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Elections européennes, Force Vie : pour une civilisation des familles ?

Cyril Brun, docteur en histoire, chef d'orchestre, spécialiste d'éthique sociale chrétienne, explique sa décision d'entrer en politique et le choix de cette liste qui veut remettre l'homme au centre.

Vous êtes un spécialiste en éthique sociale chrétienne, en quoi cela inspire votre engagement ?

C’est fondamental ! C’est précisément ce qui m’a poussé à franchir le pas. Jusqu’à présent, je m’étais tenu en retrait dans un rôle disons, métapolitique. Mon idée était de poser des réflexions simples afin de laisser à chacun le soin de répondre, fort de quelques rappels éthiques ou anthropologiques. Mon intention depuis toujours est de remplir ce petit rôle de marchepied, dans la suite de saint Jean-Baptiste, aplanir les routes et crier dans le désert. Je crois profondément que telle est la vocation du laïc engagé dans la société. Telle est me semble-t-il la vocation de qui enfourche ce cheval de trait qu’est la doctrine sociale de l’Église.

J’ai été très frappé par la justesse de cette remarque de Dieu au prophète Osée : Mon peuple est en exil faute de connaissance. L’Homme est profondément fait pour Dieu. Il est, du reste, le seul être créé pour lui-même. Toutes les autres créatures ont une raison d’être plus ou moins liée à l’Homme, en même temps qu’à Dieu, mais l’Homme est ce vase créé spécialement pour recevoir l’amour de Dieu et pour en déborder sur le monde. Malheureusement ce vase ne se remplit pleinement que par la pleine adhésion de l’Homme à la volonté divine, c’est-à-dire qu’il faut que l’Homme réponde pleinement à l’amour de Dieu pour être pleinement ce pour quoi il est fait, en clair ce vase débordant d’amour. Mais pour répondre à cette invitation à la plénitude, c’est-à-dire au bonheur, il faut tout à la fois, vider le vase des gravats indésirables, le placer sous la fontaine de la grâce et ôter le bouchon qui l’obstrue. Sans cela le vase reste à moitié vide en même temps qu’à moitié plein de pierres plus ou moins grosses. Il nous appartient de vider ce vase de ses impuretés, de retirer le bouchon et de le placer sous la source d’abondance. Pour ce faire, il faut montrer clairement la source, mettre en lumière les gravats et faire sauter le bouchon. En d’autres termes, il faut libérer l’Homme des multiples entraves qui le lient au sol et l’empêchent d’être ce vase ouvert et avide de l’amour divin. Parmi ces entraves, certaines sont d’ordres privées et d’autres sont le fait de la société, ce que Jean-Paul II appelle les structures de péchés. L’éthique chrétienne est en fait un chemin de libération qui indique la source et met en lumière les innombrables gravillons et pierres de tailles qui obstruent le vase. Aussi, l’éthique est-elle une précieuse boussole pour notre vie privée, comme pour notre vie publique. Elle devient donc naturellement un principe d’action politique. C’est bien parce que je crois que l’éthique chrétienne est la seule à respecter l’Homme dans sa dignité intrinsèque et la seule capable d’ouvrir l’Homme à son véritable bonheur qui est Dieu, que j’ai décidé de franchir le pas de l’engagement politique. Il ne s’agit pas de mettre en place un état théocratique, mais d’aplanir les routes afin de permettre à l’Homme, s’il le désire, de revenir de son exil. Il faut lui rendre les conditions d’une ouverture à Dieu, ce que notre monde actuel non seulement permet de moins en moins, mais surtout voudrait nous refuser.

Aujourd’hui, non seulement il est difficile de se tourner vers Dieu, tant les chemins sont obscurcis et ardus, mais il nous faut également lutter contre la tentative grandissante de nous interdire l’accès à Dieu.

Une raison du manque d'intérêt pour ces élections est l'éloignement prétendu du Parlement de la vie quotidienne et des préoccupations des citoyens. En quoi "Force vie" peut contribuer à restaurer une meilleure subsidiarité ?

Précisément, vous pointez là le cœur du problème. Cette Europe est une construction virtuelle désincarnée. Il nous faut revenir au cœur, c’est-à-dire à la personne humaine. L’Homme doit être, comme le disait Benoit XVI, le centre de toute activité. Le centre, comme acteur principal, comme sujet ; le centre, comme étalon de mesure. Il doit être la destination ultime et donc la raison unique de l’activité politique, économique et sociale. Si Europe il y a, elle doit être pour l’Homme et non l’inverse. Il faut donc revenir à l’Homme. Les citoyens européens doivent reprendre en main leur destin, c’est-à-dire leur vie quotidienne. Aujourd’hui, 85 % des lois nationales, viennent directement ou indirectement de l’Europe. C’est contraire à la subsidiarité. L’Europe des traités, des technocrates a modélisé un homme virtuel qui n’existe pas et lui impose des normes uniques. L’Europe de Bruxelles réduit la personne humaine à des individus interchangeables. Force Vie veut promouvoir une Europe qui repose sur des hommes et des femmes libres et responsables, maitres de leurs décisions et de leurs choix, forts de la richesse de leur diversité. Nous voulons pour ce faire plus de démocratie directe, avec un rôle accru du référendum, une reconnaissance réelle des pétitions. Cela signifie également une autre mission du député européen, plus proche de ses électeurs et plus présent sur le terrain. Nous militons également pour un renforcement du comité des régions, afin de prendre en compte la réalité concrète du quotidien, du milieu de vie des citoyens européens. En fait nous pensons qu’une Europe respectueuse de la dignité humaine, doit soutenir les familles, les initiatives locales et la diversité régionale. L’Europe des normes et des traités techniques doit laisser la place à une Europe de l’initiative et du sens.

