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Sean Scully : le peintre de la compassion

Une collaboration entre les musées de Berne et de Linz a permis de mettre sur pied une très belle rétrospective de l’œuvre de Sean Scully de 1969 à aujourd’hui. L’exposition dévoile la profonde compassion de l’artiste.


Cut ground light blue, 2010 © Monika Haas

Une paroi entière est consacrée à des photos de vieilles façades, fenêtres délabrées et maisons abandonnées. Ces façades expriment la pauvreté et l’oubli, et portent un appel à écouter leur souffrance et leur silence. Ces maisons de bric et de broc forment aussi des carrés de couleur espiègles, des assemblages faussement réguliers où scintille la joie. « L’art vient d’un besoin ». L’art nous met à l’écoute de la souffrance. Sean Scully nous enseigne à percevoir le resplendissement de la gloire qui gît dans ces vieilleries.

Les premières toiles datent de la crise de 1968. Ce sont des grilles qui jouent avec les effets d’optique de la couleur. Elles expriment un ordre paisible, une objectivité attentive au détail, la contemplation des couleurs et de la lumière de la nature durant son voyage au Maroc. Sean Scully perçoit la souffrance de ses contemporains provoquée par ce refus de toute paternité, de tout cadre, de toute norme. Ce rejet viscéral et fanatique de toute objectivité dénature la personnalité au profit d’une subjectivité égocentrique et psychologisante. La crise de 68 exalte l’anarchie comme une finalité en soi. Sean Scully y répond avec le calme des lignes colorées qui forment des jeux d’optique, un ensemble hiératique et festif à la fois. Il montre que l’ordre n’est pas ennuyeux, figé et borné mais le cadre qui ouvre notre perspective et nous permet de scruter l’horizon et le détail. Ces lignent composent une liturgie consolante au milieu du chaos de soixante-huit.


INSET #2, 1973 © Monika Haas

Sean Scully introduit ensuite des rectangles noirs plus importants dans ses toiles. Il interprète d’abord ces carrés comme l’espace entre son lit et le mur, espace angoissant où le diable s’immisce pour le couper des autres, de l’Eglise, de sa famille. Les toiles deviennent toujours plus sombres car il connaît la pauvreté matérielle et doit travailler dans un atelier londonien humide et sans lumière ; il y peint des grilles noires… Mais la pauvreté est surtout celle de douter de sa vocation. Puisqu’il ne vend rien, ne faut-il pas tout arrêter et trouver un autre travail pour avoir enfin une sécurité, une maison, un garage ? Ces carrés noirs finiront par envahir toute la toile qui n’est plus qu’une suite de lignes horizontales noires. Le ciel est-il fermé ?

Après le drame de la mort de Paul, son fils unique, Sean Scully cesse de peindre.

Le tableau Uriel introduit une lumière dans cette nuit. Le contraste des couleurs dépeint la cohabitation de deux mondes hétérogènes et provoque au sein de la réalité une vibration, un mouvement de croisements, de rencontres, de dialogues. L’ocre de l’ange, l’ocre du silence du désert, l’ocre de la paix intérieure ouvre une espérance et une nouvelle vibration dans notre « vallée de larme ».


URIEL, 1997 © Monika Haas
 

Sean Scully insère dans ses tableaux différents cubes et introduit la 3e dimension. Toute la réalité vibre par le différentiel d’intensité et par les rencontres que cela permet. Il personnalise ses tableaux non seulement en leur donnant souvent des prénoms comme titres, mais en humanisant la matière. Dans le minimalisme du départ, il utilise souvent des bandes adhésives pour ses lignes, mais plus le temps passe et plus le coup de pinceau devient visible, sensuel, personnel. Ces épaisses couches de peinture et le travail de la matière expriment une profonde tendresse. La rencontre ne se réalise que dans cette délicate attention à l’autre.

Après la naissance de son deuxième fils Oisin, la paternité coule sous son pinceau. Cette passion délicate pour l’autre, cette responsabilité pleine de confiance et de crainte enlèvent toute rigidité de la ligne, le toucher est moelleux, charnel, rond. On dirait de la ouate posée sur le tableau. Eduquer, proposer un sens et une direction, cela ne peut pas se traduire par des lignes rigides, mais par une écoute de ce qui est unique. Sean Scully l’exprime en parlant de son enseignement pictural : « Pour enseigner, il faut laisser son ego à la porte, sinon on fait du mal, on risque de détruire ».


WALL OF LIGHT CREAM MAGENTA, 2010 © Monika Haas

 

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4 Commentaires

  1. Bruno ANEL

    On peut voir une oeuvre de Sean Scully au Chateau Lacoste, prés de Pertuis dans le Var, au milieu d'un domaine viticole. Un énorme mur de 12 m de long, 4m de hauteur, 5m de profondeur, composé d'énormes blocs de pierre cubiques ou rectangulaires . Même jeu des formes et des couleurs que dans les peintures. Etonnant.

  2. sonia

    Il y a des deserts que nous devons passer seuls et nimoins les hommes peuvent écouter le silence de notre desert… mais c'est dans ces moments-là que tu decouvres la main de Dieu sur toi…
    Tu n'est jamais seul/e…
    Dieu est avec toi!!!
    Dieu nous aime… Infinitement… oui… infinitement…
    Vous etes toujours dans mes prières…
    Love, sony
     
     
     

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