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d' Albane de Monts       11 octobre 2011

Alors que nous fêtons cette année le centenaire de la publication de la « méthode Vittoz » par le Docteur Roger Vittoz, nous avons rencontré Roselyne D., praticienne et membre de l’association Roger Vittoz (ARV). Elle a répondu à nos questions :

Qu’est-ce que la « méthode Vittoz » ?

La méthode Vittoz est une thérapie psychosensorielle fondée par le Docteur Roger Vittoz au début du XXème siècle. Elle s’appuie sur la perception sensorielle et le développement de la conscience. Cette méthode vise la rééducation du contrôle cérébral par l’équilibre entre les deux fonctions essentielles du cerveau, la « réceptivité » (par les sens) et « l’émissivité » (par la pensée). En Vittoz, quoique je fasse, éplucher une carotte, rêver ou danser, rien de moi ne reste à l’écart. A notre époque, l’activité mentale est excessivement développée ; on sait bien penser, analyser mais on accorde trop peu de place au ressenti corporel et émotionnel qui ouvre pourtant à la connaissance de soi au contact du réel. En Vittoz, la personne est considérée dans sa globalité et le travail sur soi s’adresse à tous les niveaux de la personne, corporel, moral, intellectuel et spirituel. Il aide la personne à trouver ou fortifier son « UNITE ».

 

A qui cette méthode s’adresse-t-elle et quel bénéfice peut-on en attendre ?

Elle s’adresse à tout public en quête d’une meilleure connaissance de soi pour vivre mieux en déployant toutes ses potentialités. Des médecins ou psychiatres peuvent nous adresser des patients pour un travail psychosensoriel en complément des traitements médicamenteux. Les familles sont aussi en attente d’aide à leurs enfants en difficulté scolaire, en particulier au niveau de la concentration. Le travail Vittoz permet de réinstaller un fonctionnement positif, dit « circuit de la récompense ou de la réussite » chez des personnes en situation d’échec ou dépressives.

Comme cette méthode travaille sur le conscient, le patient peut être acteur de sa thérapie. Le succès de sa thérapie requiert donc le désir et la volonté de la personne de guérir. Entre le thérapeute et le patient se tisse une alliance, dite « thérapeutique ». De la qualité de cette alliance dépend aussi le progrès du patient. C’est une thérapie très forte dans les possibles et à la fois très douce parce qu’elle prend le patient où il en est. On avance ensemble pas à pas. La clé est dans le regard que le thérapeute porte sur le patient à qui il fait confiance et qu’il  considère capable de réussite.

 

Vous parlez d’accompagnement, peut-on aussi parler de compassion ?

Dans cette alliance, le thérapeute accompagne le patient, dans sa progression personnelle ou dans sa souffrance, avec ce qu’il est et avec ses compétences. L’accueil et la compassion font partie intégrante de l’accompagnement du thérapeute face à la souffrance de son patient. C’est avec compassion que le thérapeute va aider le patient à traverser sa souffrance. Notre travail vise à permettre au patient, s’il est touché ou atteint par sa souffrance, de ne pas en être  entamé ou détruit. En Vittoz, le thérapeute commence par aider le patient à accueillir sa souffrance et à s’accueillir avec toutes ses émotions et ses ressentis. C’est avec toute son histoire et toute sa personne que le patient va cheminer pour adhérer au réel avec plus de conscience et de contrôle. Ne cherchant pas d’abord à évacuer la souffrance mais à installer progressivement une distance qui lui permette de vivre avec. Le Dr Vittoz disait « Veuillez tout ce qui vous arrive ». C’est-à-dire, ne cherchez pas à lutter contre mais adhérez, autant que possible, à ce que vous ne pouvez pas changer. Rien que cela installe un début de paix. Un patient peut ainsi essayer de récupérer un art de vivre, une volonté de vivre mieux y compris avec sa souffrance.

 

Vous parlez d’adhésion, de connexion avec le réel, qu’est-ce qui aujourd’hui nous déconnecte du réel ?

C’est toute la sollicitation du monde moderne à satisfaire des besoins artificiels, non essentiels à la vie. Car aujourd’hui, beaucoup des exigences pour vivre et pour réussir sa vie sont de l’ordre du mental, parce qu’elles se sont peu à peu déconnectées des besoins proprement existentiels, de la simple réalité physique. Dans l’inconscient social, le principal référent que nous avons, c’est la réussite intellectuelle : il faut d’abord être le premier à l’école, puis c’est la réussite professionnelle. Aujourd’hui on est étonné de la joie que peut avoir un fleuriste à refaire les gestes ancestraux de son père, à suivre les saisons et à se sentir heureux de choses si simples… On est surpris alors que ce devrait être le quotidien ! Dans toutes ces sollicitations, il y finalement beaucoup d’artifice, de virtuel…

 

Aujourd’hui, la tendance est plutôt à « construire sa vie », le Dr Vittoz parle de « réceptivité », de « recevoir la vie » ? Pourquoi et comment ?

