionales, ainsi qu’au cours de cette longue histoire, l’intégration de nouveautés profondes, notamment avec les diverses migrations. L’immense diversité du pays en terme de régions, climats, reliefs, géographie, etc., a crée une biodiversité incroyable. Le  pays, riche de presque tous les climats connus dans le monde, dans une géographie de littoral, de désert, de haute montagne et de jungle, ainsi que de quelques vallées fertiles, a donc un potentiel tout à fait rare.

Chaque jour plus de 30 000 personnes se pressèrent sur les lieux. On se retrouvait dans les queues des meilleurs restaurants de Lima qui pour l’occasion vous servaient à un prix modique, dans une ambiance populaire et bon-enfant, mettant les plaisirs de l’assiette au niveau de tous les porte-monnaie. Après avoir savouré quelques-unes des spécialités de votre choix (choix il est vrai bien difficile au milieu d’une telle abondance), une des attractions de Mistura 2011 fut un grand marché où les producteurs vendaient leurs produits : maraîchers, petits agriculteurs, ou au contraire grandes entreprises agricoles, fruits, légumes, miels et confitures les plus exotiques qui soient, remèdes naturels à base de plantes en tous genres, spécimens des trois-cents espèces de pommes de terre, liqueurs, etc, etc…  

Mais au-delà du simple plaisir des yeux et de la bouche, l’enjeu est plus grand pour Apega, l’association organisatrice. Il s’agit aussi de lancer de petits restaurateurs talentueux pour leur donner une chance de réussir, de permettre un brassage social incomparable, car tout Lima, pauvre ou riche, y vient en courant. Il s’agit ensuite de lancer le Pérou à grande échelle dans un nouveau secteur d’économie extrêmement dynamique, qui puisse lui donner pignon sur rue sur la scène économique internationale. Enfin, le but ultime de Mistura est le message qu’elle veut transmettre.

Tout au long de ces dix jours se sont succédé au pupitre de conférences très suivies les plus grands chefs du monde. Cette congrégation de toques célèbres a de quoi surprendre : pourquoi le français Michel Bras, l’espagnol Ferran Adriá connu comme le meilleur cuisinier du monde à l’heure actuelle, et bien d’autres, se sont-ils précipités à Lima pour cet événement ? Le fin mot est probablement le message d’intégration et de cohésion sociale qui en ressort, message d’audace et de dynamisme, ainsi que message d’unité. La gastronomie est un des domaines qui aide profondément le pays à relever la tête et à trouver une fierté nationale tout à fait légitime. C’est vraiment l’un des terreaux de son identité culturelle.

Le Pérou est sans nul doute un pays en pleine croissance économique, il vit, comme le disait à New York le 22 septembre dernier le nouveau président de la République Ollanta Humala à la tribune de l’ONU une «révolution gastronomique» :
« Le Pérou est un pays multiculturel qui est en train de reconnaître la richesse de sa propre diversité. Par exemple notre pays vit une révolution gastronomique, qui démontre que la diversité contribue à la cohésion sociale et au développement durable. La cuisine péruvienne est le lieu où tous les péruviens, du paysan au cuisinier, en passant par le pêcheur et l’hôte pouvons avoir un projet commun. C’est le résultat d’un dialogue millénaire entre beaucoup de cultures, indigènes, africaines, européennes, arabes, asiatiques, qui s’expriment aujourd’hui dans notre nourriture. C’est pour cela que nous avons demandé à l’Unesco la reconnaissance de la cuisine péruvienne comme élément représentatif du patrimoine culturel et matériel de l’humanité. »
 

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