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Un artiste salvadorien : les yeux d’un enfant, le coeur d’un vieux paysan

Fernando Llort, ce nom est désormais lié à jamais à cette terre salvadorienne et à ses couleurs. Peintre, sculpteur, muraliste, compositeur et chanteur, cet artiste a su transmettre les paysages et l’âme de son pays ainsi que la simplicité et la joie de son peuple. 

C’est dans l’art qu’il trouve son identité…

Depuis son enfance, Fernando montre sa passion pour le dessin et le travail manuel. Au lycée déjà, il prend des cours de céramique. Après son bac, sa recherche et ses voyages commencent : après une expérience au séminaire, il entreprend divers études : philosophie à Toulouse en France, architecture et art en Louisiane aux USA, théologie en Belgique… Il a aussi fait partie d’un groupe Hippies (La Banda del Sol) pendant un an.

En 1980, Après ce parcours assez international et varié qui révèle cette quête qui l’habitait de trouver sa mission et sa place, il sent au fond de lui cet appel à retourner au El Salvador, sa terre. Et c’est à La Palma, ce tout petit village du département de Chalatenango qu’il trouve sa vocation et pourra dés lors contribuer à ouvrir une fenettre sur la beauté et la culture à d'autres salvadoriens.

Le thème de l’identité a toujours occupé une place très importante dans son parcours, ses dessins et sa vie. Dans toutes ses œuvres, on trouve toujours une évocation de la culture Maya, et des paysages du El Salvador : les oiseaux typiques, les femmes au marché avec leur panier sur la tête, les hommes avec leur chapeau et leurs outils de travail, les plants de Maïs, les volcans… Tous ses dessins parlent de l’identité salvadorienne. Les couleurs parlent de la simplicité et joie de ce peuple.

« Mon désir a toujours été celui d’aider le plus possible avec mes peintures, motivant mon peuple afin que ses racines se réveillent, et qu’il cherche une expression qui lui est propre. J’ai toujours senti cette nécessité profonde de redécouvrir une culture locale, qui nous permettrait de retrouver notre place comme salvadoriens en Amérique latine. »

Fernando Llort a marqué l’histoire de son peuple, ses dessins ont commencé à naitre dans un pays rongé par la violence de la guerre terminée en 1992. Au milieu des adversités, il enseignait par ses peintures une autre réalité, oubliée en apparence, mais pourtant si présente dans les coeurs en ces temps de violence. 

Introduit à sa vocation par le regard d’un enfant…

En arrivant à La Palma, Fernando Llort n'a aucun projet. Mais commence à sillonner les rues de ce petit village, regardant tout simplement les gens, se demandant quelle pourrait être sa vocation. Un jour, son regard est attiré par un petit enfant dans la rue, en train de frotter par terre une petite graine marron, typique du El Salvador : ‘Semilla de Dios’, utilisée pour faire des colliers. En regardant la petite surface grattée, blanche, entourée du cadre brun de la graine, il pense : « Une peinture encadrée dans cette petite graine ». Et il achète la graine au petit enfant, sur laquelle il fait son premier ‘petit’ dessin coloré.

                                      

Cette rencontre toute simple avec cet enfant, le conduit à ouvrir son premier atelier à La Palma. Il l'appelle "La Semilla de Dios" (La graine de Dieu), en référence à la graine qui a tout déclenché, mais aussi à la petite graine de l'Evangile. Il commence à enseigner le dessein et à peindre la belle culture de son pays. Un mouvement d'artisan est né. L'atelier fera naître d'autres vocations artistiques.

          

Fernando Llort entouré de ses élèves à l’atelier Semilla de Dios

« Dans mon travail artisanal, mes peintures et mes desseins, j’ai essayé de représenter la beauté de nos paysages, ses couleurs vibrantes, la joie des scènes quotidiennes de notre peuple et la richesse de nos ancêtres symbolisées par des lignes toutes simples qui nous invitent à voir les choses comme à travers une vision magique, comme peuvent les voir les yeux, le cœur et l’esprit d’un enfant, ou la naïveté d’un sage campagnard, sans préjugés ni schémas préconçus… »

« Je n’ai jamais imaginé que cette ‘Semilla de Dios’ (graine salvadorienne), et le partage de mes dessins avec les habitants de la Palma,  arriverait à être ce qui est devenu aujourd’hui. C’est pour cela mon cœur est plein de joie de voir qu’aujourd’hui, ces  dessins et ces couleurs font partie de l’identité culturel d’un peuple et de mon cher pays. »

     

Fernando Llort, un homme de foi

Le rêve de Fernando était simple, faire de l'art une façon de vivre pour lui et pour d'autres, et toujours consacrer son travail à Dieu. Avec cette simplicité, il rend leur dignité à beaucoup de personnes, leur donnant du travail dans son atelier, mais par dessus tout, les introduisant de nouveau dans la beauté de leur propre culture. Avec son art, il leur permet de ne pas s’abandonner au désespoir et à la souffrance causés par la violence qui ne cesse de ronger le pays depuis la guerre.

Beaucoup de thèmes de ses peintures parlent de sa foi, de sa gratitude devant la beauté de la création, de cette âme qui cherche son créateur, de la Vierge de l’apocalypse…

Il a toujours reconnu son art comme une mission qui lui est confiée par Dieu afin de transformer des vies par la beauté, les ramenant à "Quelqu’un" de plus grand que lui. Une de ses plus belles œuvres sont les fresques la muraille de la façade de la Cathédrale de San Salvador. Façade qui a été malheureusement détruite en 2012. Une grande douleur pour Fernando Llort. Mais, par sa façon si humble et discrète d’accueillir la destruction de son œuvre, il a témoigné de sa grande foi et  de son amour pour l’Eglise.

« Je suis un artiste-artisan et je crois fermement que Dieu nous a donné nos talents afin que nous les partagions avec les autres. Les plus grands outils que Dieu nous a donné sont les mains et le cœur pour construire de belles choses, pour transformer des vies, pour former des liens humains qui nous aident tous à progresser et être des instruments de paix… cette paix à laquelle nous aspirons tellement… »

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