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« Saint Georges et le dragon » de Raphaël

Après avoir suspendu l’exposition pour les 500 ans de Raphaël en raison de la pandémie, l’exposition du Palais du Quirinal est à nouveau ouverte au public depuis le 2 mai. Le « Divin » Raphaël, comme on l’a toujours appelé, attend les centaines de visiteurs qui veulent contempler cette exposition unique, pour la quantité et la qualité des œuvres exposées.

 

Saint Georges et le Dragon – Raphael (National Gallery of Art – Washington DC) Source

 

Mais les histoires derrière ces œuvres, véritables chefs d’œuvre, ne sont pas connues : histoires de jalousie, de pertes, d’enlèvements et même de disparitions. Parmi les œuvres qui racontent une histoire assez étonnante dans son passé, il y a le « petit » Saint-Georges, fait pour un roi, mais qui a fait le tour du monde avant d’atteindre sa destination finale.

Saint Georges

Comme le dit Marco Carminati, dans son livre Raffaele pugnalato [1]Raffaele Pugnalato- Marco Carminati, edizione I libri del sole 24 ore, de nombreux romans pourraient être écrits à partir des œuvres de Raphaël. L’histoire et les vicissitudes concernant ses peintures pourraient remplir d’anecdotes les pages de tant de nouveaux récits d’action et de mystère.

En 1506, Raphaël est un jeune artiste qui se trouve à la cour d’Urbino, sous le commandement du Seigneur de la ville Guidobaldo II de la Montéfeltro. Guidobaldo avait reçu une grande décoration de la cour anglaise et voulait offrir au roi Henri VII un tableau représentant le grand protecteur de l’ordre Saint Georges, en signe de gratitude et de respect.

C’est à Raphaël qu’il demande de réaliser ce travail basé sur la légende dorée, qui correspond parfaitement à l’idéal cavalier : le Saint est représenté au moment où il sauve la princesse qui allait tomber entre les mains du dragon, toujours une image du péché et du diable.

Dans la représentation de Raphaël, Saint-Georges défend la princesse en tuant le dragon : la princesse est à l’arrière-plan, demandant l’aide de Dieu, tandis qu’au premier plan, Saint-Georges sur un cheval blanc, avec une lance en bois (comme le matériau de la Croix du Christ) et non en métal, transperce le cœur du dragon. Une violence qui se manifeste de manière mesurée, car on voit dans le geste de Saint Georges une mission à remplir et la certitude de la mener à son terme pour sauver « l’âme » de la jeune princesse. Pour accompagner le geste des deux personnages, on aperçoit un paysage bucolique et la tour du château où le roi espère revoir sa fille.

L’histoire

Une fois le tableau terminé, un important représentant du Seigneur d’Urbino le portera à la cour anglaise, où il devrait être remis entre les mains du roi. Il est vrai que l’ambassadeur est reçu avec tout le faste de la couronne anglaise, mais le tableau ne sera jamais donné à Henry VII et disparaîtra de l’histoire jusqu’en 1627.

En juin 1627, lors de visite du roi Charles Ier au Seigneur de Pembroke, celui-ci découvre le petit tableau de Raphaël et se passionne pour ce geste héroïque de Saint-Georges. Le noble comprend qu’il est temps de ne pas décevoir son roi, mais avant de le lui donner, il en fera une gravure.
À la mort de Charles Ier, grand collectionneur d’art, ses tableaux sont vendus et un créancier du roi les achète pour une somme très élevée : 150 livres. Mais ce créancier ne tient pas compte de la beauté de l’œuvre de Raphaël et va la vendre rapidement. C’est à ce moment-là que le tableau quitte le sol anglais pour passer quelques années dans différentes collections françaises, jusqu’à ce qu’il atteigne la grande collection de Pierre Crozat, communément appelée « le Pauvre ».

Pierre Crozat (Source)

 

Dans la collection de ce grand admirateur de Raphaël, il y avait différentes œuvres du même auteur : des peintures, des gravures et des tableaux. Mais le Saint Georges sera au centre de l’exposition permanente et Crozat le considère comme la pupille de ses yeux.

Mais ce que Crozat ne savait pas, c’est qu’une femme puissante et ambitieuse avait mis l’œil sur le San Jorge de Raphaël : Catherine II de Russie avait découvert ce tableau et souhaitait l’avoir dans sa propre collection. Catherine était connue, parmi les mauvaises langues, pour sa capacité à « obtenir tout ce qu’elle voulait », alors elle attendit patiemment la mort du collectionneur pour, avec l’aide du philosophe Denis Diderot, acheter le tableau qu’elle désirait tant. En 1772, le tableau de Saint-Georges, ainsi que d’autres œuvres importantes de la collection de Crozat, ont quitté le sol français pour entrer dans le catalogue et l’exposition du nouveau musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg. Son arrivée a été célébrée par toute la cour, en particulier par la tsarine qui avait atteint son but.

Catherine II de Russie (Source)

 

En 1837, il a failli disparaître avec d’autres œuvres dans l’incendie du musée, et en 1917, lorsque la Révolution a éclaté, il a été l’un des tableaux envoyés à Moscou pour être sauvés d’éventuelles attaques.
Pendant trois ans, il a été enfermé dans une boîte et a fait plusieurs voyages à Moscou pour échapper aux bombardements et aux agressions de divers groupes de voleurs.

Lorsque le musée a finalement été ouvert au public, un nouveau malheur est survenu : le tuyau de chauffage s’est rompu alors que le tableau de Saint-Georges et du dragon était en ébullition. Bien que les dégâts soient importants, le tableau de Raphaël retrouve une seconde vie.
Mais ce n’est pas tout. En 1930, Lénine préfère d’autres choses aux œuvres d’art et fait retirer le tableau du musée pendant la nuit, pour l’envoyer à Berlin où l’attend Andrew Mellon, secrétaire du Trésor des États-Unis. Il paiera 745 000 dollars pour le Saint-Georges de Raphaël, qui a déjà une place dans le musée qu’il est en train de créer à Washington, un musée qui serait gratuit pour tous les Américains.

Mais lorsque le secrétaire d’État l’accusera de détournement de fonds, son plan pour surprendre les Américains avec ce musée gratuit devra être révélé, ce qui atténuera l’effet de surprise, mais pas la passion et l’admiration que les visiteurs de ce musée découvrent à ce jour devant « Saint Georges et le dragon » du grand peintre Raphaël.

References

References
1 Raffaele Pugnalato- Marco Carminati, edizione I libri del sole 24 ore
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