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Cristóbal Corbeaux, sculpteur Chilien à la recherche de l’humain

Cristóbal Corbeaux a 27 ans. Il vient tout juste d’être diplômé de la faculté d’architecture de l’Université Catholique de Santiago du Chili et s’est lancé dans la sculpture il y a 4 ans. Son travail surprend. Au milieu de toutes les œuvres abstraites qui peuplent les galeries de nos jours, il met en scène des couples, parfois des ballerines seules. Cette irruption d’humanité sur une page Instagram découverte pendant la pandémie m’a donné envie de le rencontrer et de mieux le connaître. Il a bien voulu répondre à quelques questions.

 

Cristóbal, tu es un jeune architecte récemment diplômé, et tu t’es mis à la sculpture il y a seulement 4 ans. Comment est née cette nouvelle passion ?

Cristóbal Corbeaux

C’était le jour de la Fête des mères, je n’avais rien à offrir à ma maman. Et je me suis dit : je ne peux pas rester comme ça. Alors je me suis levé très tôt le matin, en espérant que mon inspiration me sauve car j’ai toujours été assez artiste et habile de mes mains. J’ai retrouvé un bloc d’argile que j’avais gardé depuis le lycée et me suis mis à former une figure humaine dans mon jardin. Il était 6 heures du matin. Et finalement le résultat était plutôt pas mal et cela a beaucoup plu à ma mère qui m’a dit : pourquoi tu ne ferais pas de la sculpture plutôt que ce projet de fabrication de meubles que tu as commencé. Et c’est ainsi que je me suis lancé, tout seul, en autodidacte. Et puis sur mon chemin j’ai pu rencontrer d’autres artistes desquels j’ai beaucoup appris et avec qui j’ai la chance de continuer de partager encore aujourd’hui. Car je suis assez jeune et j’ai beaucoup à apprendre. Pour l’anecdote, la sculpture que j’avais faite pour maman s’est cassée le jour-même car je l’avais laissée sécher en plein soleil, ce qu’il ne faut surtout pas faire ! Je manquais clairement d’expérience !

Il y a quelque chose qui m’a marqué quand j’ai découvert ton travail, c’est que tu te focalises beaucoup sur la figure humaine, qui est pourtant si absente dans l’art contemporain. Pourquoi ?

J’ai toujours eu beaucoup d’affinités pour le corps humain. Je suis très observateur et plus jeune quand je peignais et dessinais, je représentais toujours des figures humaines, d’abord les super héros quand j’étais petit, puis ensuite des figures plus réalistes. Au moment de me mettre à la sculpture, cela m’a paru évident d’utiliser la figure humaine. En général, mes compositions sont des scènes, des expressions de la vie quotidienne du couple. Et j’essaie toujours qu’elles soient le fruit de mon expérience, car de cette manière je peux me connecter avec celui qui regarde mon travail. Ce sont des expériences que chacun peut avoir vécues, je pense, qui nous sont familières. La figure humaine, mise en scène dans des situations de la vie quotidienne permet une connexion avec ceux qui sont face à l’œuvre. Et ainsi l’œuvre d’art transmet parfaitement ce que je porte en moi.

©Cristóbal Corbeaux, Salto de fe

 

Quel est justement le point de départ de ton travail artistique ? Qu’est-ce que tu veux transmettre ?

Mon inspiration dans la sculpture a toujours été de rendre à l’homme sa condition humaine. Dans la société contemporaine, par les habitudes, les réseaux sociaux, le travail, tout est de plus en plus impersonnel, nous devenons comme des robots. Alors par mes sculptures j’essaie de réveiller, de provoquer le spectateur en lui rappelant sa condition humaine, sa sensibilité, en montrant des situations qu’il a pu expérimenter, un geste, une position, une inclination. Et en particulier des gestes d’amour car en se liant à des personnes, que ce soit dans un couple, avec un ami, un membre de sa famille, on peut être le plus généreux et sensible possible. On ne se cache pas, on ne cherche pas à paraître, on veut se montrer tel qu’on est véritablement, profondément humain. Quand j’ai une personne si importante dans ma vie, je peux me donner pleinement, les yeux fermés, sans peur d’être jugé. Et par mon travail je cherche à rappeler chacun à sa sensibilité.

Tes sculptures sont relativement grandes, elles mesurent souvent plus de 70 cm. Pourquoi avoir choisi ce format dès tes débuts en sculpture?

La taille de mes sculptures répond en général à cette intention que l’œuvre que je suis en train de créer puisse habiter l’espace, qu’elle trouve place dans un lieu dédié. J’aime que mes œuvres soient des pièces fortes où transparaît l’intention de l’artiste. Quand on place une œuvre au milieu d’autres éléments, l’essence de l’œuvre se perd, la composition primordiale est modifiée par ces autres éléments. On pourrait même dire que cet être qui se cache dans l’œuvre d’art perd son identité et n’est plus le même. La taille de mes sculptures oblige donc à leur dédier un espace particulier afin qu’elles puissent affirmer leur présence, qu’elles puissent s’exprimer telle qu’elles sont.

©Cristóbal Corbeaux, La vie en rose

 

Une de tes œuvres où l’on voit un couple qui danse, s’appelle La vie en rose, en français. Pourrais-tu nous en parler?

Comme je te le disais, je cherche à réveiller l’humanité des personnes qui contemplent mes sculptures. Et la danse est une des activités de l’homme où l’on devient plus humain. J’aime beaucoup danser, et justement, quand je danse, je suis pleinement moi-même, j’oublie tout ce qui m’entoure, je suis libre du jugement des autres sur moi… Je suis beaucoup plus authentique.

Ma sculpture La vie en rose n’est pas née directement de la chanson d’Edith Piaf mais elle est très liée à cette histoire d’amour et à la danse dont parle la chanson.

D’ailleurs ton nom de famille me semble d’origine française, non ?

Oui, bien sûr ! D’ailleurs, ma mère parle français, mon père parle français, mes oncles parlent français, mais ni moi, ni mes frères et sœurs, ni mes cousins ne parlons français. Il faut absolument que je m’y mette, cela fait partie de mes projets ! Quand ma mère et ma grand-mère discutent entre elles, j’ai envie de savoir de quoi elles parlent !!

Cristóbal Corbeaux, 5 de septiembre

Cristóbal Corbeaux, 5 de septiembre

 

Cela ne fait que 4 ans que tu sculptes et tu as déjà eu plusieurs expositions individuelles, ton compte Instagram est très suivi. Comment vis-tu cette croissance ?

Tout s’est passé très vite. Personne de mon entourage n’est impliqué dans le monde de l’art et je n’ai bénéficié d’aucun appui. Alors je le dois surtout à ma persévérance, à mon insistance, je me bouge beaucoup. Quand je toque à dix portes et qu’il y en a une qui s’ouvre, j’en profite à fond. Et alors vingt nouvelles portes se présentent à moi et une autre s’ouvre et j’avance ! Pour sortir du lot dans le monde de l’art qui est si difficile, il faut être super persévérant et ne pas baisser les bras.

Quels sont tes projets futurs ?

J’aimerais beaucoup pouvoir présenter mon travail à l’étranger. On m’a proposé d’organiser une exposition en Espagne, mais à l ‘époque j’ai dû renoncer pour diverses raisons notamment techniques et financières. Je pense que si l’occasion se représentait aujourd’hui, je le ferais ! Car pour grandir en tant qu’artiste, il faut que je puisse atteindre un public plus large et rencontrer ainsi d’autres personnes qui s’intéressent à mon travail !

 

www.cristobalcorbeaux.com
Instagram: @cristobal_corbeaux_art

 

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