La « réceptivité », c’est se sentir exister. Sentir est aussi nécessaire à l’être que penser. Le Dr Vittoz rejoint la conviction d’Aristote : « Rien n’arrive à l’intelligence qui ne passe par les sens ». La méthode Vittoz permet de rééduquer les cinq sens à recevoir la réalité telle qu’elle est, sans jugement, simplement, « comme l’enfant au réveil » : Je vois cet arbre, ce visage, etc. tels qu’ils sont, sans jugement. La réceptivité, c’est ce que mes yeux voient, ce que mes oreilles entendent, ce que mon nez sent, ce que ma bouche goûte, c’est tout ce qui m’aide à sentir le réel. Cela veut dire que je laisse venir la réalité. Le Dr Vittoz disait qu’on peut guérir quelqu’un rien que par la réceptivité. « La réceptivité c’est tout ! » parce que c’est la vie… De même au niveau des émotions, pour apprendre à accueillir les émotions, il faut rouvrir le canal des sens.

 

Vous dîtes « Veuillez tout ce qui vous arrive. » Comment peut-on apprendre à se servir de notre la volonté ?

La méthode Vittoz aide à reconnaître la volonté comme une faculté que l’on possède mais qu’on ne sait plus mettre en œuvre. L’éducation de la volonté passe par l’apprentissage à choisir, éliminer ou mettre à distance. Apprendre à choisir est extrêmement important, il faut savoir s’écouter suffisamment pour prendre une décision juste pour soi. L’apprentissage de la volonté se fait par la répétition des exercices vécus en séance. En travaillant sur l’instant présent nous aidons le patient à rester connecté au réel. Pour les personnes qui vont très mal, l’instant présent les préserve de la panique de tout ce qui est devant elles et qu’elles pensent ne pas pouvoir faire et de tout ce qui est derrière et qu’elles pensent peut-être avoir mal fait.

 

En quoi la méthode Vittoz, aujourd’hui centenaire, répond-elle à un besoin particulier de notre société ?

Aujourd’hui, les principaux méfaits du développement hyper-cérébral, hyper-virtuel, sont la destructuration de la personne et la perte de la sensation d’exister, si ce n’est par l’autre, par les attentes et les exigences des autres ou encore par leur fonction ou leur métier. Alors dans des événements graves ou des circonstances difficiles, elles ne savent plus ni qui elles sont ni où elles en sont. La méthode Vittoz peut aider la personne, par le canal des sens, à retrouver son identité propre à tous les niveaux, corporel, émotionnel et mental. « Toute entière dans mon action sans rien de moi à l’écart », y compris les aspirations essentielles de l’homme, le désir du beau, du grand, de quelque chose qui nous dépasse.

La conscience de sa propre identité – JE – permet à la personne d’accueillir l’autre – TU – dans son identité propre et de se positionner, dans leur relation, chacun à sa juste place. Il y a une distance à respecter. L’autre est l’autre, il n’est pas moi. Par exemple, dans une fratrie, l’aîné n’est pas le dernier ! ou dans une famille, le père n’est pas le copain de sa fille ! On apprend ainsi à « défusionner », à respecter la liberté de l’autre. Je n’ai pas à vivre sa vie à la place de l’autre, il y a une partie qui lui appartient et qu’il a la liberté d’accomplir ou pas. Cette conscience de la distance est très bénéfique dans les relations et pacifiante.

La méthode Vittoz propose de développer en soi une attitude plus Simple, plus Souple et plus Sincère (les 3 « S » de Vittoz), pour vivre plus authentiquement face à la réalité, à l’autre ou à soi-même. Une attitude qui n’est malheureusement plus naturelle et que nous avons à réapprendre. Nos ancêtres l’avaient en eux, grâce à une vie plus proche des besoins naturels et essentiels et donc moins artificiels qu’aujourd’hui. La méthode Vittoz est un art de vivre, elle travaille à un retour de l’être à son humanité authentique, à ce qu’il est vraiment.

 

Pour plus d’informations : www.therapie-vittoz.org

 

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