On entend parfois l'expression "diktat de Bruxelles", l'expression est-elle fondée ?

Oui cette expression est fondée quant au mode de fonctionnement technocratique des institutions européennes. Tout est décidé, imposé d’en haut, par des fonctionnaires qui n’ont pourtant aucune légitimé démocratique. Cela dit, ce sont bien les chefs d’Etat qui cautionnent ces diktats et les renforcent.

En fait, l’absence de sens, donc de politique européenne, est compensé par une réglementation technique pléthorique. L’Europe actuelle ne repose sur rien. C’est du vent que tient la seule réglementation commune. C’est comme un corps en décomposition solidement serré dans des bandelettes momifiantes. Le jour où nous construiront une Europe qui a du sens, c’est-à-dire qui soit au service de la dignité humaine et du bien commun, alors le carcan administratif tombera de lui-même, car le sens porte en lui une dynamique unifiante.

Comme son nom l'indique, votre liste montre une préoccupation particulière pour la vie et le sort des pauvres et des plus faibles, en quoi sont-elles des dimensions clé de cette élection ?

Nous sommes à un tournant de notre histoire. Nous l’avons vu avec la question du mariage pour tous. Le clivage politique aujourd’hui n’est plus le sempiternel « droite gauche » qu’on nous sert depuis la révolution française. Aujourd’hui le clivage révèle un possible tournant de civilisation. La nouvelle ligne de démarcation politique, celle qui dépasse tous les clivages traditionnels, c’est l’Homme. Voulons-nous une société fondée sur l’Homme, ou une société qui fonde son homme ? Acceptons-nous l’Homme dans sa vérité, tel qu’il est, avec ses limites ou inventons-nous un homme virtuel, créé sur mesure, mais totalement imaginaire ? En d’autre termes, l’Homme se reçoit-il tel qu’il est ou est-il à créer sans cesse ?

Dans la construction mondialisée actuelle, ce n’est pas en France que se joue la partie, mais, notamment à Bruxelles qui décident de 85% de nos lois. En présentant des listes aux élections européennes, Force Vie entend remettre l’Homme au cœur du débat politique. Il s’agit pour nous de poser clairement la question de qui est l’Homme. C’en est assez de ces projets techniques qui tentent de résoudre des problèmes posés par un homme virtuel construit de toute pièce. Nous voulons remettre l’Homme au centre, c’est-à-dire lui redonner le droit d’être ce qu’il est. Tant que nous n’aurons pas repris comme clef de lecture la vérité anthropologique, tout ce que nous ferons ne sera que pansement sur une jambe de bois. Aucun parti politique, aucun lobby, aucune ONG ne pourra jamais rien faire de durablement bon pour l’Homme tant qu’on tentera de porter secours à un homme virtuel, à cette carapace qui étouffe l’Homme réel.

Nous croyons fermement que nier la vérité anthologique c’est condamner l’Homme à l’errance et à la souffrance sans fin. Par exemple, nier la réalité familiale naturelle, traditionnelle en normalisant les familles en difficultés, c’est condamner ces dernières à ne jamais être aidées, puisqu’elles sont normales. Normaliser l’exception, ce n’est ni plus ni moins qu’un aveu d’échec. Puisqu’on ne parvient pas à régler les difficultés, on décrète que ce sont des situations normales. Le drame d’une telle posture est de confiner les familles et les personnes en difficultés dans leur souffrance et leur détresse. C’est une spirale vicieuse à laquelle personne n’échappe. La véritable défense des plus faibles est de reconnaitre que leur faiblesse n’est pas une norme et donc pas non plus une fatalité. Brandir la vérité sur l’Homme ce n’est pas pointer du doigt les personnes blessées, comme si elles étaient pestiférées. Au contraire, c’est leur ouvrir l’espérance et leur tendre la main. Normaliser et banaliser les difficultés et les fragilités, c’est au contraire maintenir les personnes en souffrance la tête sous l’eau et les condamner à vivre sous assistance respiratoire.

Le combat que mène Force Vie n’est pas un combat politique, c’est un combat de civilisation. Ne pas le mener est, pour moi, de la non-assistance à personne en danger.

