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Artem Dymyd : « Je suis vivant ! »

« Christ est ressuscité ! » C’est par ces mots que le père Michel Dymyd a commencé l’éloge funèbre pour son fils Artem, 27 ans, tué sur le front entre Mykolaïv et Kherson le 18 juin. Paroles qui sont comme la réponse du père aux dernières paroles du fils : « Je suis vivant ! » C’est dans l’ambulance médicale, touché par un tir de roquette qu’Artem a rendu son dernier souffle en prononçant ces mots : « Je suis vivant ».

 

Artem Dymyd

 

« C’est une devise très importante pour nous. Nous sommes toujours en vie. Nous pouvons mourir pour cette terre, mais nous, chrétiens, avons la perspective de l’éternité. Nous sommes nés pour l’éternité » (Père Michel Dymyd).

Artem avait décroché son diplôme d’historien à l’Université Catholique de Lviv, mais il n’a jamais exercé le métier pour lequel il a été formé. Pendant cinq ans, il a été administrateur d’une usine de polos. Puis, il a décidé de changer de cap et de devenir globe-trotter. Il a notamment gravi l’Himalaya, effectué environ 300 sauts en parachute, découvert plus de 50 pays. Il désirait visiter le monde. En même temps, il travaillait pour une société américaine qui dessert les Jeux Olympiques dans de nombreuses nations. Il s’est battu pour rester un homme libre. Il a participé aux évènements de Maïdan puis s’était déjà porté volontaire lors de la première guerre et l’invasion russe en Crimée et dans le Donbass en 2014. C’était pour lui une question d’honneur et de responsabilités.

« En tant que pays, nous avons autrefois perdu une chose très importante – la longévité de la tradition de l’intelligentsia ukrainienne. Et cela nous a empêchés de former une nation et un État ukrainiens modernes… et avec cette tradition – le patriotisme, l’éducation, les valeurs, la culture et même la volonté de se sacrifier sur le champ de bataille… Artem était si authentique ; en lui toutes ces choses étaient naturelles… tout était noble et digne. Il était le rare porteur de ce noyau ukrainien, de cette longévité qui nous fait tant défaut. Et nous sommes en train de le perdre à nouveau. Nous avons été honorés de partager avec lui un peu de sa vie digne et incroyable ! Aujourd’hui, nous avons l’occasion de témoigner de sa véritable chevalerie. Il sait déjà bien voler, ses ailes d’ange volent depuis longtemps. Mais malgré tout, cela fait très mal. » Yurko Nazaruk, auteur du concept de la marque ukrainienne de vêtements Aviatsia Halychyny, qui a travaillé avec Artem.

 

 

Cette éducation, cet héritage reçu vient d’une longue lignée : du côté paternel, il est le petit-fils du mineur Dmytro Dymyd, qui avait été déporté en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale, puis s’est réfugié en Belgique pour fuir le régime soviétique. Presque au même moment, sa grand-mère (du côté maternel) qui était alors une toute petite fille, Lesya Krypyakevych était envoyée en déportation en Sibérie avec ses parents, son père étant prêtre grec-catholique et violoniste, le père Artemy Tsegelsky, confesseur de la foi.

Les funérailles qui se sont déroulées à Lviv ont été particulièrement émouvantes : des milliers de personnes sont venues dont beaucoup de jeunes, des scouts (Artem a été scout depuis l’âge de 7 ans), 30 prêtres, les honneurs militaires, la foule des inconnus qui s’agenouille lors du passage du cercueil tout le long de la procession jusqu’au cimetière, les chants scouts, la descente du cercueil porté par ses amis et compagnons d’armes dans un immense parachute rouge sang.

Photos des funérailles

Tout s’est déroulé dans une grande pudeur, beaucoup de dignité, une douleur et une espérance palpables, une foi chrétienne : tout cela transmis par toute la famille Dymyd, Ivanka et père Michel, pani Lessia (la grand-mère), Clementia et son mari Kostia, Magda (volontaire au Point-Cœur de Procida en Italie), Dimitro (lui-même engagé comme militaire sur le front) et Emilia (14 ans) qui a reçu le drapeau ukrainien qui recouvrait le cercueil de son frère.

 

Photos des funérailles

 

Ivanka, telle une mère de douleur et de grande espérance a chanté une berceuse dans l’église devant le cercueil de son fils. Son chant s’est élevé très doux et très sûr au-dessus de nous tous, nous enveloppant de sa compassion. C’est comme si sa douleur nous consolait, nous berçait : « Berceau d’érable grinçant, grinçant, petit enfant qui pleure, pleure. Et je bercerai le berceau, bercerai mon enfant. Oh, Oh, mon tout petit… je chante une berceuse doucement, doucement, berceau d’érable, mon tout petit. »

 

« Les héros ne meurent pas ! Nous Te prions, ô Seigneur, de l’accepter en Ton étreinte et de lui accorder mémoire éternelle »

Mgr Sviatoslav Shevchuk, chef de l’Église grecque catholique d’Ukraine.

 

La famille Dymyd en lien avec l’Université catholique de Lviv (UCU) a mis en place une Fondation Artem Dymyd pour soutenir des bourses d’études.

Si vous souhaitez faire un don pour soutenir la Fondation Artem Dymyd 

Photos: © Ihor Chornii

 

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