Home > Economie > Peugeot dans la tourmente

L'été fut plutôt chaud pour PSA1 qui dès début juillet a annoncé un plan social de 8000 suppressions d'emplois ainsi que la fermeture du site de production d'Aulnay sous Bois. L'annonce a rapidement tourné à l'affaire économique d'Etat. Jugé « inacceptable » par le président de la République, le groupe PSA a été sommé par le gouvernement de revoir sa copie. Le ton est monté assez haut puisque le principal actionnaire du groupe, la famille Peugeot (25,4% des parts et 38% des droits de vote) a été accusé de « mensonge » et de « dissimulation ».

Sur la nécessité d'un tel plan la plupart des économistes le voit comme inéluctable. A la différence du groupe Volkswagen, PSA reste encore très centré sur l'Europe et donc dépendant de l'évolution de ce marché. Les investissements dans les marchés porteurs comme l'Asie et l'Amérique latine ont été réalisés plutôt tardivement2. Les difficultés viennent aussi du fait que PSA est très présent dans les pays du sud européen affectés par la crise (France, Portugal, Italie, Espagne) alors qu'en Allemagne ou en Europe du Nord les parts de marché de PSA sont assez négligeables. Le groupe est donc fort dans les pays à faible croissance (le marché automobile espagnol ayant été divisé par deux en 3 ans par exemple). La violence de la crise a donc entrainé une baisse significative des volumes des ventes. Prévu pour atteindre et dépasser 4 millions de voitures par an l'outil industriel se trouve aujourd'hui en forte surcapacité et PSA perd ainsi 200 millions d'euros de trésorerie par mois. Pour survivre le groupe n'a pas le choix et doit réduire la voilure, arrêter l'hémorragie de cash en réduisant le nombre d'usines sous peine de banqueroute.

Ce plan s'inscrit néanmoins dans une stratégie d'internationalisation du groupe sur trois marchés à forte croissance: l'Amérique latine, l'Asie et la Russie. Une alliance a aussi été conclue avec GM qui s'est traduite par une prise de participation de 7% du capital par GM. L'objectif est dans un premier temps de mettre en commun l'ensemble des achats qui ferait de GM+PSA le premier acheteur mondial dans le domaine de l'automobile. De substantielles économies sont donc attendues. Le deuxième volet de l'alliance est le développement de modèles en commun. Par conséquent le groupe PSA tente de s'internationaliser et de s'allier.

Manque de patriotisme ? 

Sommée de « s'expliquer » par le gouvernement, la famille Peugeot et le directeur général du groupe Philippe Varin ont rappelé tout d'abord qu'il n'y aurait aucun licenciement sec. Tous les employés d'Aulnay vont avoir un accompagnement pour être replacés ailleurs et pour retrouver un emploi. La fermeture aussi va se faire progressivement pour être définitive à l'horizon de 2014. PSA est connu pour être en général très attentif à ses employés (son côté un peu « paternaliste » qui lui a été même parfois reproché). On fait souvent toute sa carrière chez PSA. A l'accusation de « manque de patriotisme » la direction a rappelé que le groupe emploie encore 100 000 personnes en France à la différence de Renault qui lui a très tôt internationalisé la majeure partie de sa production. PSA produit encore deux fois plus de voitures en France que son principal concurrent et paye donc au prix fort son désir de conserver l'emploi en France3.    

La famille Peugeot

Ce qui a dû surprendre plus d'un employé de PSA, ce sont les accusations à l'encontre de la famille Peugeot, présentée maintes fois comme une famille d'actionnaires sans foi ni loi, avide de dividendes et prête à tout type de « licenciement boursier » pour augmenter leur fortune. La famille Peugeot est connue pour être fidèle à sa tradition protestante qui est de toujours cultiver les valeurs de travail, de respect et de discrétion. Elle investit en France et paie ses impôt en France4.  L'histoire des Peugeot remonte au XVIII siècle et s'inscrit en parallèle à la révolution industrielle. D'abord meuniers puis tanneurs, fabricants de produits textiles et de bicyclettes, leur première automobile date de 1890.Dès les débuts, Emile Peugeot puis sa fille Lucy, protestants et fervents pratiquants, furent des pionniers en matière sociale. En 1811, ils créent une caisse de pension pour les veuves, une assurance mutuelle sociale en 1853 (et ce près de 100 ans avant notre système actuel de sécurité sociale mis en place en 1945) ainsi que divers systèmes de logements à bas prix pour leurs salariés. C'est la famille Peugeot qui créera l'hôpital du Rocher à Valentigney en 1870 afin de soigner gratuitement les ouvriers accidentés. La famille crée aussi un système de caisse de retraite ouvrière en 1876.   

