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Rencontre entre la danse hindoue et le christianisme

Agnès Bureau   16 juillet 2013
Temps de lecture 4 mn

Nous avons rencontré Terrence, un étudiant indien du Kerala apprenant le Bharatanathyam (une danse classique du Sud de l’Inde) à Kalakshetra (une école de musique et de danse a Chennai). Il est heureux de nous partager son expérience en tant que jeune artiste.


© Points-Cœur

Quand as-tu eu ton premier contact avec le Bharatanathyam ?

Quand j’étais en 4ème classe (CM1) j’apprenais le Kathakali (danse du Kerala) et ma sœur le Bharatanathyam. Un jour, alors que je la regardais danser guidée par son professeur, je suis comme tombé amoureux de cette danse. Cela m’a pris un peu de temps pour m’y habituer mais je crois que maintenant j’ai pris le rythme ici (à Kalakshetra).

Qu’en a pensé ta famille ?

J’ai la chance que mes parents m’aient beaucoup soutenu, et ils continuent encore à le faire maintenant. Ils veulent que je devienne un bon artiste, que je m’épanouisse dans la danse. Ils me disent : « Essaie de faire du bien dans la société avec la danse. Fais de ton mieux dans tout ce que tu fais ».

Et le fait d’être un garçon danseur, ce n’est pas un  problème ?

Pas du tout. Ni pour moi ni pour eux. Quand tu danses sur scène, tu es juste un artiste. Ton travail est seulement de danser, personne ne va venir voir si tu es un garçon ou une fille. Si tu peux faire plaisir au public, si tu réussis à faire pleurer quelqu’un de joie grâce à ta danse, c’est formidable.

Tu nous as parlé de ton grand projet de composer un spectacle de danse-théâtre sur la vie du Christ…

Oui et j’ai d’ailleurs une anecdote à ce sujet. L’an dernier, lorsque je passais mon examen de projet de fin d’études, l’examinatrice entendit mon nom ; intriguée, elle m’appela et me dit : « Tu es chrétien, dans quel but es-tu venu ici ? ». J’ai répondu : « Je veux réaliser une danse-théâtre sur Jésus-Christ. ». Elle fut très étonnée et me dit : « J’ai un secret à te dire. J’étais aux côtés de Roukmini Devi (fondatrice de Kalakshetra) quand elle était malade du cancer et était proche de mourir. Son dernier désir était de composer une danse-théâtre sur Jésus-Christ mais elle ne put le faire. Elle avait acheté une Bible et voulait la lire en entier. Je crois que tu es celui qui va le réaliser. Tu devrais continuer et faire des recherches sur ce projet ». Le désir de le réaliser a donc grandi en moi après cela. Auparavant je pensais n’en faire qu’une partie, faire quelque chose de simple, mais maintenant je pense que je vais faire une biographie entière, comme nous faisons ici les danses-théâtres sur le Ramayana (grand récit épique de la mythologie indienne). Je l’ai intitulé « Mishiha Charitam » et je commence maintenant à le préparer. J’ai quelques scènes à l’esprit. C’est ce que faisait Roukmini Devi : elle visualisait d’abord l’ensemble et choisissait ensuite quelques scènes, puis elle les chorégraphiait. Donc j’essaie de visualiser, d’imaginer la scène et de voir le sens qu’il y a derrière.

Est-ce un projet que tu as depuis longtemps ?

Je l’avais déjà avant, c’est pour cette raison que je suis venu ici (à Kalakshetra), mais ce n’était pas très important. Je suis venu à Kalakshetra pour voir les danses-théâtres. Cela m’attirait beaucoup parce que faire du théâtre en utilisant le Bharatanathyam est quelque chose de très difficile. C’est vraiment comme du théâtre, mais ils ont incorporé correctement tous les éléments de la danse sans les modifier. Donc je voulais vraiment en apprendre davantage, savoir comment faire les décors, comment chorégraphier, etc… Tout se passe sur cette petite scène et on y voit le monde entier apparaître.

Existe-t-il déjà des danses-théâtres chrétiens ?

Oui, il y a le Père Fernandez Barbosa ; c’est lui qui a commencé à rapprocher le christianisme et le Bharatanathyam. Il a inventé des ‘moudras’ (signes avec les mains pour la danse) pour des mots comme le Saint-Esprit, la Sainte Trinité, et il a chorégraphié certaines scènes de l’Evangile comme les noces de Cana, les enseignements de Jésus. Un de nos grands maîtres, C.V. Chandra Sekhar, a aussi chorégraphié la rencontre de Jésus avec Marie-Madeleine.

Tu étudies ici dans la tradition du ‘gouroukoulam’ (maître-disciple). Est-ce une bonne expérience pour toi ?

Oui, vraiment. J’ai pensé que la tradition gouroukoulam était une occasion de vivre en unité avec ma professeur, d’être proche d’elle. Je considère le gourou (le maître) comme faisant partie de mon âme ; c’est ce que je crois. Il devient quelqu’un qui continue de vous guider votre vie durant.

Et pour toi, est-ce difficile d’être chrétien dans un monde d’Hindous traditionnels ?

Depuis que je suis arrivé ici, personne ne m’a regardé comme quelqu’un de différent. Certains m’ont posé des questions mais tous m’ont bien accepté, ils m’ont accueilli les bras grands ouverts. Je respecte leur culture donc ils me respectent. Pour moi, le Bharatanathyam et l’art sont un chemin vers Dieu.

Tu considères donc qu’en tant que danseur tu as une sorte de mission ?

Oui, j’essaie de devenir un artiste, c’est la mission que Dieu m’a confié. Je crois que Dieu est amour, et Il veut nous dire ce qu’est l’amour. Donc cette mission est de communiquer son amour à travers l’art.

Quand tu danses ces danses-théâtres hindoues, y vois-tu une richesse, vois-tu une beauté dans cette culture hindoue ?

Oui c’est sûr. Je vois que l’amour enseigné par Jésus-Christ est présent à maints endroits, surtout dans les danses-théâtres de Roukmini Devi. Par exemple, dans ‘Kannappar Kourouvanji’ nous avons l’histoire d’un chasseur qui ne connaît pas du tout le Seigneur Shiva, ne l’a jamais vu, mais il se met à l’aimer éperdument. En voyant la façon dont est présenté l’amour entre le fils, la mère, le père et les villageois, je croyais voir l’amour entre chrétiens. Donc pour moi, la culture hindoue est aussi un moyen d’exprimer le message de la Bible. C’est la façon dont je vois les choses, surtout le Bharatanathyam qui est une danse qui vient des temples. Les Devadassis qui la dansaient étaient des femmes vraiment mariées au dieu du temple, donc elles dansaient pour lui, travaillaient dans le temple pour lui, le considéraient comme leur époux. Je peux retrouver les mêmes sentiments dans les spectacles de Bharatanathyam.

Peux-tu nous dire deux mots sur Roukmini Devi ?

J'ai expérimenté que ce qu’elle a voulu enseigner à travers la danse et l’art avait quelque chose à voir avec ma vie, avec ma façon de voir l’art : exprimer la beauté pour rejoindre Dieu. Ce lien avec Dieu était visible quand je regardais les danses-théâtres. Elle a semé cette graine. C’était une personne qui avait une grande vision, pas seulement de la danse mais de l’art lui-même.

             

                  

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2 Commentaires

  1. Helen

    Dear Agnes, I´m so joyful to read about this inculturation of the Gospel through the beauty of Barathanathyam, the dance wich helped me to love indian culture. Abrazo!!

     

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