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Le Festival Messiaen au Pays de la Meije

L’été est l’occasion d’un repos, un repos du corps et de l’esprit, une unification de notre être vers laquelle nous tendons toujours. L’Esperance nous offre tout cela. Le Festival Messiaen au Pays de la Meije est aujourd’hui un rendez-vous majeur de la musique contemporaine en France, fondé en 1998 par Gaëtan Puaud en hommage à Olivier Messiaen.

 

 

Du 20 au 31 juillet 2022, de la Maison Messiaen à Saint-Théoffrey en Isère jusqu’à La Grave dans les Hautes-Alpes et dans le Briançonnais, le Festival Messiaen au pays de la Meije donnera à entendre la musique d’Olivier Messiaen (1908-1992), en regard de grandes pages du XXe siècle et de la création contemporaine. Deux compositeurs seront mis à l’honneur lors de cette édition, Alain Louvier, ancien élève d’Olivier Messiaen, et Pascal Dusapin, grande figure de la musique contemporaine en France.

Revenons sur un chef-d’œuvre de l’artiste : Quatuor pour la fin des temps.

Les circonstances de cette œuvre sont dans un contexte passablement tragique. La première représentation de l’œuvre eut lieu le 15 Janvier 1941 en Silésie, au Stalag VIII près de Görlitz. Plusieurs centaines de prisonniers de guerre Français, Polonais et Belges se rassemblent autour de 18 heures dans la « baraque de théâtre » de fortune, comble jusqu’au dernier siège. Par un froid glacial, ils écoutent pendant près d’une heure, captivés, les sons d’un quatuor pour clarinette, violon, violoncelle et piano, qui a vu le jour au camp et est interprété par quatre prisonniers. Les voici témoins de la création d’une œuvre peut-être parmi les plus impressionnantes de l’histoire de la musique au XXe siècle : le Quatuor pour la fin du Temps d’Olivier Messiaen qui, peu de temps après sa mobilisation, fut fait prisonnier par les Allemands près de Verdun et transféré en juillet 1940 dans le camp de Görlitz.

Dans le camp, la rencontre avec trois musiciens professionnels, un clarinettiste, un violoniste et un violoncelliste permit la naissance de l’œuvre. Messiaen bénéficia en outre du soutien d’un capitaine qui se mobilisa pour se procurer du papier à musique et les instruments manquants. Cependant, c’est dans sa foi que le catholique Messiaen trouva la véritable motivation qui l’amena à composer un quatuor dans des conditions terribles et dans une effroyable détresse. Depuis sa mobilisation, il avait toujours sur lui un petit volume contenant les Psaumes, les Évangiles, les Lettres néotestamentaires, l’Apocalypse de saint Jean et l’Imitation de Jésus-Christ de Thomas Kempis. « Je le lisais et le relisais sans cesse, je m’arrêtais sur cette vision de saint Jean, l’ange coiffé d’arc-en-ciel. J’y trouvais un motif d’espérance ».

Ainsi, Messiaen consacre le Quatuor pour la fin du Temps à l’Ange de l’Apocalypse : « Je vis un ange plein de force, descendant du ciel, revêtu d’une nuée, ayant un arc-en-ciel sur la tête. Son visage était comme le soleil, ses pieds comme des colonnes de feu. Il posa son pied droit sur la mer, son pied gauche sur la terre, et, se tenant debout sur la mer et sur la terre, il leva la main vers le Ciel et jura par Celui qui vit dans les siècles des siècles, disant : Il n’y aura plus de Temps ; mais au jour de la trompette du septième ange, le mystère de Dieu se consommera » [1]Apocalypse 10, 1, 6 .

 

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L’œuvre est composé de 8 mouvements : I Liturgie de cristal – II. Vocalise, pour l’Ange qui annonce la fin du Temps – III. Abîme des oiseaux – IV. Interlude – V. Louange à l’Éternité de Jésus – VI. Danse de la fureur, pour les sept trompettes – VII. Fouillis d’arcs-en-ciel, pour l’Ange qui annonce la fin du Temps – VIII. Louange à l’Immortalité de Jésus.

En elle-même, la structure de la composition en huit mouvements renvoie à l’éternité. Car, comme l’explique Messiaen dans la préface de la partition, « Sept est le nombre parfait, la création de six jours sanctifiée par le sabbat divin ; le sept de ce repos se prolonge dans l’éternité et devient le huit de la lumière indéfectible, de l’inaltérable paix. »

Dans le symbole de l’arc en ciel, Messiaen était tout particulièrement fasciné par les couleurs et la lumière. Cette vision de l’ange a habité son cœur et son esprit dans les jours sombres du camp et il disait percevoir l’ange dans des « rêves colorés ». Il a ainsi transposé dans sa musique les couleurs de l’ange. « Cet arc-en-ciel de l’Ange faisait mon ravissement, car il motivait mes cascades douces d’accords bleu-orange ».

Messiaen possédait la capacité exceptionnelle de voir par l’œil de l’esprit des couleurs particulières à l’audition d’un son, il décrivait cela ainsi « une vision intérieure, un œil de l’esprit : ce sont des couleurs merveilleuses, ineffables, extraordinairement variées ». Il décrit sa musique semblable à un arc-en-ciel théologique qui touche à l’au-delà. L’arc-en-ciel est dans de très nombreuses cultures vu comme un pont entre ciel et terre. Ses couleurs ont fasciné de nombreux peuples et beaucoup d’artistes. Ce morceau, dans le combat et la douleur, porte une espérance profonde, transpire une beauté pas encore visible mais déjà pressentie, non pas une fuite du présent et de ses douleurs mais une profondeur comme les couleurs de l’arc-en-ciel, visible que dans certaines conditions et pourtant présent.

 

References

References
1 Apocalypse 10, 1, 6
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