N.F. est engagé en politique et a accepté de s’entretenir avec nous sur la situation politique à quelques mois du début de la campagne présidentielle.
CI : Fin juin, le gouvernement a vu avec l’investiture de Christine Lagarde au FMI le départ d’une pièce maîtresse.
Christine Lagarde a en effet imprimé trois marques essentielles : d’une part elle est restée sur la durée (quatre ans), ce qui constitue une durée pour agir. C’est une chose rare en France puisque la durée moyenne d’un ministre est d’environ deux ans. D’autre part, grâce à sa longue expérience d’avocate à Chicago, elle a dés le départ impulsé une façon très professionnelle de travailler et une façon très américaine de faire des deals. Ce savoir faire a été très apprécié aux niveaux européen et international, notamment pour la présidence française du G20. C’est pour cette raison qu’elle a été tout de suite vue comme le candidat idéal à la succession de Dominique Strauss-Kahn au FMI, alors que la France semblait avoir épuisé son quota de représentation à ce poste. Enfin, indépendamment des réformes précises, elle a apporté un certain savoir-être en politique, refusant de rentrer dans les contingences politiciennes que nous connaissons et dont elle a souvent souffert (combinaisons, moqueries, exploitation dure de ses maladresses). Christine Lagarde est restée fidèle à son ambition de faire de la politique « autrement ». N’ayant pas de mandat électif, elle a su rester loin des aléas de l’opinion. Ceci lui a permis de mener à bien certaines réformes « impopulaires » comme le bouclier fiscal, considérant que c’était l’intérêt de la France que de mettre fin à la fuite de ses capitaux.
Elle est partie avec une image de sérieux, de rigueur et d’honnêteté.
CI : Son départ a été accompagné d’un remaniement, privilégiant les jeunes à des postes clés, de quelle marge de manœuvre disposent-ils encore, alors qu’après l’été c’est la bataille présidentielle qui va être lancée ?
Il est évident que les ministres nommés n’auront pas le temps d’imprimer leur marque, car en réalité ils ne disposent pas de dix mois mais de six. En effet dans les quatre derniers mois avant de telles élections, le gouvernement ne réforme plus, il n’y a plus que les affaires courantes. Valérie Pécresse aura la tâche particulièrement difficile dans la forteresse budgétaire de Bercy. Peut-être pourra-t-elle laisser une trace si elle réussit à intégrer la règle d’or de l’équilibre budgétaire dans la Constitution comme le préconise le président. C’est aussi le cas de Laurent Wauquiez qui va devoir affronter une rentrée universitaire préparée par Valérie Pécresse. Son challenge sera de la réussir dans le calme et la sérénité, face à des syndicats tentés de politiser les choses à quelques mois des présidentielles.
CI : Soumis au jugement permanent des sondages, comment nos politiques peuvent-ils tenir bon et envisager le travail à long terme?
Sondage et démocratie sont dans une relation profondément duale, si ce n’est schizophrène. En effet ils sont un ferment puissant pour faire éclore des débats, bons ou mauvais. C’est le cas des débats moraux et éthiques : le mariage homosexuel semble majoritaire dans l’opinion, du coup on voit de plus en plus de politiques pencher dans cette direction ; on voit de plus en plus d’hommes politiques reculer en revanche pour l’euthanasie car une majorité de l’opinion semble contre. En d’autres termes, les sondages qui aident à une maturité des débats, sont aussi un poison pervers et violent. Pervers car cela peut provoquer un comportement addictif ; violent car cela peut induire des erreurs dramatiques sous le coup d’une soi-disant majorité arithmétique qui reste sommes toutes aléatoire. Nous savons trop combien la façon dont une question est posée, qui n’apparaît pas dans les résultats, est parfois proche de la manipulation.
Les convictions restent la principale force de résistance. Christine Lagarde l’illustre bien, dans un domaine relativement technique ; François Fillon à certains égards ; Nicolas Sarkozy aussi qui avait osé dire beaucoup de choses en 2007 dont cette fameuse réponse à la question « quels sont les deux hommes que vous admirez le plus ? » posé au 20h sur TF1 avant le 1er tour : « le Général de Gaulle et Jean Paul II ».