6 Commentaires

  1. Bruno ANEL

    Il est normal que les courants d’opinion profitent des élections européennes pour s’exprimer. Cela étant, si le Parlement européen peut voter des résolutions sur tous les sujets, la législation concernant le respect de la vie demeure du ressort des parlements nationaux. Ces élections ont lieu au cours d’une année où nous commémorons le début de la guerre de 1914-1918 et ses millions de morts. Il me semble que c’est le moment de revenir aux fondamentaux de la construction européenne. La réconciliation entre les nations européennes, et spécialement entre la France et l’Allemagne, constitue un « miracle » au regard de l’histoire, comme le notait récemment le député européen Alain Lamassoure , et la construction de l’Union européenne en est un autre. Plutôt que de participer aux récriminations contre la technocratie bruxelloise, ce qui est devenu un lieu commun, nous devrions nous émerveiller de d’envoyer des députés à un Parlement commun à 28 nations européennes. Beaucoup reste à faire, mais le rêve de Robert Schuman a tout de même pris forme. Les jeunes générations devraient étudier davantage l’histoire et réaliser d’où nous venons.

    1. Claudine

      Nous émerveiller d'envoyer des députés à un Parlement commun à 28 nations européennes ? Mais pourquoi donc ? Qu'est-ce que cela a de merveilleux ? 

      C'est vous qui assénez des lieux communs en série, l'éternelle leçon de morale pacifiste : "Les conditions d'une paix durable étaient réunies dès 1945 et n'ont strictement rien à voir avec le processus d'intégration européenne entamé en 1957", pour citer un article de Boulevard Voltaire qui par ailleurs évoque François Asselineau (http://www.bvoltaire.fr/christopheservan/lunion-europeenne-cest-guerre,59287)

      Et c'est ce qu'apprendraient effectivement les jeunes s'ils faisaient encore de l'histoire, au lieu de recevoir des cours de dogme – puissent-ils prendre enfin conscience de ce que les générations qui les ont précédés leur ont préparé !

      1. Bruno ANEL

        Je ne pense pas qu'il suffise de citer "Boulevard Voltaire" pour avoir raison. Les conditions d'une paix durable n'étaient nullement réunies en 1945 quand l'Allemagne était vaincue , occupée et divisée en 4. C'est parce que les leçons de l'histoire ont été enfin tirées que des hommes courageux qui ont activement pris part aux combats du XXème siècle ont décidé de construire l'Europe aprés 8 siècles de conflits périodiques et deux guerres mondiales parties du vieux continent. Si on choisit d'ignorer le passé, on ne peut évidemment pas s'émerveiller devant ce projet de construction d'un destin commun qui n'a aucun précédent dans l'histoire de l'humanité

        1. Claudine

          On ne peut pas "décider" de construire l'Europe contre les peuples, on ne peut pas avoir un "projet de construction", aussi louable soit-il, sans le fonder sur la réalité historique, culturelle… On ne fabrique pas un destin commun.

          Je m'émerveille en revanche de cette obstination insensée à vouloir défendre l'indéfendable…

  2. Alain Bories

    Je vous rejoins tout à fait dans votre désir d’une autre Europe, mais vous devriez vous donner les moyens de cette belle ambition. Le fait que la Défense de l’UE soit subordonnée à l’OTAN nous rend non seulement complices mais acteurs de guerres injustes en série : nos garçons sont en Afghanistan, nos marins ont fait route vers la Syrie, nos aviateurs pilonnent la Lybie et se prépositionnent en Estonie. Alors pour me dresser contre la dictature de la finance, les lobbies bruxellois et les ravages des GOBE, je préfère faire la guerre comme Elie de Saint-Marc plutôt que comme Robert Schuman. Pardon de m’échauffer, mais ça suffit avec les abandons de souveraineté. Ceux-ci ont sournoisement commencé avec la Haute Autorité du charbon et de l’acier (dont les décisions s’imposaient à la France et à l’Allemagne) et, de démission en démission, nous avons avalé pêle-mêle Rome, Maastricht, Lisbonne, Nice et la suite. Nous voici dépouillés de nos pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire, budgétaire, monétaire… Nous regardons saccager nos services publics, nos acquis sociaux, nos infrastructures. Assez ! Personne ne peut plus changer l’Europe, vous ne dites pas la vérité aux Français quand vous dites que vous allez l’améliorer. Pour changer une virgule d’un traité, il faudrait l’unanimité des 28 états membres. L’UE, on lui obéit jusqu’à l’anéantissement ou on la quitte. L’article 50 du TUE nous y autorise alors, posément et légalement, quittons-la et sortons de l’euro et de l’OTAN. Nous retrouverons le statut des trois pays d’Europe qui sont florissants et en paix : la Suisse, la Norvège et l’Islande. Pour cela, je voterai Union Populaire Républicaine !

  3. Ha: la Suisse, la Norvêge et l’Islande!
    Quels modèles de vie et d’engagement!!
    Finalement, le mal de l’Europe ne vient il pas plutôt de son égoïsme et de son confort commun plutôt que de ses traders?