« Macky Sall est né entre mes mains. Je suis son oncle maternel. Je l’ai eu sous ma protection depuis qu’il était à l’école, avec l’aval de ses parents. C’est un garçon poli, discipliné et digne. C’est comme si Dieu l’avait éduqué de ses propres mains. »[1]
Depuis dimanche 25 mars 2012 Macky Sall est le 4ème président du Sénégal. Sa victoire et l’acceptation par Abdoulaye Wade, le président sortant, de sa défaite, consacrent le pays au rang de grande démocratie et fait honneur et fierté aux Sénégalais.
Abdoulaye Wade rendant hommage au Khalife général des mourides,
Serigne Sidy Moctar Macké, au lendemain de sa défaite face à Macky Sall.
Beaucoup s’interrogent sur « le miracle sénégalais », seul pays en Afrique à n’avoir connu ni guerre, ni coup d’état, ni dictature… Il semble qu’une partie de la réponse se trouve dans les propos de l’oncle de l’actuel président : « c’est comme si Dieu l’avait éduqué entre ses propres mains ».
Le pays est à 90% musulman, le reste est catholique ou animiste. C’est un peuple profondément religieux. L’appel à la prière est chanté dans tous les coins du pays et par milliers des hommes se prosternent cinq fois par jour devant le Tout-Puissant. Les églises aussi sont pleines et accueillent la prière humble des fidèles du Christ. Ici, on ne parle ni de charia, ni de terrorisme, ni d’islamisme, ni de fondamentalisme, mais de laïcité et de démocratie sans que personne ne le conteste. Mais la laïcité est vécue d’une manière bien différente de l’Europe.
Le président Wade a toujours affiché son appartenance à la Mouridiyyah, cette confrérie musulmane qui rassemble le plus grand nombre d’adeptes musulmans au Sénégal. Le dernier acte du vieux président est d’ailleurs d’être allé remercier le Khalife général des mourides ce mardi 27 mars pour son soutien. A cette occasion il a affirmé vouloir « achever dans un court délai [sa] maison encore en chantier à Touba[2]. Toute ma vie, je me mettrai au service de la communauté mouride »[3]. Et plusieurs fois, comme président, il est allé prêter hommage au Khalife général, allant jusqu’à lui baiser la main. D’aucuns l’accusèrent de récupérations électoralistes -les mourides représentant une grosse partie de la population- ou de confusion entre le domaine politique et la sphère religieuse. En réalité il se dégage quelque chose de plus fondamental (de symbolique) et le président en est l’expression : la conscience d’appartenir à Dieu et de servir un peuple en Le servant, en cherchant la vérité par-delà le jeu électoral.
Le fondateur de la démocratie sénégalaise, Léopold Sedar Senghor, a lui aussi incarné cette vision politique. Catholique convaincu, il a servi l’Etat sans oublier qu’il n’était pas Dieu et qu’il ne pouvait prendre sa place souveraine de dire le bien et le mal : « la religion est la sève même de la civilisation négro-africaine »[4]. Il a toujours revendiqué cette double appartenance politique et religieuse, comprenant très bien qu’elle ne s’opposait pas mais se complétait. Pour cela il refusa le matérialisme marxiste en se coupant du socialisme français et affirma une anthropologie spirituelle qui ne s’explique pas par des lois physico-chimiques mais par sa psyché, son âme, sa conscience, lieu de dialogue avec la Vérité éternelle : « Donc, au-delà du bien être matériel, le plus être spirituel, épanouissement de l’intelligence et du cœur, est confirmé comme but ultime de l’activité générique de l’Homme »[5]. Homme de foi, Senghor l’a été aussi dans la magistrature suprême. Certes il n’était pas un saint, mais la pointe de son âme l’obligeait à cette obéissance première sans laquelle il n’y a plus d’ordre, ni de bien, ni de mal, ni de vrai, ni de conviction, seulement des options politiciennes :
« Laetare sur l’Eglise au lait doux de coco et sur son visage pascal (…).
Seigneur Laetare dans mon cœur, comme un dimanche d’Europe au réveil.
Je suis plein de ténèbres mon Dieu. Brise la boite maléfique
Et brise mon cœur, qu’il s’effeuille en purs pétales de chant. »[6]
La démocratie sénégalaise peut se montrer une nouvelle voie, différente du modèle européen qui continue à coloniser les mentalités subrepticement. Ce n’est ni archaïque, ni fondamentaliste, c’est l’expression de cette sagesse naturelle dont l’Afrique ne s’est pas coupée. Elle fait écho à l’appel de l’Eglise qui reconnaît les vertus de ce modèle[7], et que Benoît XVI a une nouvelle fois exprimé lors de son voyage à Cuba, pays qui connaît bien les conséquences terribles d’une politique détachée de tout lien avec l’ordre naturel et spirituel : « Le droit à la liberté religieuse, tant dans sa dimension individuelle que communautaire, manifeste l’unité de la personne humaine qui est à la fois citoyen et croyant. Il légitime aussi le fait que les croyants offrent une contribution à l’édification de la société. Son renforcement consolide la vie en commun, alimente l’espérance en un monde meilleur, crée les conditions propices à la paix et au développement harmonieux, en même temps qu’il établit des bases fermes pour consolider les droits des générations futures »[8]. L’engagement politique sans ce lien de la conscience avec la Vérité et du respect de l’homme en tant qu’homme qui nous transcende dérivera nécessairement dans le totalitarisme personnel d’un dictateur, ou dans celui, plus grave parce que plus insidieux du « plus grand nombre », donc du plus fort.
Les Français et les Américains sont appelés à exercer leur droit démocratique très prochainement. L’exemple sénégalais semble être une belle leçon de « liberté politique fondamentale ». La tâche n’est plus seulement de choisir entre tel ou tel candidat, mais plutôt de choisir quel visage politique on veut donner à nos nations. Y aura-t-il un candidat à la hauteur de notre attente ? De façon plus réaliste, y aura-t-il une nouvelle génération politique fidèle à la sagesse éternelle « comme si Dieu l’avait éduquée de ses propres mains » ?
[1] Samba Ameth Thimbo, interview de l’obs, N° 2556, propos recueillis par Codou Badiane
[2] « Ville Sainte » située au centre du pays, fondée par le fondateur des Mourides, Cheikh Amadou Bamba.
[3] Sur le site « mourides.com »
[4] Senghor, « Socialisme, Fédération, Religion », Liberté 2, p. 106, 3-4-5 juillet 1953
[5] Senghor, « Hommage à Theillard de Chardin », Liberté 5, p. 11
[6] Senghor, Laetare Jerusalem, Œuvre poétique, éditions du seuil, p. 157
[7] Cf. Conférence de Mgr Mamberti, chargé des relations diplomatiques du Saint Siège avec les Etats, célébrant le cinquantième anniversaire des relations diplomatiques entre le Saint Siège et le Sénégal, le 17 janvier 2012, au Collège Notre Dame du Liban : « Nous avons avec le Sénégal la même vision de la laïcité ».
[8] Benoît XVI, homélie du 28 mars 2012, place de la Révolution à la Havane.
Heureux pour tout le peuple Senegalais et tous mes amis du PC ST Monique ! !!
A présent Toutn reste a faire pour le nouveau président…mais un chemin d'espoir est tracé pour pacifier l'Afrique et ses dirigeants lors des changements de gouvernements !
Pierre Do
c'est toujours réconfortant d'entendre des témoignages où différentes religions s'estiment et s'apprécient!