Les mandats locaux, souvent les mairies, c'est à dire le contact rapproché avec les électeurs peuvent aussi aider à résister. Par ce biais, les hommes politiques connaissent mieux la réalité de ce que vivent les gens, leurs aspirations. Ils sont comme obligés de les considérer pour être élus, ou réélus. Ainsi, il y a peut-être moins de grandes idées mais plus de pragmatismes, ce qui peut être une bonne chose.
Quoi qu’il en soit, il est bien difficile de résister à la déferlante du sondage d’opinion, mais en un sens, ceux-ci révèlent les hommes, leur courage et leur ténacité.
CI : Faut-il en conclure que la communication face à l’opinion occupe trop de place ?
Elle ne prend jamais assez de place si elle est là pour servir des idées. En revanche elle devient perverse si elle ne véhicule pas des idées que je qualifierai « d’habitées ». Il est vrai que même des hommes politiques aux convictions fortes peuvent se laisser prendre par la communication, ils ne sont plus alors des hommes politiques, mais des hommes publics. En ce moment par exemple c’est l’été, nombreux sont les journalistes qui proposent aux hommes politiques des interviews un peu faciles (questionnaires de Proust, photos de famille…), ce qui en soi est grotesque, car ça ne sert qu’à l’image. La communication devient problématique lorsqu’elle n’est plus qu’une gestion d’image.
Si Christine Lagarde a bénéficié d'un bail assez long à Bercy, si François Fillon sera resté 5 ans à Matignon, le quinquennat a été marqué par une instabilité ministerielle record: 3 gouvernements, auxquels se sont ajoutés 9 remaniements. Nous avons eu 5 ministres du travail, alors que les syndicats aiment bien avoir des interlocuteurs stables. Difficile, dans ces conditions, d'avoir une action suivie. Au demeurant, le gouvernement Fillon III détricote consciencieusement ce qu'avait fait le gouvernement Fillon II : fin du bouclier fiscal, fin des heures sup défiscalisées, impôt sur les plus hauts revenus, crise oblige.
Le quinquennat a aussi été marqué par un nombre record de ministres virés pour cause de train de vie trop en en décalage avec la rigueur des temps : excés de cigares, de robes Chanel et de jets privés aux frais du contribuable pour les uns, voyages paradisiaques chez des dictateurs corrompus, liaisons dangereuses avec la haute finance pour "caser" une épouse pour les autres… L'homme (ou la femme) public qui rentre dans les palais nationaux ne perd-t-il pas contact avec la vie quotidienne ? "Il faut se désyntoxiquer de la dépense publique", disait naguére Hervé Gaymard, éphémère ministre des Finances viré peu aprés pour cause de duplex prix astronomique. En effet.Nos gouvernants pourraient peut-être faire comme les ministres suédois et manger au self. Et si Alain Juppé semble un ministre des affaires étrangères éfficace, pourquoi avoir laissé deux figurants occuper le poste pendant pendant 3 ans avant de faire appel à lui ? On gagnerait du temps en choisissant les vraies pointures pour constituer un gouvernement, au lieu de faire un casting décoratif pour la photo.
Si Nicolas Sarkozy était réélu, nous serions dans une situation inédite: bien qu'encore jeune, il ne sera pas rééligible en 2017. Il pourra donc, théoriquement, prendre toutes les décisions les plus nécéssaires mais aussi les plus impopulaires sans avoir à se soucier de sa réelection. Las! Il y a lourd à parier que sa majorité, si tant est que le peuple lui en donne une, se détournera rapidement de lui pour se ranger derrière les espoirs de demain : Fillon, Copé…lesquels ne pourront que prêcher la "rupture" avec celui qui incarnera déja le passé. Ainsi va la vie politique.
ce monsieur Anel n'est-il pas en train de faire son blog dans le blog? Pourquoi n'ouvre-t-il pas lui-même son site, puisqu'il a tant à dire?
personnellemnt, je trouve que les deux versions méritent d'être confrontées, étant donné que la première victime des moyens de communication actuelle est la vérité.
Cher Franck C., un blog est un lieu de dialogue. Un commentaire peut être une contestation de l'article, ou un ajout. Je ne vous empêche pas de nous livrer les votres. Cordialement.