Home > Santé > Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018

Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018

M. Denis Mukwege a reçu cette année le prix Nobel de la paix, de même que Mme Nadia Murad. Tous deux sont récompensés pour leur lutte contre l’emploi de violences sexuelles comme arme de guerre. Tandis que Nadia Murad œuvre auprès des femmes yézidies, le Dr Denis Mukwege vient en aide aux femmes congolaises de l’est de la République Démocratique du Congo (RDC). Myoto Liyolo connait personnellement le médecin. Citoyenne autrichienne et congolaise, elle répond à nos questions.

Docteur Denis Mukwege

Pouvez-vous nous décrire la situation de cette région du pays ?

Cela fait plus de 20 ans, que la région des Kivus (Nord Est de la RDC, aussi connu comme tant le Maniena) subi les affres d’une guerre que personne ne veut arrêter. Plusieurs groupes ethniques, politiques, étrangers, locaux s’y battent sans que les autorités compétentes ne soient capable d’y mettre fin. 

Cette région fut longtemps nommée la petite Suisse de l’Afrique car bénéficiant d’un sol fertile permettant une agriculture pouvant nourrir toute l’Afrique, de la pomme aux carottes sans oublier le meilleur café du monde et le bétail. Au-delà de ce sol fertile, la région possède les plus grandes mines d’or, de coltan, de platine, du monde. Ces derniers ont été source d’une convoitise exponentielle depuis la fin des années 1990.  Aujourd’hui, c’est une zone de guerre où le viol est devenu une arme de guerre. Tous les groupes d’âge en sont victimes : des nourrissons aux grand-mères, filles, garçons, jeunes, vieux. Les groupes qui infligent ces sévices ne font aucune discrimination. Le viol est collectif, publique.

Que représente le travail du Dr Mukwege ?

Son travail est exceptionnel. Cela fait 20 ans qu’il opère des corps meurtris et essaye de leur redonner vie et envie. Il redonne de l’espoir là où il n’y en a plus. Il redonne de la dignité là où la honte a pris racine. Il montre que c’est possible de faire du bien là où le mal sévit. Il est un modèle à suivre là où il n’y a plus de point de repère.

A-t-il risqué sa vie pour pouvoir poursuivre son travail de médecin gynécologue ?

Il a été victime d’un attentat qui a failli lui couter la vie. Il s’en est sorti et malgré une pression intense et des intimidations constantes de la part du pouvoir en place, il a décidé de rentrer et de continuer son travail.

Son œuvre et sa réputation internationale sont-elles connues en RDC ?

Il est actuellement très connu en RDC mais il y a quelques années, personne, sauf les autochtones de l’est du pays, ne le connaissaient. L’adage dit que l’on n’est jamais prophète chez soi. Ainsi son travail a d’abord capturé l’attention des étrangers avant que les congolais eux-mêmes  (en dehors de ses patients bien entendu) réalisent la valeur de cet homme. Aujourd’hui, avec le Prix Nobel, et les réseaux sociaux hyper actifs en RDC, sa réputation n’est plus à faire.

Que faudrait-il faire pour améliorer la situation de l’est de la RDC ?

En RDC, tout ce qui est normal devient anormal. Tout ce qui est basique devient luxueux. Le RDC est doté d’une des lois les plus dures et implacables en matière de violence sexuelle au monde, mais étonnamment, sa mise en application est quasi inexistante. Un Bureau Spécial contre les violences sexuelles a été créé, directement rattaché au Chef de l’Etat, et pourtant tous les jours des viols et autres sont commis dans cette région sans que personne ne soit inquiété. Donc, que faut-il faire ? Il est peut-être temps que la société civile se révolte mais comment, lorsqu’elle a atteint un niveau de paupérisation tel, que la corruption est devenu le mode de fonctionnement de tout un état.

Dans un monde qui perd ses valeurs au quotidien, peut-on rêver d’influer sur les grandes entreprises qui utilisent les ressources de la RDC pour qu’ils fassent bloc ; se fassent violence et décrète l’arrêt de tout achat de produits miniers venant de la RDC et ce jusqu’à la restauration de l’ordre et de l’autorité ? Cela est bien utopique mais l’espoir fait vivre. Par exemple : Aucun appareil électronique ou voiture electrique,  ne peut fonctionner sans le coltan. Hors, 80% du coltan provient de la RDC et pourtant, la population de la RDC est une des plus pauvres du monde. Si seulement, la volonté politique y était, tant au niveau local qu’international, il serait possible d’imposer de réelles sanctions et de voir un changement. Les états étrangers imposent actuellement des sanctions envers des dirigeants politiques mais cela ne résout rien. Il faut sanctionner les entreprises et exploitants qui permettent cette gabegie. A ce moment-là, il pourrait y avoir une lueur d’espoir pour la RDC. Le Seigneur a tout donné à la RDC : des terres fertiles, des hommes, des terres gorgées de minerais de tout genre. Ce pays devrait être le pays le plus avancé de l’Afrique et pourquoi pas la première puissance du monde. Il est tristement célèbre pour en être la risée.

Le discours du Docteur Denis Mukwege lors du prix Nobel de la Paix

Vous aimerez aussi
La planète danse
“J’ai encore beaucoup de rêves à réaliser”– ou quand le bon génie Jack Ma quitte Alibaba
Yekima, nouvelle voix du slam francophone au cœur de l’Afrique
Un point sur la situation en République démocratique du Congo

1 Commentaire

  1. David B

    Merci Clément pour cet interview et pour le lien vers le discours magnifique de cet artisan de paix qui est aussi un combattant pour la paix.

    Je suis sensible à son exemple et à son invitation à agir !!