de Thomas Antoine, Ambassadeur du Royaume de Belgique en Argentine 18 novembre 2011
La question de la politique est celle de l’avenir: gouverner, c’est prévoir.
Or, au seuil d’un nouvel âge de promesses, un sentiment de désarroi, d’aliénation étreint notre continent ; Europa quo vadis ?
© UE
1- Plus grave que celui qu’engendre la crise économique, me paraît l’appauvrissement de l’esprit européen, de sa vocation prophétique. L’Europe projette aujourd’hui une image froide et technocratique ; elle ne semble répondre qu’à des impératifs économiques. Economie vient de “oikos nomos”= la loi de la maison ; or, si nous voyons bien les lois, où est la maison ? Ce lieu accueillant et hospitalier ? Pour beaucoup cette « maison » est la rue. Une vision étroite de l’économie, mettant plus l’accent sur ses lois implacables que sur la dimension de service à l’humanité conduit à un monde inhospitalier. L’économie de marché, légitime, dérive en une société de marché, où tout s’achète.
2- Si on invoque un manque de leaders en Europe, ne faut-il pas plutôt dénoncer un manque de leadership?
C'est-à-dire un oubli de la finalité du projet européen : une communauté de destin et non seulement un espace de prospérité régi par le chauvinisme du bien-être et la dictature des technocrates. L’empire du comment et le désert du pourquoi. Cette situation justifie l’angoisse qui règne en Europe, définie comme une question qui ne trouve pas son objet.
3- La confusion des discours en faveur de l’approche logique entraîne un post-modernisme relativiste ou une culture du « politically correct », ce conformisme désabusé, et l’atomisation des valeurs morales en un individualisme plutôt sinistre. L’économie éclipse ou domine la politique en promouvant un hédonisme consumériste, comme moteur de la croissance. Ce jeu à somme nulle s’oppose à la solidarité et plus encore à l’hospitalité. Comme le disait le poète Edmond Jabès : « Au-delà de la solidarité, il y a l’hospitalité ». Cette dernière est en effet une relation singulière, interpersonnelle. Tandis que la solidarité est anonyme, l’hospitalité s’adresse à un visage, à un désir, sans masque ou dissimulation, pour rencontrer le mystère de l’autre. “De la máscara a la cara”. Symbole, reconnaissance ! Le paradigme de l’hospitalité est la famille, fondée sur deux expériences fondamentales du désir : la rencontre sexuelle et l’accueil du nouveau-né.
Cependant, l’hospitalité n’est possible qu’à partir d’une anthropologie partagée, une vision commune de la nature humaine, toile de fond de l’altérité : la différence n’est pas l’indifférence.
4- La confusion entre patriotisme et nationalisme, entre droit à l’identité et rejet de la différence. L’UE est la scène d’un retour au nationalisme qui contredit le projet d’un patriotisme européen solidaire et ouvert au monde. Ce retour aux démons de l’égoïsme national menace le principal acquis de la construction européenne : la paix. Rappelons-nous la double étymologie de ce terme crucial :
Le mot paix vient du latin “pax” dérivant de la racine “pacta”. La paix procède d’un accord, d’une convention juridique, formelle et univoque, parfois imposée par la force (pax romana). Cette règle destinée à permettre la vie en commun (polis) se traduit en lois que fera respecter la justice.
Cependant, l'idée de paix provient aussi de sa racine sémitique « Shalom, salaam » tirée du verbe hébreu « lehashlim » qui signifie compléter, accomplir, réconcilier.
Ce verbe implique une dimension intersubjective, temporelle, existentielle, d’engagement, de reconnaissance mutuelle (symbole) et d’hospitalité. La paix repose sur la reconnaissance que j’ai besoin d’autrui pour m’accomplir.
Cette complétude évoque aussi la paix des amants et la fécondité de leur rencontre. La paix en Europe se fonde sur le pardon et l’accueil de l’autre. Les traités ne font que sanctionner cette disposition fondamentale.
5- Aliénation d’une jeunesse qui n’a qu’un souvenir lointain et abstrait des tragédies qui ont engendré le projet européen et qui s’interrogent quant à leur avenir, sur fond de crise et de chômage. L’Europe leur paraît étroite, matérialiste et sans visage, inhospitalière, peu enthousiasmante. Cette aliénation nourrit la révolte des « indignés » et leur demande d’une Europe à visage humain, accueillante, éthique avant d’être économique.
Le chômage est un comble de l’inhospitalité ; il signifie à un jeune qu’on n’a pas besoin de lui, qu’il est superflu, non-désiré. Le contraire du « lehashlim », du principe de paix. Le désespoir qu’engendre cette situation peut conduire les jeunes à embrasser des idéologies réductrices ou des fondamentalismes violents.
Des solutions ?
Il ne peut y avoir de projet européen sans une anthropologie fondée sur nos deux grandes traditions judaïque et hellénistique. Cette vision de l’homme doit être rappelée aux nouvelles générations par l’éducation au sens critique, le respect mutuel entre les discours logique et symbolique, le maintien d’une laïcité sereine, respectueuse de la dimension mystérieuse de l’être humain.
Le projet européen est porté par une vocation prophétique appelant la civilisation de l’hospitalité, basée sur une anthropologie partagée. Cela fonde notre insistance sur l’universalité des droits de l’homme et le rejet inconditionnel de toute idéologie qui établirait des différences de dignité entre les hommes. L’Europe, pour en avoir assez payé le prix, ne peut accueillir en son sein des personnes ou des idées qui remettraient en question sa vision universelle et accueillante de l’humanité. La contradiction n’est ici qu’apparente ; le principe de l’hospitalité, qui fait de l’hostis (ennemi) un hospes (hôte), repose aussi sur l’attitude de celui qui est ainsi accueilli.
Quant à la prospérité européenne, plus menacée par sa démographie en berne que par la crise actuelle, si elle se fonde sur l’économie de marché, elle ne peut reposer sur une société de marché ; voilà ce qui indigne les jeunes.
Il nous faut remettre la personne au centre du projet européen, concrètement ; en repoussant les tentations des idéologies radicales, des fondamentalismes utopiques et des dérives relativistes du post-modernisme.
Ainsi nous ferons honneur à une étymologie du mot Europe : (Evros Opsomè Εβρου Όψομαι) vision large.
Vision d’une civilisation accueillante, dynamique et féconde, fondée sur une anthropologie qui reflète nos deux traditions spirituelles et culturelles, comme les deux ailes de la colombe de la paix.
On parle d´économie et de ses règles comme si l´économie aurai été crée par Dieu en personne. L´ économie est une création humaine. Deuxième chose, on décide tous les jours les règles du jeu, les valeurs, celui qui sera important. Troisième chose, rien n’est pure, la réalité est toujours bondée des couleurs en mêlant les parfums et les formes. L´Europe a fait assez du mal aussi, il ne faut pas être comme les extrémistes, ceux qui aiment de regarder seulement ce qui nous convient.
Il faut accepter la dynamique de l´homme et rester ouvert et coopératif, parce que la déclination de l´Europe n´es pas synonyme d´échec ni d´esclavage ni de toutes genres des choses négatives qui les faux apôtres sont en train de nous présager. C´est qui s´est passe aux Etats-Unis, en Europe et au Chile est le résultat d´un choix, nôtres choix, mais principalement les choix de nos élites. Il faudra au futur revenir et peut être remettre en question nos règles, l´économie n´ en est qu´une seule. Seulement les civilisations en ayant le courage pour la remise en question peuvent oser survivre.
On est la cause du bonheur et de la détresse.