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Le chemin de Croix de l’extrême

Pour la dixième année consécutive, le vendredi 23 mars a eu lieu le maintenant célèbre en Pologne « EDK ». Pour ma part, j’y participais pour la troisième fois. Retour sur cette expérience forte de carême.

« Ekstremalna Droga Krzyżowa », ou plus simplement EDK (qu’on pourrait traduire par « Chemin de Croix Extrême ») est une démarche spirituelle de carême qui a été lancée à travers Pologne, particulièrement adressée aux jeunes. Le père Jacek Stryczek, curé à l’Eglise Saint-Joseph de Cracovie (dans le quartier de Podgórze) en est l’initiateur en Pologne. La devise de cette démarche : « Nie warto żyć normalnie, trzeba żyć ekstremalnie » : « Une vie normale ne nous sert à rien, il nous faut une vie extrême ».

Le principe est simple : le soir de l’un des vendredis de Carême, après la messe, des milliers de jeunes se mettent en route pour une longue marche nocturne (minimum 40km) en direction de l’un des nombreux sanctuaires ou monastères de Pologne. Celui-ci est ponctué par quatorze haltes pour méditer les quatorze stations du Chemin de Croix du Christ vers le Golgotha. Il peut choisir l’un des nombreux itinéraires détaillés et la méditation du Chemin de Croix proposés par les organisateurs (https://www.edk.org.pl/). S’il le souhaite, il peut aussi s’associer à cette démarche en créant son propre itinéraire, en choisissant une autre méditation du Chemin de Croix, en faisant cette démarche à une autre date. A l’image d’un pèlerinage, après avoir marché toute la nuit, la célébration de la Sainte Messe nous attend à notre arrivée à destination.

Pour ma part, j’y participais cette année pour la troisième fois consécutive. La devise encourageant à une « vie extrême » est terriblement parlante pour moi. Elle fait résonner en moi comme en écho l’exhortation du pape François à « se lever du canapé », « enfiler ses chaussures », ici même, à Cracovie, il y a deux ans… Comme à chaque fois, j’ai décidé cette année de parcourir l’itinéraire à la date proposée par les organisateurs, long de 43km entre Cracovie (paroisse Saint-Joseph) et le sanctuaire de Kalwaria Zebrzydowska (pour lequel Jean-Paul II avait une dévotion particulière, puisqu’il habitait à 10km de là). 

A la messe d’envoi, plus de 2000 jeunes, garçons et filles, ont comme moi répondu à l’appel, dont un de mes amis français expatriés Thibault, qui m’a accompagné sur tout le trajet. Nous n’emportons avec nous qu’une lampe de poche, de quoi manger et boire pour la route, et un imprimé de l’itinéraire, ainsi que d’une méditation du Chemin de Croix. J’avais choisi pour nous la belle méditation poétique de Claudel (par exemple : http://assum.over-blog.org/2015/03/le-chemin-de-la-croix-avec-paul-claudel.html).

Et c’est alors le début d’une marche interminable. Bien que la démarche soit recommandée en silence et solitaire, je ne peux m’empêcher d’échanger quelques mots à mi-voix avec les compagnons de route. Pour s’encourager, pour lutter contre le sommeil. Comme le décrivait si bien Thibault, il y a un moment dans la nuit où le cerveau se désolidarise du corps qu’il est censé contrôler… C’est vrai, durant EDK, l’unique nécessité est celle d’avancer encore et encore. C’est une démarche de foi pure, car nocturne. Dans la nuit, je n’aperçois ni le lieu que j’ai quitté, ni le lieu où je me rends. Si mon cerveau s’efforce de calculer, contrôler et compter les bornes restantes, il ne fera que se fatiguer, ne pourra me conduire qu’à céder au doute… 

« Ô milieu de notre vie ! Ô chute que l'on fait spontanément ! 
Quand l'aimant n'a plus de pôle et la foi plus de firmament,
parce que la route est longue et parce que le terme est loin,
parce que l'on est tout seul et que la consolation n'est point !

 

(Paul Claudel, Septième station : Jésus tombe pour la deuxième fois)

 

La consolation n’est point… du moins point d’autre que celle de s’associer aux souffrances du Christ vers le Golgotha. Parce que par définition, Son Chemin de Croix à lui ne pouvait être qu’ « extrême ». Il est par excellence Celui qui a réussi son EDK ! Une souffrance si extrême devant un cœur aussi indifférent que le mien, cela ne pouvait plus durer… Comme je m’étais trop souvent habitué à marmonner ou réciter les stations d’une voix monotone et ennuyée, plutôt qu’à les éprouver, j’avais en mon cœur un grand désir d’y prendre une petite part. A ma façon, expérimenter le côté « extrême » de mes limites, que seule l’espérance d’une résurrection peut consoler…

L’espérance d’arriver au bout cette année encore n’a pas été déçue. Des ampoules, des courbatures, une fatigue « extrême » ! Tout le monde pique du nez en arrivant à Kalwaria. Mais tout le monde est heureux, nous nous félicitons mutuellement, nous nous photographions devant le sanctuaire (pour prouver qu’on l’a bien fait !). La Sainte Messe dans l’église du tableau miraculeux de la Vierge (au XVIIème siècle des larmes de sang ont coulé des yeux de Notre-Dame), 

Une fois la messe terminée, chacun rentre chez soi (en voiture ou en bus). Après une bonne journée de sommeil (eh oui, pour ce jour-là, le bon lit douillet ressemble à un coin de paradis !), c’est le retour à la vie « normale », que grâce à cette expérience j’espère un peu plus « extrême » d’année en année…

 

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2 Commentaires

  1. david

    Bonjour, si vous êtes désireux de participer ou d'organiser un chemin de croix extreme, nous avons des supports à télécharger pour votre communication. Nous avons déjà organisé de nombreux "chemin de croix extreme". N'hésitez pas a prendre contact avec nous  via.dolorosa.adbp@gmail.com  .  merci fraternellement David