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Benoît XVI, le pape de l’amour augustinien est mort

Le pape émérite Benoît XVI, considéré comme un saint par le pape François, est mort. Sans aucun doute, l’une des figures historiques les plus pertinentes de notre époque. Un théologien raffiné qui a donné une voix au pouvoir de l’amour lorsqu’il est lié à la vérité. Son rôle dans l’Église a écrit l’avenir de cette grande institution dans une société en déclin.

 

Benoît XVI à 93 ans

 

J’ai vécu le Noël dernier avec ces mots gravés dans ma tête : « Noël n’est pas un conte de fées pour enfants, mais la réponse de Dieu au drame de l’humanité en quête de paix ». Ils remontent à l’Angelus du 25 décembre 2009 et ont été prononcées par le pape Benoît XVI. Ils faisaient référence à une autre guerre, mais sont tout aussi valables pour ce qui se passe en Ukraine. L’une des grandes forces de Joseph Ratzinger a été de parler au monde moderne, de se situer dans le présent, de faire vivre la parole chrétienne. Un peu comme ces narvals qui attendent, la corne pointée vers le but, que le bloc de glace devant eux fonde jusqu’à ce qu’il se fende, ouvrant ainsi une nouvelle voie. Parce que le présent, tôt ou tard, se fendra, et il a déjà commencé à fondre.

Benoît XVI est un artisan du destin de l’Église au tournant du 20e et du 21e siècles. C’est grâce à lui que j’ai trouvé la foi. C’est un pape et un théologien qui a su considérer l’amour comme le discours prioritaire non pas tant de la foi, mais de la dignité humaine, dignité qui ne peut être atteinte qu’en dotant l’amour d’un contenu, en le remplissant de vérité. Il a écrit dans Caritas in Veritate : « Sans la vérité, la charité glisse dans le sentimentalisme. L’amour devient une coquille vide, à remplir de manière arbitraire. C’est le risque fatal de l’amour dans une culture sans vérité. Il devient la proie des émotions et des opinions contingentes de ses sujets, un mot abusé et déformé au point de signifier « le contraire ».

 

Messe de Noël – 2010

 

Benoît XVI était l’une des figures les plus importantes de l’histoire récente, capable de se dépasser et même de dépasser son rôle. Lorsqu’il a décidé, en février 2013, de démissionner de son poste d’évêque de Rome, pour devenir le premier pape émérite après presque un millénaire, il a démontré une fois de plus que l’Église avait besoin d’un leadership solide dans une période non seulement de liquidation totale des grandes valeurs, comme Nietzsche l’avait quelque peu imaginé et promu, mais aussi de restauration de nouveaux dogmes. Une période où le relativisme lui-même semble devenir un paradigme absolu. Dans lequel la liberté est vide de sens, non pas parce qu’elle est absente, mais parce qu’elle est exercée sans donner de véritable sens aux actions.

Tel est le message du très bel Éloge de la conscience : la vérité interroge le cœur, dans lequel Ratzinger écrit : « Là où Dieu disparaît, disparaît aussi l’absolue dignité de la vie humaine. Ce n’est pas une question de dignité, de droits de l’homme, mais d’absolu, d’inviolabilité. Parce que, nous enseigne Benoît XVI, le libéralisme des démocraties occidentales, qui voudrait faire remonter la naissance des droits à la naissance de leur doctrine, oublie qu’il y aura toujours un risque de régression à l’infini si quelque chose d’inamovible, d’inattaquable, d’éternel n’est pas placé au commencement de tout. Cette éternité est Dieu. »

 

 

Ce n’est pas seulement un théologien raffiné et profond qui meurt, ayant vécu les contradictions au sein de l’Église et autour d’elle, dans le monde séculier, qui a dû subir l’ignominie, l’insulte constante, l’attaque constante depuis son inauguration. En d’autres termes, le nom le plus lourd que l’Église ait eu ces derniers temps, le grand préfet de la Congrégation de la foi, puis doyen du collège des cardinaux, pape et pape émérite est mort. Mais est mort aussi l’homme ordinaire, constant, studieux et donc humble, cultivé mais jamais abstrait, qui a permis à beaucoup de se lier à cette devise augustinienne de croire pour comprendre et d’avoir la chance d’aimer : « Jeune ami, si tu aimes, c’est le miracle de la vie ».

 

Place Saint Pierre – 2005

 

Benoît XVI, contrairement à ce que les clichés de tant de détracteurs voudraient nous faire croire, n’a jamais prôné autre chose qu’une foi franche, dans sa propre « simplicité », joyeuse. Un jour, un de ses collègues plus âgés à l’université a décrit la foi comme un fardeau si lourd à porter à notre époque que ceux qui ne croyaient pas pouvaient peut-être trouver le salut plus facilement que ceux qui avaient la foi. L’idée sous-jacente était que la foi était réservée à un petit nombre, « presque une forme de punition », comme si « la non-vérité, le fait de s’éloigner de la vérité, [était, ndlr] pour l’homme mieux que la vérité ». Eh bien, à ce collègue, il répondra des années plus tard dans son Éloge de la conscience :  » La vérité sur l’homme et Dieu est-elle vraiment si triste et si pesante, ou la vérité ne consiste-t-elle pas précisément à surmonter ce légalisme ? Ne consiste-t-elle pas en effet en la liberté ? ».

S’il y a une chose que Benoît XVI a su préserver jusqu’au bout, c’est la vertu de l’exemple, du témoignage, au cœur du discours catholique. Il serait donc impardonnable de faire mémoire d’un saint, tel que le pape François l’a défini, sans parler de lui-même, de tout ce que nous savons aujourd’hui de cet exemple. Et celui qui imagine Benoît XVI comme un dissimulateur, un censeur, un inquisiteur, se trompe, car jamais Joseph Ratzinger n’a été plus éloigné de rien que de vouloir réprimer la vérité.

 

Article écrit par Riccardo Canaletti et publié sur mowmag.com le 31 Décembre 2022

Traduit de l’Italien par CL

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