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Quelle transition énergétique pour la France au XXIème siècle ?

de Maxime        19 janvier 2012

Le devenir de la filière nucléaire française est au cœur d’une vive polémique depuis quelques mois. La proposition de l’alliance PS-EELV, qui vise à réduire la part du nucléaire dans la production électrique française à 50% d’ici à 2025 afin de faire une place plus importante aux énergies renouvelables, soulève un certain nombre de questions critiques concernant l’avenir du mix énergétique du pays.

La situation de la France aujourd’hui, et quels avantages lui procurent son parc nucléaire ?

Une position de leader dans le domaine de l’énergie nucléaire.

L’énergie nucléaire occupe une place prépondérante dans la production d’électricité en France : les 58 réacteurs français représentent une puissance d’environ 63GW et font du pays le deuxième parc nucléaire civil au monde en taille, après les États-Unis qui possèdent 104 réacteurs. La France est par ailleurs le leader mondial de la production d’électricité nucléaire en pourcentage, puisque le nucléaire représente près de 80% de l’électricité domestique, contre moins de 20% aux Etats-Unis où l’électricité d’origine charbon et gaz sont prédominantes. Enfin, la France occupe également une place de leader dans le domaine de la recherche nucléaire (CEA) et ses fleurons industriels (Areva, EDF) sont reconnus comme chefs de file dans le monde entier.

Une électricité sans émission de CO2

La France produit aujourd’hui plus de 90% de son électricité sans émission de gaz à effet de serre. Cette situation unique et enviable est avant tout rendue possible par (i) son parc nucléaire qui représente environ 78% de l’électricité domestique et (ii) son parc hydraulique qui représente environ 12% de l’électricité domestique. De ce point de vue, la France est donc très verte et possède un atout important sur ses voisins dans le cadre des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par l'Union Européenne. A titre de comparaison, la France dégage moins d’un dixième des émissions carbonées que génère l’Allemagne pour chaque kWh d’électricité produit [1]. Grâce à son parc nucléaire, la France occupe une place privilégiée parmi les trente pays de l’OCDE [2] en ce qui concerne les émissions de CO2 et participe pleinement à la lutte contre le changement climatique.

Une électricité moins chère.

L’installation et l’entretien d’un réacteur nucléaire sont bien évidemment très coûteux, mais une fois opérationnel celui-ci permet de produire de l’électricité à bien moindre coût que les autres sources d’électricité. D’après les dernières statistiques Eurostat, le prix du kWh facturé aux particuliers est de 13,8 centimes d’euros en France contre 25,3 en Allemagne, 19,5 en Espagne, 29,1 au Danemark, 20,1 en Italie. Les Français paient donc leur électricité deux fois moins cher que leurs voisins Allemands. Les industries implantées en France bénéficient également de ce faible coût de l’électricité, ce qui peut représenter des montants colossaux dans certaines industries comme la sidérurgie, la chimie, les cimenteries, le verre, pour lesquelles le prix de l'électricité représente un part importante du coût de revient. Un faible coût de l’électricité représente donc un avantage concurrentiel sérieux, permettant à certains de ces industriels de rester implantés en France malgré un coût du travail élevé.

Exportateur d’électricité et indépendance énergétique.

La France est exportatrice nette d'électricité depuis trente ans, ce qui signifie que la production française d'électricité est supérieure à la demande intérieure. Autrement dit, le solde des échanges d’électricité est positif avec la plupart des pays voisins (environ 29,5 TWh exportés en 2010) qui importent donc de l’électricité d’origine nucléaire produite en France. Cette indépendance dans le secteur essentiel de la production d’électricité a permis à la France d’augmenter son taux d’indépendance énergétique de 23 % en 1973 à environ 50 % aujourd’hui, la mettant dans une certaine mesure à l’abri des fluctuations sur les prix des matières premières et des tensions géopolitiques liées au marché des énergies fossiles (pétrole et gaz en particulier).

Vers une transition réaliste de l’indépendance énergétique de la France

Chacun est conscient qu’il est essentiel d'opérer une certaine transition énergétique. La proposition de l’alliance PS-EELV a le mérite de provoquer un débat et de proposer une direction qui est probablement juste à plus long terme. Mais elle a posé le débat de façon idéologique et brutale, et l’a inscrit dans un horizon de temps peu réaliste. Il n’est pas raisonnable d’entretenir la guerre des énergies et d’opposer énergies renouvelables et nucléaire, c’est passer à côté des vrais questions.

