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La Pologne revient dans le jeu

En lui offrant la majorité parlementaire avec 235 députés, les polonais assurent au parti Droit et Justice (PiS) une réelle indépendance de gouvernement. Changement de paysage politique dans le contexte du réveil des pays d’Europe centrale. 

Le nouveau Premier Ministre polonais : Beata Szydło

Une première depuis 1989 : plus de coalition, mais un parti unique au pouvoir

Une première en Pologne depuis la chute du système communiste : le parti au pouvoir n’a pas à créer une coalition et peut compter sur un président de même allégeance. Après 8 années dans l'opposition, la situation semble donc parfaite pour aller de l’avant et mettre en œuvre les évolutions promises. Durant la compagne, tout comme l'avait fait le Président Duda en mai, le PiS a réussi à convaincre les citoyens polonais que son principal objectif était de restaurer l’intégrité nationale, et d’introduire des changements qui vont assurer des conditions de vie dignes pour tous les citoyens. Une politique étrangère indépendante a aussi été l’une des principales déclarations pendant les deux campagnes.

Pendant la campagne des législatives, le PiS a cherché à éviter toute provocation à propos des questions éthiques (loi sur l’avortement, GPA, mariage gay, lois sur le genre, convention anti-violence, etc.), évitant le piège d’être ainsi systématiquement réduit à l’image d’une vieille femme grincheuse et engoncée dans ses principes.

En mettant les débats éthiques de côté pour le temps de la campagne, et en se concentrant sur des questions plus « pratiques », le parti a pu gagner de nouveaux électeurs, jeunes, et dans les rangs des semi libéraux. Les principaux débats ont porté sur des sujets comme la politique familiale (500 złotys pour chaque enfant en commençant par le troisième), le soutien aux personnes âgées (médecine gratuite au-delà de 75 ans), l’abaissement de l’âge de la retraite (de 67 à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes), la réforme de l’éducation. Sur ce dernier point, la restauration du précédent système scolaire devrait relever le niveau éducatif, et donner plus de temps aux professeurs et aux étudiants de compléter leur formation, tout en reculant l’âge obligatoire de la première rentrée scolaire de 6 à 7 ans.

Nouvelle politique économique

Un réel effort devrait aussi être fait pour faire revenir en Pologne certains des 2 millions d’émigrants, comptant nombre de professionnels diplômés, partis augmenter les rangs de la diaspora polonaise dans le monde, partis ces dernières années pour chercher de meilleures conditions économiques. Il faudra sûrement beaucoup d’énergie pour améliorer le marché de l’emploi en Pologne. Le nouveau gouvernement doit avant tout limiter les fameux contrats « trash », qui ne donnent aucune sécurité, ni même de rémunération décente aux employés. Pendant les débats, le futur Premier Ministre Beata Szydło a ainsi proposé de relever le salaire minimum à 12 złotys par heure (3 euros), et de diminuer la TVA pour relancer le petit commerce. La plupart des coûts des réformes devant être couverts par de nouvelles taxes sur les banques et sur les grands supermarchés.

Le panorama d’un pays revitalisé que le parti victorieux a dessiné devant nos yeux pendant ces mois de campagne avait quelque chose de rassurant, surtout après huit années de gouvernement chaotique et épuisant. Il est maintenant l’heure de transformer ces belles promesses en réalités concrètes formées par un engagement décidé. Et il ne sera pas facile de mener ce travail à la fois sur les plans intérieur et international. Après la victoire du PiS, les premiers commentaires des médias occidentaux ont en effet relevé le profil « eurosceptique » du vainqueur. Dissimulant avec peine un certain mépris, l’agence Reuteurs suppose ainsi que la victoire du parti conservateur devrait ramener les valeurs catholiques dans la vie publique et dans le débat politique…

Il est très révélateur de constater que les adjectifs « catholique » et « conservateur » sont considérés aujourd’hui comme synonymes de « antidémocratique », « démodé », et même « autoritaire »  (spécialement dans certains milieux). L’Europe semble errer loin de ses racines. Le contraste entre les soi-disant valeurs « européennes » et les valeurs nationales grossit toujours plus, au point de devenir un problème pour la Pologne, surtout après ce récent changement de pouvoir.

Le réveil des pays d’Europe centrale : une chance pour l’Europe

Il y a aussi la question de savoir comment le changement politique va positionner la Pologne dans la région. La nouvelle donne va-t-elle restaurer et renforcer le sens d’un bien commun aux pays d’Europe centrale ? Le précédent gouvernement avait ignoré l’importance d’une telle coopération, comme l’illustre la position finalement prise par rapport aux migrants du Moyen Orient. Dans le sens contraire des accords passés au sein du Visegard Group (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), la Pologne avait suivi l’Union européenne. Jarosław Kaczyński, président du PiS, avec ses idéaux et ses opinions fortes, semble plus proche du leader sans compromis de la Hongrie, le Premier Minister Orban, que de la politique de l’Union européenne. Cela nous fait espérer une certaine renaissance des pays d’Europe centrale, qui apportera très probablement un peu de piment et une note discordante dans les discussions avec les principaux partenaires européens. Par ailleurs, riches de l’expérience passée, nous pouvons aussi espérer que le nouveau gouvernement puisse peser d’une manière nouvelle dans l’équilibre international vis-à-vis de l’Europe de l’Est, à commencer par la question de l’Ukraine.

