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Je travaille avec les Roms, posez-moi vos questions !

Interview d'Emmanuel Grossetête.

Emmanuel Grossetête est assistant social auprès des Roms dans la région toulonnaise. Il a accepté de répondre à nos questions au sujet des polémiques récentes concernant le démantèlement de camps « Roms » et la victimisation de cette population dans la presse.


© Fabien Regal

Sarkozy à l’époque, Valls aujourd’hui, ont été accusés d’être injustes envers les « Roms » et de ne pas respecter les droits de l’homme en démantelant des camps. Que pensez-vous de ces mesures ?

Au risque de choquer et de ne pas être dans le politiquement correct, je crois qu’il est juste que les Roms soient expulsés de terrains qu’ils occupent illégalement et très souvent sans souci du bien commun. Pourquoi s’en offusque-t-on ? Si je suis choqué, suis-je prêt à me voir déposséder d’une terre sur laquelle j’avais un projet ? Suis-je prêt à subir une telle colonisation ? Le principe du « not in my garden » anglais fonctionne à merveille : je suis contre toute expulsion, sauf bien entendu s’il s’agit de mon propre terrain ! Non, le problème n’est pas l’expulsion, mais l’insertion !
 

Voyez-vous des alternatives à ces expulsions ?

Il nous faut trouver, avec les Roms, des solutions pour leur éviter de s’installer sur des terrains privés. Lorsque je dis « avec les Roms », cela signifie leur présenter les faits actuels (discrimination, absence de solutions de logements, de travail, d’insertion, etc.) et essayer de comprendre ensemble quels leviers ils sont en mesure d'actionner eux-mêmes (ne pas polluer les sites qu’ils occupent, ne pas parler fort dans les lieux publics, ne pas arriver en groupe à l’hôpital, etc.), et quels leviers les associations sont en mesure d’actionner de leur côté, afin de contribuer à leur insertion. Les services publics et les associations auront beau faire tout leur possible, si les Roms ne se rendent pas compte qu’ils doivent nous aider à lutter contre cette discrimination, nous ne parviendrons pas à une justice sociale. Lorsque l’on parle des Roms, les articles ne mentionnent que les devoirs de la société face à ce peuple, et les droits de ce dernier. Cela n’est pas juste. Il faut également mentionner les devoirs des Roms face à la société et donc les droits de la société face aux Roms (respect des biens publics, des espaces naturels, déclarations des revenus, scolarisation, etc.).
 

La relation aux autres peuples est toujours assez conflictuelle pour les roms. Quelles sont les expériences positives que vous avez eu et quelle est la beauté que vous voyez dans ce peuple ?

Les expériences positives sont heureusement nombreuses, et c’est pour cela que je reste dans cette association ! Par exemple, lorsque je les croise et qu’ils sont en train de faire la manche, ils s’arrêtent tout de suite et viennent me saluer, me demander des nouvelles de ma famille, si mes vacances se sont bien passées ou plaisanter avec moi. C’est peut-être anodin, mais cela me montre leur humanité car ils cherchent à mieux me connaître. Une fois dépassé le stade de quémandeur (qui est pour eux un travail), ils révèlent leur vrai visage : celui d’hommes et de femmes ayant soif d’avoir une relation vraie avec celui qui les approche. Lorsque l’on donne de l’argent, cela biaise la relation et les empêche de nous révéler leur vrai visage car ils s’enferment dans le rôle de victime. Les beaux moments sont ceux-là : lorsque je dépasse le stade de l’image pour m’arrêter sur le reflet de l’âme.

 

© Fabien Regal

1 Commentaire

  1. Bel article, cependant, n'y aurait il pas dans les projets d'insertions pour les roms un risque d'en faire des gens "normaux" au prix leur culture, comme on a pu le voir parmis des communautées de gitans sédantarisés?
    Toutes mes amitiés à l'auteur par ailleurs!!