Nucléaire et renouvelables sont en réalité complémentaires. Plutôt que de raisonner en termes de réduction, de substitution, ou de confrontation, c’est en termes d’expansion, de complémentarité et de croissance qu’il faut raisonner. Etant donnée la situation actuelle et l’équation énergétique inquiétante à laquelle le monde doit faire face, nous n’avons pas le luxe de supprimer une technologie à la fois économique et propre. Seule l’addition des énergies renouvelables et de l’énergie nucléaire nous permettra à moyen terme d’opérer à une échelle suffisante la transition à laquelle nous devons faire face. La seule substitution qui vaille est celle des énergies fossiles par les énergies non émettrices de CO2, afin de réduire notre empreinte carbone et le réchauffement climatique. De ce point de vue là, la France est en excellente position par rapport à ses voisins comme nous l’avons vu plus haut.

A court terme, l’énergie nucléaire devra donc continuer d’assurer une production continue, stable, et prévisible afin de permettre l’accès de tous à l’électricité dans les meilleures conditions tout en compensant l’aspect décentralisé et intermittent des renouvelables. Cette cohabitation permettra d’accroître progressivement la part des énergies renouvelables, en attendant que les obstacles liés à leur développement massif et à grande échelle ne soient résolus. Elles pourront alors devenir prépondérantes dans notre mix énergétique et il sera raisonnable d’imaginer qu’elles puissent remplacer le nucléaire en France tout en préservant notre indépendance énergétique. Nul ne peut dire aujourd’hui combien de temps cela prendra.

Le dernier pan indispensable à un développement durable consiste à réduire notre consommation énergétique. La consommation électrique par habitant an Amérique du Nord est aujourd’hui environ deux fois plus élevée que celle des Européens, et sept fois plus élevée que celle des Brésiliens ou des Chinois. Mettre l’accent sur la sobriété énergétique permettra non seulement de réaliser de considérables économies d’énergie dans les pays des plus développés, mais également de favoriser le développement des pays qui en ont le plus besoin en rééquilibrant l’utilisation des ressources énergétiques à l’échelle planétaire.


[1] Comparaison des émissions de CO2 selon les modes de production de l’électricité : le nucléaire émet 6g de CO2 par kWh alors que le gaz (cycle combiné) en émet 430g et le charbon entre 800g et 1 050g.
[2] Septième rang pour les émissions par habitant et quatrième rang pour les émissions par unité de richesse produite.

 

 

 

 

 

 

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3 Commentaires

  1. paulo

    Bien que cet article ne mentionne ni le probleme de la securite, ni le probleme des dechets, je suis assez d accord sur le fond: toute une generation a fait un travail colossal qu il serait domage de saborder prematurement par effet mediatique.

  2. Jean F.

    C'est un peu court d'ignorer notre dépendance vis à vis de la production d'uranium, la question des déchets, la sûreté des centrales nucléaires.
    Et puis le nucléaire, et c'est la raison profonde de ma défiance, est une énergie totalisante – sinon totalitaire – qui s'appuie (et induit) un Etat fort, des structures industrielle lourdes, des moyens de sécurités pléthoriques, bref une société de plus en plus autoritaire et de moins en moins susceptible d'accepter le contrôle des citoyens. Rappelez-vous les errements français de l'immédiat après Tchernobil ou l'opacité (et pas que du nuage radioactif) entourant la gestion de l'accident nucléaire suite au tsunami au Japon…
    Réduire la part du nucléaire dans la production d'énergie est un enjeu de société majeur, qui déborde des frontières de tel ou tel Etat et dépasse les calculs de rentabilité étriqués des prétendus spécialistes de l'énergie. Si nous ne voulons pas léguer une décharge toxique à nos enfants en guise de ressources il nous faudra finir par accepter de payer l'énergie à son coût de renouvellement.
    Qui saura / aura l'honnêteté d'intégrer le calcul du coût "accident nucléaire majeur" dans la facture énergétique mondiale ? Qui est prêt à assumer une politique conduisant les citoyens à accepter une augmentation drastique du coût de l'energie (et pas seulement du litre de carburant) dans la perspective somme toute assez intelectuelle d'assurer la survie de la planète ?
    Avec ou sans nucléaire, quels chocs en perspective pour nos socitété occidentales et extrême-orientales gavées d'énergie à bas prix…