Dans son livre « La famille Peugeot », Jean Louis Loubet écrit que « les valeurs de la famille sont celles du capitalisme rhénan avec une dimension paternaliste et un fort ancrage local ». En 1928, la famille Peugeot fonde le FC Sochaux  dans le cadre de la politique de loisirs pour les ouvriers5

Les Peugeot sont donc loin d'être des actionnaires froids et « dissimulateurs ». Ils ont d'ailleurs été les premiers touchés au portefeuille par cette crise puisque l'action a perdu 75% de sa valeur en bourse en un an. Tous au sein du gouvernement n'ont pas partagé les algarades de Monsieur Montebourg, notre ministre du redressement productif. Pierre Moscovici, ministre de l'Economie et des finances et député du Doubs (le département historique de Peugeot) a d'ailleurs déclaré: « la famille Peugeot ? Ce sont des gens discrets mais on les connait » puis d'ajouter « je préfère qu'il y ait un actionnariat français et familial 6».     

Inquiétude et optimisme

Le groupe PSA traverse incontestablement une période difficile. Fragilisé par sa petite taille, trop faible à l'international, pénalisé par le recul du marché européen et par certaines erreurs stratégiques, il vit en ce moment dans la tourmente. Ses dirigeants comme ses salariés sont aujourd'hui dans l'inquiétude. Mais PSA est aussi une grande entreprise portée par des valeurs fortes et une glorieuse histoire industrielle. M.E. Leclerc affirme que pour lui « aider Peugeot consiste à développer un projet industriel avec des gens sérieux 7». Le groupe, plusieurs fois au bord du dépôt de bilan, s'en est toujours sorti. PSA possède encore de nombreux atouts dont les principaux sont certainement ses ressources humaines. Lors de son départ de Peugeot Sport pour la formule 1, Jean Todt qui avait tout gagné avec Peugeot dans le monde des rallyes et allait tout gagner dans la F1 avec Ferrari avait été interrogé sur ce qu'il allait le plus regretter au sein du groupe Peugeot.  Réponse : « des hommes ».      

 

 

1. PSA = Peugeot Société Anonyme, entreprise qui regroupe les marques Peugeot et Citroën.

2. Le Brésil par exemple est devenu le cinquième marché automobile mondial. Le groupe Fiat y vend plus de voitures qu'en Italie son pays d'origine.

3. 22% des voitures produites par Renault le sont en France contre 41% pour PSA. 

4. Déclaration de Thierry Peugeot le 19 juillet au Figaro suite aux accusation d'être « une famille d'exilés fiscaux »: « J'habite en France et je paie mes impôt en France. Tous les membres de la famille qui siègent au Conseil de Surveillance de PSA ou au conseil d'administration du Holding FFP, ainsi que tous ceux qui travaillent dans le groupe, vivent en France et y payent leurs impôts. Au total, plus de 90% des actionnaires de la famille paient leurs impôts en France ». 

5. Source « Wikipedia ». Cité dans le Figaro, article WEB du 19/07/2012 « L'annonce du terrible plan de PSA entraîne les Peugeot dans la tempête médiatique ».

6. Cité par le Nouvel Observateur, article Web du 19 juillet 2012 : «famille Peugeot qui tient le volant ?».

7. Interview par Olivier Harmant, publié par le site Web « Atlantico » le 19/07/2012. 

 

Vous aimerez aussi
Coronavirus : la Grèce nous montrerait-elle la voie à suivre? ( II )
Coronavirus : la Grèce nous montrerait-elle la voie à suivre? ( I )
Opération Résilience
Boris Cyrulnik : «Après le coronavirus, il y aura des changements profonds»

2 Commentaires

  1. Flys

    Il faut se battre, sans ça PSA ne s'en relèvera pas. Les gens doivent prendre conscience de la chance qu'ils ont de pouvoir travailler pour un groupe qui a encore ce côté "paternaliste". Une entreprise qui même dans la douleur cherche à soutenir ses employés à trouver un poste pour leurs éviter le chômage c'est plus que rare de nos jours. Le personnel de PSA doit relever la tête et les manches et aider l'entreprise chacun à leur niveau. Il ne faut pas baisser les bras. " A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.", "sans peur, nul courage"

Répondre à Flys Effacer la réponse