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Hommage au grand Mikis Theodorakis

Après 3 jours de deuil national, le grand Mikis Theodorakis est devenu une nouvelle légende grecque. Avec plus de 1000 compositions à son actif, et surtout un génie bien particulier pour mettre en musique les grands classiques de la littérature hellénique, il nous laisse un patrimoine culturel impressionnant.

 

Mikis Theodorakis

 

Né en mer Egée en 1925, il passe son enfance à parcourir diverses villes de province grecque. Il lui apparaît alors très tôt que sa vie se partagerait entre la musique et le combat au bénéfice de l’Homme. Au cours de la projection d’un film pendant l’occupation allemande de 1942, Theodorakis entend pour la première fois la 9ème symphonie de Beethoven jouée par un orchestre symphonique. Après cet évènement, il reçoit une certitude, celle qu’il serait compositeur et tenterait d’écrire des œuvres similaires. Le lendemain, au lycée, il explique à ses professeurs que dorénavant, il ne s’occuperait plus que de musique, et c’est ce qu’il fit.

À Tripolis, avant même ses 17 ans, il donne son premier concert en présentant son œuvre Kassiani, puis prend part à la résistance contre les forces d’occupation. Lors de la grande manifestation du 25 mars 1942, il est arrêté une première fois par les Italiens puis torturé. Il réussit à s’échapper à Athènes où il adhère au Front de Libération Nationale et lutte contre les occupants nazis. Parallèlement, il continue d’étudier au Conservatoire d’Athènes, d’où il sortira diplômé en 1950. Après la Libération, la guerre civile éclate. Suivra une période de clandestinité, de déportations et d’hospitalisations.

 

Mikis Theodorakis

 

En 1954, muni d’une bourse d’études, il migre à Paris où il s’inscrit au Conservatoire pour étudier l’analyse musicale avec Olivier Messiaen. S’ensuivra une période d’intense activité où il composera un grand nombre d’œuvres, de ballets aux musiques de films, de musiques de chambre aux symphonies. En 1962, il rentre en Grèce et se tourne vers la chanson « populaire ». Il fonde le petit orchestre symphonique d’Athènes et donne de nombreux concerts dans toute la Grèce, transmettant à son peuple un goût nouveau pour la musique symphonique.

Le coup d’état des colonels le 21 avril 1967 sonne pour Theodorakis l’heure d’entrer à nouveau dans la résistance. Membre du Parti Communiste depuis déjà plusieurs années, député de l’EDA (façade légale du parti d’extrême gauche), il adresse le premier appel à la résistance et instaure une organisation luttant contre la dictature dont il devient président. Arrêté en août 1967, il enchaînera les séjours en cellule d’isolement, en prison, en résidence surveillée et en camp de concentration. Sa famille subira aussi un exil. Durant tout ce temps, Mikis Theodorakis n’aura de cesse de composer, et parviendra à envoyer ses œuvres hors des frontières grecques, chantées alors par Mélina Merkouri ou encore Maria Farandouri. Toujours en détention, son état de santé se détériore et cette situation provoque un tollé à l’étranger. De nombreuses voix s’élèvent, des personnalités comme Arthur Miller ou encore Yves Montand créeront des comités pour sa libération. Il est finalement relâché et exilé à Paris en avril 1970. Il consacrera tout son temps aux tournées de concerts à travers le monde, tout en travaillant au rétablissement de la démocratie en Grèce, seul système qu’il défendra par la suite. Après avoir bataillé une bonne partie de sa vie sous l’étendard marxiste et communiste, il reconnaîtra sa grande désillusion devant ses idéaux.

 

 

Ses concerts deviendront des tribunes de protestations et revendications pour les autres peuples confrontés à l’oppression : Espagnols, Portugais, Iraniens, Kurdes, Turcs, Chiliens, Palestiniens ou encore Albanais. Il exprime ses opinions politiques, sa déception à l’égard du communisme, comme la désillusion des idéaux qu’il croyait honorer dans cette voix. Il pensait qu’en rejoignant ce milieu politique, il était tout à fait possible de gagner la vraie liberté. Très vite, il déchante et décide de poursuivre ses convictions autrement. Il s’affirmera contre tous les pouvoirs, partageant ses espoirs quant à une Europe suffisamment libre pour faire en sorte que les masses populaires puissent très vite se rallier aux idéaux et vertus de la culture, véritables forces vivantes, à ses yeux, pour changer le monde.

À travers son Œuvre, Mikis Theodorakis a rendu accessible la poésie et la littérature grecque du 19ème et du 20ème siècle. Parmi les grands poètes grecs repris dans ses compositions, nous pouvons retrouver le prix Nobel de littérature Odysséas Elytis, George Séféris ou encore Yannis Ritsos. Sa musique elle-même est un hommage à la culture grecque, plongeant aux racines des traditions musicales de son peuple. La musique du film Zorba le grec, adapté du roman de Nikos Kazantzakis, est devenue un véritable symbole de la culture grecque à l’international.

 

 

Le chantre de la liberté nous a quitté le 2 septembre dernier, et résonnent dans le monde entier les notes d’une liberté rêvée. En hommage au compositeur, voici un requiem présenté pour la première fois en 1985. Il disait lui-même « le texte du père de l’Église saint Jean Damascène appartient aux conquêtes les plus hautes du lyrisme grec, d’un point de vue tant humain et spirituel que philosophique et poétique. Ce texte nous aide à reconnaître nos dimensions véritables et justes à l’intérieur de l’ordre de ce monde ; il nous invite à un plongeon enivrant dans le propre moi, afin de découvrir la lumière qui brûle et de reconnaître la nature et la quintessence de l’être humain. Il nous relie au mystère de la mort comme garantie unique, peut-être même comme possibilité unique de reconnaître la nature de la vie. »

 

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