* *

La Pologne se trouve donc au seuil d’une grande opportunité pour renforcer son économie, sa position internationale et, plus important encore, son unité nationale. Tout dépendra de la fidélité des politiciens à leurs promesses, et de la capacité des partis de droite à dépasser leurs différences et leurs intérêts propre pour le bien de l’Etat. Nous pouvons espérer que le PiS, à l’instar de l’équipe de foot de Pologne après une magnifique qualification (pour le championnat d’Europe), continue de jouer un jeu juste et persévérant jusqu’à la victoire finale.

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6 Commentaires

  1. Bruno ANEL

    Qu'un parti dispose de la majorité au Parlement ne signifie pas qu'il soit un "parti unique", mais seulement qu'il y a alternance comme dans toute démocratie digne de ce nom. Je comprends mal  nos amis polonais. Ils sont dans l'Union Européenne depuis seulement un peu plus de dix ans et les voila déja "eurosceptiques". N'avaient-ils pas lu les traités ? Ont-ils adhéré à l'UE seulement pour le tiroir-caisse ? Ils sont pourtant bien placés pour savoir que l'Europe est d'abord un projet politique destiné à promouvoir la paix dans cette zone du monde.

  2. ci

    Merci Maria pour cet article clair, qui nous permet d'analyser les choses avec un peu plus de mesure que la presse ouest-européenne. Dans un dîner en ville, j'ai été frappé d'entendre de la part d'une personne qui semble connaître la Pologne pour des raisons professionelles : "avec la montée  de l'extrême droite et son accession au pouvoir en Pologne, on est pas sorti de l'auberge". Je n'arrivais pas à croire que l'on puisse se livrer à un tel réductionnisme, faisant une fois encore preuve d'un mépris total des gens qui s'expriment par le vote. Si l'on suit ce raisonnement, une fois encore on aurait mieux fait de ne pas leur donner la possibilité de s'exprimer, puisque le peuple ne sait pas réfléchir. En 2005, c'est la majorité des français qui ont eu la bêtise de fait preuve d'euro-sceptisme et que l'on a préféré donc ignorer. 

    Les jeunes polonais que je connais, ceux qui y largement voté Pis, parlent parfaitement plusieurs langues, ont fait des séjours Erasmus dans toute l'Europe, et pourtant sentent que quelque chose ne tourne pas rond dans cette tour d'ivoire bruxelloise, sur le plan des valeurs certes, mais aussi comme le montre bien l'article, dans les besoins élémentaires du quotidien. Et beaucoup des mesures qu'il leur faut appliquer au nom du fameux "projet de paix" européen, ne font rien pour servir la paix civile, augmentent les inégalités, la précarité, dissuadent les familles d'avoir des enfants. 

    La Pologne a su donner sa confiance à une nouvelle génération de politicien. C'est une chance pour eux que nous ne pouvons que souhaiter à la France qui étouffe sous des représentants qui ne la réprésente plus et ne veulent pas partir…

     

  3. Bruno ANEL

    Pour sa première intervention télévisée, la nouvelle premiere ministre a fait enlever le drapeau européen situé en arrière plan pour ne laisser que le drapeau polonais. Mauvais signal.

    1. Vincent

      Ce blog a-t-il vocation a recevoir les bons et les mauvais points de Bruno Anel? Le mépris français dont il se fait l'écho ne peut-il laisser un peu d'espace à nos amis pour être simplement ce qu'ils sont?

  4. Bruno ANEL

    Il ne s'agit nullement d'un "mépris français". La Pologne a adhéré à l'Union il y a à peine dix ans et la voila déja eurosceptique. Elle n'est pas la seule: il y a notamment la Hongrie. Je comprend mal l'attitude de la Pologne qui a été le champ de bataille des deux guerres mondiales. Et pour autant que je sache, on peut encore être en désaccord avec un article que l'on juge trop unilatéral.

    1. vincent

      "mauvais signal"… si cette expression n'est pas un jugement de valeur et une forme de mépris, alors… oui on peut dire ce que l'on veut et distribuer ses bons et ses mauvais points à tous vents. La France que vous représentez bien donne ainsi ses leçons de morales à tout le monde. Mais, vous avez raison, on a le droit de ne pas être d'accord avec une génération qui monte et qui ne semble pas vouloir marcher dans les pas des vieux barbons de la pseudo-démocratie européenne. Cette génération n'est pas eurosceptique, mais elle est moins naïve quant au système que nos élites ont monté au mépris du peuple (des trous de mémoire sur un certain référendum?)