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Vendée Globe : « Nous sommes venus le remercier »

« Voici que des foules nouvelles arrivent… »[1] Herman Melville dans les premières lignes de Moby Dick ne pensait certainement pas à la foule venue accueillir Armel le Cléac’h jeudi soir pour son arrivée aux Sables d’Olonne. Grand gagnant du Vendée Globe, cette course autour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance, le skipper breton a bouclé en un peu plus de 74 jours cette aventure unique, l’Everest de la voile. Il améliore de 4 jours le précédent record, établi par François Gabard en 2013 ! Les bateaux s’améliorent, les marins aussi (c’était cette année la 3° participation d’Armel le Cleac’h) mais cette course en haute mer reste un exploit sportif, technique, humain.

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Armel le Cléac'h, à son arrivée aux Sables d'Olone (photo)
 

Au delà de l’exploit, qu’est ce qui pousse cette foule si nombreuse à s’agglutiner dans un froid glacial sur les bords du chenal des Sables d’Olonne ? Est-ce vraiment « le pouvoir magnétique des aiguilles de tous ces compas marins » (Melville) qui sillonnent les mers du Globe depuis plus de 2 mois et demi ? Est-ce seulement pour voir le bateau « Banque Populaire »  du vainqueur et profiter d’un beau feu d’artifice ? Une jeune femme interviewée répond tout simplement « on est venu pour le remercier »… le remercier de quoi ?

« C’est comme le personnage d’un bouquin qui irait chercher quelque chose en haut de la montagne »

Le remercier d’avoir répondu à l’appel du grand large, de s’être lancé dans cette aventure de dépassement de soi, cette expérience profondément humaine qui exerce sur nous, à chaque nouvelle édition, une fascination plus grande ! Fascination pour le chant des Océans et pour les motivations secrètes de ces hommes qui vont affronter durant près de 3 mois les éléments, les vagues, les tempêtes. Pour Armel le Cléac’h la seule recherche de l’exploit sportif ne suffit pas à prendre la mer, le Vendée Globe c’est davantage « une quête », « c’est comme le personnage d’un bouquin qui irait chercher quelque chose en haut de la montagne » une quête où comme dans le vie, « l’adversaire c’est le parcours » et ses surprises, ses difficultés, pas tant les autres concurrents. Une quête à l’image de la vie, une quête qui travaille l’imaginaire de ceux qui prennent la mer comme de ceux qui restent à terre. Cette quête comme notre vie, malgré les sponsors et les budgets énormes engagés, a comme un parfum de gratuité, Armel le Cléac’h l’avoue, « ça ne sert pas à grand chose effectivement ».

"Cette solitude est difficile, mais c'est la clef du bonheur."

Tous les navigateurs courent après « ce quelque chose en haut de la montagne », pas seulement le vainqueur. Fabrice Amédéo, encore en train de remonter l’Atlantique, exprime avec ses mots cette certitude : « ça va changer ma vie, je ne serai plus le même à l’arrivée qu’au départ ». Pourquoi ? Parce que « La vie est faite pour faire des choses aussi belle que cela… Le Vendée Globe c’est la beauté, c’est quelque chose d’absolument absurde sans aucune utilité qui est posé sur le chemin et c’est tellement beau que l’on est subjugué par cela » nous livre Eric Bellion naviguant sur son bateau appelé « comme un seul homme ».


Portrait d'Éric Bellion / Vendée Globe von VendeeGlobeTV

Cette fascination pour la beauté consiste aussi dans la confrontation avec la solitude. Ainsi, pour Eric Bellion encore : « Accepter cette solitude incontournable, c'est la clef  pour s'épanouir, soi même et les autres, pour créer. Et la création c'est la base du bonheur, quand on créé on est heureux, on est fier. Cette solitude elle est difficile, c'est la clef du bonheur. Moi je suis seul, je me sens très souvent seul ici, loin de tout, maintenant je donnerai ma place à personne d'autre ». Cette fascination, il la partage avec Fabrice Amédéo : 


J71 : Fabrice Amedeo a franchi le Cap Horn… von VendeeGlobeTV

A sentir l’émotion, sa joie d’enfant lorsqu’il passe le Cap Horn, la gratitude qu’il éprouve pour cette beauté, « j’en pleurerais tellement c’est beau », on se dit que ce qui fascine ces hommes et les foules qui viennent les accueillir, c’est cette expérience, celle d’être « subjugué par la beauté » qu’ils nous font partager. Pour Jean Pierre Dick, autre navigateur dont c’est la quatrième participation, faire le Vendée globe n’est pas d’abord une prouesse technique, un exploit humain ou surhumain, une compétition… mais un « privilège » ! « Privilège » qu’ils ont d’être témoin de la beauté ! C’est pour ce témoignage authentique et nécessaire que « nous sommes venus les remercier ».

 


[1] "Mais voyez ! Voici que des foules nouvelles arrivent, fonçant droit vers l’eau, destinées, semble-t-il, à un plongeon. Étrange ! Rien ne paraît devoir les satisfaire hormis l’ultime limite de la terre, une halte dans l’ombre abritée des entrepôts neleur suffit pas. Non. Il leur faut s’approcher de l’eau d’aussi près qu’ils le peuvent sans y tomber. Et ils sont là, échelonnés sur des milles, sur des lieues. Tous venus, de l’intérieur des terres, par les sentiers et les allées, les rues et les avenues, du nord, de l’est, du sud et de l’ouest. Ils se sont tous agglutinés là, pourtant. Dites-moi, le pouvoir magnétique des aiguilles de tous ces compas marins les a-t-il attirés d’aussi loin ?" Herman Melville, Moby Dick. 

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