de Jacques Bagnoud 17 mai 2011
Exposition temporaire au Belvedere de Vienne jusqu’au 13 juin 2011
Egon Schiele disait que « l’art n’est jamais moderne, il est éternel », pourtant l’exposition de ses autoportraits dans l’Orangerie du Belvedere est d’une étonnante modernité. Egon Schiele a réalisé plus de cent autoportraits avec toujours la même quête angoissée de l’identité, la même question : « Qui suis-je ? ». Schiele s’est peint sous toutes sortes de costumes, il apparaît tantôt sous les traits de saint Sébastien ou d’un saint moine auréolé, tantôt prisonnier, soldat agressif, dandy séducteur et, bien sûr, souvent nu et torturé.
Schiele se dessine aussi « en double », sous deux angles différents dans un même tableau. Ces autoportraits jumeaux expriment la souffrance de celui qui découvre en lui une ambivalence, des forces opposées, contradictoires et chaotiques et qui lutte pour ne pas désespérer : « L’artiste est celui qui rit, alors qu’il est brisé au plus intime de lui-même ».
Tous les auto-portraits de Schiele répandent une séduction très forte, tantôt sensuelle, vénale ou désespérée. Chaque visage cherche à séduire à tout prix et Egon Schiele réalise une véritable « panoplie de la séduction ». Chaque personnage a une attitude qui attire le regard sur lui : tantôt de façon homosexuelle, tantôt provocatrice ou affective, parfois suppliant la miséricorde ou ne cherchant qu’à choquer : aucun tableau ne peut laisser indifférent. Egon Schiele dont le père s’est suicidé alors qu’il n’avait que quinze ans, supplie dans ses visages un regard d’estime ou de rejet, de tendresse ou de pitié ! Il a tellement provoqué la mentalité ambiante qu’il fut arrêté par la police car ses toiles étaient jugées comme une atteinte à la pudeur publique. Il ne se défendra que par ces mots : « Brimer un artiste est un crime, c’est tuer le germe de la vie ».
La quête sauvage d’Egon Schiele étale au grand jour le désir inextinguible de chaque homme d’être estimé, reconnu, regardé, accueilli par un regard de tendresse et de miséricorde. La peinture d’Egon Schiele est un grand cri : Père, qui suis-je ? Regarde-moi, Prononce le nom qui me libèrera ! Ce n’est qu’en 1918, alors qu’il meurt à vingt-huit ans des privations de la guerre, qu’il retrouvera un peu de paix, passant de l’auto-portait torturé au portrait apaisé et tendre de sa femme Marie : « Pour l’art et pour mes biens-aimés, je veux bien me battre jusqu’au bout ».