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Nous fêtons en cette année 2021 les 700 ans de la mort de Dante Alighieri. L’auteur de la Divine Comédie s’est éteint à Ravenne, en Italie, le 14 septembre 1321. Cet anniversaire nous donne l’opportunité de revenir sur cette grande figure de la littérature italienne, au nom universellement célèbre mais à la vie souvent méconnue.

 

Portrait de Dante par Giotto. Source : Internet

 

Homme de la fin du Moyen Age, Dante réunit de manière unique ce qui fait la richesse de la culture médiévale occidentale. Il allie foi chrétienne et passion pour ses racines gréco-latines, selon cet esprit médiéval qui reconnaît son héritage antique païen et l’approfondit à la lumière de la Révélation chrétienne.

Le génie de Dante se manifeste dans sa grande curiosité intellectuelle indissociable de sa profonde quête spirituelle. A l’instar des lettrés de son temps, il connaît aussi bien les maîtres antiques, comme Homère et Virgile, que la poésie courtoise médiévale. Audodidacte, il n’appartiendra jamais à une école mais suit autant les cours des dominicains de Florence, à Santa Maria Novella, que l’enseignement des franciscains, à Santa Croce. Il s’intéresse à Platon et à Saint Thomas d’Aquin (qui le précède d’une génération), à Aristote et aux premiers Pères de l’Eglise, influences éclectiques qui parsèment toute son oeuvre.

Parallèlement à cette vaste culture, la première source d’inspiration de sa poésie reste sa rencontre avec la jeune Béatrice, à Florence. Il fait sa connaissance à l’âge de neuf ans, et la revoit plusieurs fois avant qu’elle ne décède prématurément, en 1290, à l’âge de 24 ans. Le grand amour qu’il expérimente alors marquera toute sa vie et ses vers.

L’oeuvre de Dante est particulièrement variée : elle comprend écrits en prose et poésie, écrits en langue latine, considérée à son époque comme la langue littéraire par excellence, et écrits dans sa langue natale, le toscan. Dante, poète, se rend fameux par ses vers, écrits en toscan, de la Vita Nuova (“Vie nouvelle”), puis de la Divine Comédie ; mais il est aussi l’auteur de plusieurs traités philosophiques, comme le De Monarchia (“Sur la Monarchie”), rédigé en latin, où il exprime sa vision politique, ou le De vulgari eloquentia (“Sur la langue vulgaire”), qui défend la prétention du toscan à la dignité de langue littéraire, au même titre que le latin.

  Domenico di Michelino, Dante et son poème (1465) (detail). Cathédrale de Santa Maria del Fiore, Florencia.

 

En effet le “summo poeta” (“le plus grand poète”), comme l’appellent les Italiens, est également un citoyen engagé, dont l’histoire est inséparable de celle de sa cité, Florence. Il naît en 1265 à Florence, ville qui possède son gouvernement indépendant, au sein d’une Italie morcelée en petits royaumes et cités. La ville elle-même est divisée en factions rivales, entre guelfes et gibelins, puis entre guelfes noirs, favorables à la politique du pape Boniface VIII, et guelfes blancs, opposés à l’influence papale. Dante s’engage activement dans le parti des guelfes blancs. En 1300, marié et père de trois enfants, il est élu membre du conseil gouvernant la ville. C’est durant la Semaine Sainte de cette même année 1300 qu’il situe la vision qu’il reçut de l’au-delà, vision qu’il transmettra plus tard dans la Divine Comédie. Alors qu’il est parti en ambassade au Vatican, Florence connaît un revirement politique et les guelfes blancs se retrouvent persécutés. Dante est alors condamné par contumace en 1302. Il doit prendre le chemin de l’exil, sans savoir encore qu’il ne reverra pas sa chère cité. Commencent de longues années de voyages en Italie du Nord. Grâce à l’amitié de puissants, il sera accueilli notamment à la cour de Vérone puis à Ravenne.

Cette vingtaine d’années d’exil est une épreuve douloureuse mais paradoxalement féconde, puisque c’est l’époque où il rédige la Divine Comédie. On lui confie aussi plusieurs ambassades politiques, où il manifeste ses talents de médiateur. C’est au retour d’une mission à Venise qu’il contracte la malaria et meurt, à son retour à Ravenne, le 14 septembre 1321. Il est âgé de cinquante-six ans. Il est enterré à Ravenne, la ville ayant toujours refusé de rendre son corps à l’ingrate Florence, qui avait banni le poète.

 

Sarcophage de Dante, à Ravenne

 

La personnalité de Dante Alighieri est fascinante par sa richesse et son unité. Il embrasse poésie et engagement politique, génie littéraire et sens chrétien, tradition et créativité.

Il reflète ce « désir passionné de vérité » [1]Romano Guardini, Dante, visionnaire de l’éternité, 1962, p 165 propre au Moyen Age : le théologien Romano Guardini, dans son étude sur Dante, visionnaire de l’éternité, souligne la différence entre cette quête du vrai chez l’homme médiéval, fondée sur la conscience chrétienne de Dieu, et la volonté d’élucidation souvent rationnelle et abstraite des Temps modernes. Le lecteur retrouve chez Dante cette conscience du Dieu vivant. Il est interpellé par le sérieux avec lequel Dante engage son existence : le poète florentin conçoit sa vie comme une mission, mission au service de Dieu et de sa cité, mission dont le chef d’œuvre sera la rédaction de la Divine Comédie.

References

References
1 Romano Guardini, Dante, visionnaire de l’éternité, 1962, p 165
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