de Jacques Bagnoud 31 mai 2011
Entretien avec Augustin de Laage, Ingénieur chez EDF sur le chantier de l'EPR à Flamanville.
1. Quel regard portez vous sur la crise japonaise et les exigences médiatiques actuelles pour sortir du nucléaire ?
CC BY TVA Web Team
La catastrophe nucléaire de Fukushima est un accident nucléaire dramatique pour l’industrie nucléaire civile. Elle est classée au niveau 7 sur l’échelle INES, c'est-à-dire au même niveau que l’accident nucléaire de Tchernobyl avec une contamination importante à l’extérieur du site. Les retombées médiatiques et les conséquences écologiques de cet accident sont telles que tous les exploitants nucléaires dans le monde sont concernés par cette crise. J’ai été marqué de voir qu’ au sein même du groupe EDF, premier exploitant nucléaire mondial, une situation de crise a été mise en place pour faire face a cet incident tant au niveau technique pour aider l’exploitant TEPCO à trouver des solutions qu’au niveau de la communication interne pour informer en temps réel tous les salariés du groupe sur l’évolution de la catastrophe.
Même si la production d’énergie nucléaire présente des risques pour l’homme et la nature, il semble très difficile d’abandonner à court terme ce type d’énergie sous la pression médiatique et l’opinion populaire. Avec une part de 80% dans le mix énergétique, elle est aujourd’hui indispensable à la vie quotidienne et à l’économie de la France. A l’heure actuelle, aucun moyen de production disponible ne peut remplacer les centrales nucléaires afin de produire de l’électricité de manière suffisante. Il faut aussi prendre en considération le fait qu’il faut beaucoup de temps pour construire de nouveaux moyens de production.
2. Quelles leçons tirez-vous de cette crise ?
Il faut reconnaitre que le risque zéro n’existe pas. On peut noter tout de même que le site de Fukushima présentait un risque sismique et de Tsunami bien plus important que nos sites nucléaires en France ou en Europe.
Cependant, tout comme les deux autres accidents nucléaires majeurs : Three Mile Island aux USA en 1979 et Tchernobyl en Ukraine en 1986, une analyse de l’accident sera effectuée et il y aura de nouvelles règles de sûreté mises en place pour l’exploitation des centrales existantes ou la construction des nouvelles centrales. Un audit demandé par l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) est déjà en cours sur tous les sites nucléaires en France et les conclusions seront données d’ici la fin de l’année. Par ailleurs, en France, de nouveaux moyens d’interventions d’urgence seront mis en place pour faire face à un accident tel que Fukushima. C'est-à-dire la perte d’alimentation électrique et la perte de la source froide simultanée et ce sur plusieurs réacteurs à la fois. Il s’agira par exemple de générateurs diesels mobiles, de réserves d’eau en haut des falaises pour les sites normands…etc.
3. Quels sont les enjeux humains de la politique énergétique au Japon et en Europe ?
Il est certain que cela remet en cause la politique du « Tout nucléaire » en France. Même si pour l’instant, il n’est pas question d’abandonner cette source d’énergie, les nouveaux projets non démarrés (ce qui n’est pas le cas de l’EPR à Flamanville déjà bien avancé) sont en « stand by ». La politique énergétique ira certainement vers une plus grande diversification du « mix énergétique » avec une part de plus en plus importante pour les énergies renouvelables. L’objectif de 20% d’ENR (Energie renouvelable) d’ici à 2020 est tout à fait réalisable avec l’Hydraulique qui représente déjà 10% et le développement du solaire, de l’éolien mais aussi des énergies marines très prometteuses.
Les enjeux humains de la politique énergétique résident alors dans plusieurs défis scientifiques et techniques : favoriser une plus grande économie et une meilleure utilisation de l’énergie et trouver de nouveaux moyens de production moins polluants ainsi qu’une manière de stabiliser les déchets nucléaires pour qu’ils deviennent inoffensifs.