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de Rafael Baron   29 avril 2013
Temps de lecture 4 mn

Le Dr Baron poursuit sa réflexion commencée dans l’article « Les maladies à vendre ». Il ne propose pas d’abord des nouvelles techniques médicales mais un regard contemplatif sur notre corps.

Avant d’entrer dans la « technique médicale », je voudrais dépeindre le paysage dans lequel nous allons nous mouvoir, expliquer quelques notions.

Il est toujours surprenant pour moi de voir comment les patients réagissent face à un diagnostic ou comment ils en parlent quand ils arrivent à l’hôpital pour telle ou telle intervention. Ils le font souvent avec une telle surprise et une telle déception mêlées de reproches, comme si la maladie était quelque chose qui était tombé arbitrairement sur eux durant la nuit et les avait malheureusement choisis. La conscience de l’homme d’aujourd’hui parle du corps uniquement au niveau du plaisir ou de la maladie.

Et il me paraît essentiel de travailler dans un premier temps dans ce champ de la conscience. En prenant conscience de ce qui se passe en nous et autour de nous, nous pouvons être acteur et non juste un observateur subissant son corps et « son sort ».

Cette question me permet de diviser les patients en deux groupes : les patients actifs et les patients passifs. Cela correspond  à deux type de médecine : la médecine de la santé et celle de la maladie. Dans la société actuelle, nous parlons de « système de santé » mais c’est en fait un système de maladie car il ne prend en compte un patient potentiel qu’à partir du moment où une maladie a été diagnostiquée. On rejette même, le plus souvent, le patient qui vient avec des symptômes précoces, prodromiques. Par exemple quand il y a un patient avec une fatigue chronique, des troubles du sommeil, des chutes des cheveux, une impatience inhabituelle… qui vient consulter on lui dit : « Vous n’avez rien, il faut juste vous reposer, vous voyez, même ces quelques examens que nous avons réalisés sont “normaux” ». Parfois il est envoyé… chez un « psy ». Et pourtant c’est justement à ce moment-là, par ce genre de symptômes « anodins » que notre corps nous signale que l’équilibre, l’homéostase vient d’être perdue. Si nous n’agissons pas à cette étape-là, le déséquilibre accélère l’étape suivante qui devient effectivement « détectable » par les outils techniques de la médecine contemporaine, mais il faut alors y mettre beaucoup plus d’énergie et d’argent pour s’en sortir  !

Et je voudrais ici introduire encore une notion, valable non seulement pour le champ médical de notre vie, celle du « syndrome du Niagara » (qui illustre aussi la différence entre patient actif et passif). Imaginez la rivière Niagara à ses débuts, vous y êtes dans votre kayak ou votre bateau et vous pouvez donner une direction quelconque, vous pouvez entrer dans une de branches de la rivière, naviguer près d’un bord ou de l’autre, vous avez votre sort et la suite du voyage entre vos mains. Il suffit juste de temps en temps de réaliser un petit effort pour rester là où vous voulez être. Et maintenant, imaginez que vous entrez dans votre kayak ou votre bateau, vous démarrez et… vous vous laissez porter par le courant, il ne faut rien faire, le paysage passe, vous, allongé tranquillement, avec une paresse totale, tout va tout seul, mais juste en apparence. Dans cette passivité vous ne vous rendez même pas compte que chaque instant vous rapproche d’un danger mortel. Et puis, soudainement, le réveil et la panique : « Faites quelque chose, aidez-nous, sinon nous allons périr ! ». Dans cette panique pleine de gestes inutiles, de cris, il y a une perte d’énergie énorme, et tout cela non pas pour reprendre le cours du bateau en main mais juste pour ne pas couler tout de suite. Mais en vain, il est trop tard, en fonction de votre « stock d’énergie », sauf un miracle, le bateau va se fracasser. Et cependant, c’était tellement beau au point de départ…. Il en est exactement de même pour l’état de notre santé.

Il faut prendre soin de notre corps quand « tout va bien », alors les efforts pour rester à flot et garder le timon sont minimes. Il faut juste « mettre une rame » de temps à autre dans l’eau pour modifier la direction. Car vous savez on ne tombe pas du groupe des gens en bonne santé dans celui des malades du jour au lendemain, c’est un chemin progressif. D’une certaine façon nous sommes sur une ligne droite entre un état de santé parfait, tout ce potentiel reçu à la naissance et de l’autre un épuisement total de nos forces vitales, le moment où la vie s’éteint (en anglais, nous pourrions présenter le processus suivant : VIGOR-BURN OUT-ILNESS-DEATH). La « merveille » de l’organisme humain consiste au fait que nous pouvons bouger vers les deux extrémités. Beaucoup de personnes, par leurs actes quotidiens, se dirigent vers la deuxième extrémité, en croyant que tout est génétique et que rien ne dépend de nous.

Le premier pas de notre méthodologie médicale est de retrouver une vraie admiration pour le corps humain, non pas comme une simple mécanique qu’il faut « contrôler » par des analyses à répétition et des substances, mais comme une merveille dont nous sommes responsables. Le petit film suivant introduit à l’enchantement devant l’infiniment grand, l’infiniment petit et l’infiniment ordonné.

Cela nous permettra ensuite de percevoir que la dépendance entre nos actes quotidiens et notre « bien-être » n’est pas une abstraction.

Introduction to Cells

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