de J. Collewet 14 juillet 2011
Tegucigalpa (Honduras), juin 2010.
« Un dimanche de novembre, je suis allé visiter Sophia pour son anniversaire, elle a trois ans. Sa famille est très démunie et sa maman, âgée de vingt-quatre ans, s’en occupe peu. Depuis un an que je connais cette petite fille, je n’ai jamais entendu le son de sa voix.
Lorsque nous leur rendons visite, Sophia reste dans un coin de la maison, sans bouger, sans parler, le regard dans le vide, de même lorsqu’elle accompagne ses frères et sœurs au Point-Cœur. Un jour, je suis allé accompagner Sophia au centre de santé, elle est restée tout l’après-midi dans les bras de sa grand-mère, comme inerte. Cela est très surprenant pour une petite fille de trois ans. Quand nous faisons remarquer à la maman que Sophia n’a pas des réactions normales, elle nous répond “qu’elle fait l’idiote” et lui donne des petites claques pour qu’elle parle, mais sans succès. Ses sœurs viennent l’embêter et lui disent “qu’elle est débile”. Nous avons supposé, pendant un moment, que l’enfant souffrait d’autisme. Le jour de son anniversaire, je n’étais pas très motivé pour aller les visiter mais je ne savais pas encore quelle agréable rencontre m’attendait. Nous avons offert une poupée à Sophia et elle nous a répondu : “Merci”. Son regard n’était plus dans le vide mais regardait la poupée. Après un moment de surprise, nous lui disons que cette poupée est seulement pour elle, alors elle la sert très fort contre sa poitrine. Sophia est venue sur mes genoux et nous avons commencé à parler, jouer et je l’ai même entendu rire. Ce fut un moment de très grande joie, de voir, au bout d’un an, cette petite fille pleine de vie !
Sans le savoir, cette petite fille de trois ans, à qui personne ne prête attention, m’aura énormément enseigné : de ne pas me fier seulement à mes envies, à ma fatigue, à ma motivation et d’essayer de vivre chaque moment, chaque petite chose, intensément dans l’espérance d’une rencontre, de quelque chose de plus grand.