Home > Sciences > Avortement: le vent tourne
A Washington, ce 18 janvier, des centaines de milliers de personnes (jeunes, en grande majorité) marchent pour manifester leur opposition à l’avortement. La date n’est pas aléatoire: elle correspond à l’anniversaire de la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis — datée du 22 janvier 1973 et connue sous le nom de “Roe versus Wade” — de légaliser l’avortement au niveau fédéral, donc sur l’ensemble du territoire américain.
 
Thème de la journée March For Life 2019
 
 
Si la pugnacité du mouvement “pro-life” aux Etats-Unis fait notre admiration, il nous semble peut-être, de notre côté de l’Atlantique, que la bataille contre l’avortement est une bataille perdue et qu’un changement de direction n’est plus envisageable sur cette question. C’est faux, comme le montre Rachel McNair dans un long article pour la revue First Things. Aux Etats-Unis, le vent a déjà commencé de tourner.
 
Quelques chiffres. 
L’avortement était autrefois disponible dans la plupart des hôpitaux, aujourd’hui il ne l’est plus guère que dans des cliniques spécialisées. Celles-ci étaient au nombre de 2.200 dans les années 90, aujourd’hui on en compte moins de 500 aux Etats-Unis. Après la légalisation de l’avortement en 1973, le nombre d’avortements a augmenté d’année en année, jusqu’à atteindre 1,4 millions d’avortements par an en 1981. Pendant les décennies qui ont suivi, ce taux est resté relativement stable. Aujourd’hui, il est en chute continue. En 2014 furent recensés 652.000 avortements, soit une chute de plus de 50%. Par ailleurs, ce chiffre est composé pour moitié (45%) de femmes ayant recours à un deuxième ou troisième avortement, tandis que la proportion de “premiers avortements” est elle-aussi en déclin.
 
Quelles sont les raisons de ce déclin ? Rachel McNair en souligne quelques unes. Ce qu’il est intéressant de noter, c’est qu’elles ne correspondent pas à un changement de position de nature idéologique ou religieuse, mais plutôt à une réaction humaine et en quelque sorte pragmatique face aux conséquences de l’avortement.
 
  •  Traumatisme post-avortement. Un grand nombre de femmes sont traumatisées par le souvenir et la culpabilité de leur avortement. Des symptômes similaires sont observés chez les médecins et le pesonnel paramédical impliqués dans la réalisation d'avortements. Certains témoignent l’avoir fait avec la conscience de “tuer une personne humaine.
  • Féminisation de la pauvreté. Alors que la légalisation de l’avortement promettait de libérer les femmes de la pauvreté en leur épargnant le fardeau de maternités involontaires, c’est le contraire qui s’est produit. L’avortement déresponsabilise les hommes et sert de justification au non-paiement des pensions paternelles, puisque la naissance d’un enfant peut être vu comme la responsabilité exclusive de la mère “qui n’a pas voulu avorter”. Aux Etats-Unis, la proportion de femmes vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté depuis 1973.
  • Violences familiales contre les enfants. Roe vs. Wade promettait également de conduire à une diminution des violences contre les enfants au sein de la famille, ces violences étant — pensait-on — la conséquence des naissances non désirées. Là aussi, la réalité dément cette analyse. Les statistiques officielles du Census Bureau font état de 452.800 cas de violences domestiques en 1973, contre 2.959.100 en 1990. Comme toute forme de violence, note l’auteur de l’article, l’avortement désensibilise : si un enfant peut être tué lorsqu’il est porté par sa mère, l’obligation morale de protéger un enfant même après sa naissance perd de sa force.
  • L’avortement vise principalement les filles. Si les cas d’avortements ciblant un sexe précis (et plus précisément le “sexe faible”) sont rares aux Etats-Unis, ils sont au contraire les plus fréquents dans d’autres pays, et notamment en Chine (du fait de la politique de l’enfant unique) et en Inde (pour éviter le poids financier que représente la “dot” que payent les parents de l’épouse lors d’un mariage).
La récente nommination de Brett Kavannaugh a fait pencher la balance de la Cour Suprême des Etats-Unis en faveur des conservateurs. Craignant que la Cour puisse, en conséquence, revenir sur Roe versus Wade fait trembler les libéraux. Le drame national qui s’est noué en septembre autour de la nommination de Kavannaugh avait en toile de fond, non pas son passé et son rapport avec les femmes, mais le futur immédiat du statut juridique de l’avortement.
 
Craignant un revirement au niveau législatif, l’état de New York se prépare à adopter dans les semaines qui viennent un projet de loi (le “Reproductive Health Act”) “protégeant” (quelle ironie!) l’avortement dans ses frontières et radicalisant plus encore son exécution : il sera désormais possible d’avorter pour quelque raison que ce soit jusqu’au terme des neuf mois de grossesse. Par ailleurs, un avortement forcé, contre la volonté de la mère (y compris dans une intention criminelle) sera dépénalisé. Enfin, si un enfant, comme cela arrive parfois, survit à la procédure d’avortement, il sera encore possible de le tuer, même hors du ventre de sa mère.
 
Ce projet de loi a beau se parer d’un vocabulaire sanitaire et progressiste, il est abominable. La bête est démasquée et enragée, et sa rage ne fait que révéler plus clairement encore sa vraie nature. Il est probable qu’elle ne fera en cela que pousser plus de gens encore, écoeurés par sa brutalité, vers le mouvement “pro-life” et le respect de la vie, avant comme après l’instant de la naissance.
 
Ces nouvelles qui nous viennent de l’autre côté de l’Atlantique doivent donc nous redonner courage: non, l’avortement n’est pas une bataille perdue, un fait établi contre lequel il serait impossible de revenir. Le vent a déjà commencé de tourner, et ce n’est pas le moment de baisser les bras, au contraire. 
 
 
Lire l’article original en anglais sur First Things
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2 Commentaires

  1. Bruno ANEL

    En France, c'est un président de droite, Valery Giscard d'Estaing, qui prit l'initiative d'autoriser l'IVG . C'est normalement Jean Lecanuet, ministre de la Justice, qui aurait du présenter la loi au Parlement puisqu'elle comportait une modification du code pénal : il se défaussa en raison des réticences de ses amis centristes. C'est donc Simone Veil, ministre de la santé, qui défendit la loi malgré ses réticences personnelles, mais à ses conditions : ce serait une loi de santé publique . Elle aurait pour but de faire en sorte que les avortements jusque  la clandestins se déroulent dans de bonnes conditions médicales . La "loi Veil" n'en fut pas moins considérée par la suite comme une conquête "sociétale" . Qu'en pensa l'interessée , elle ne le dit pas dans ses mémoires. Mais sa présence à la "Manif pour tous" , quarante ans plus tard, laisse place à bien des suppositions.

  2. Emmanuelle

    En Europe aussi il y a un gros malaise: travaillant dans le milieu médical, je peux dire que je n'ai, en 20 ans de carrière, pas encore rencontré un médecin qui reste indifférent à la pratique de l'avortement: "On le fait parce qu'il faut le faire…" Même si l'embryon n'a pas encore de statut juridique en tant que personne, on ne peut nier qu'il s'agisse d'un être humain au début de son existence et qui comme tel, et quelles que soit ses tares éventuelles, mérite notre infini respect et notre protection (ce qui implique évidemment le protection et le soutien de la femme enceinte qu'elle choisisse ensuite de s'occuper de l'enfant ou de le confier à un couple désireux d'adopter).