Home > Politique > Aimons les riches !

d'Arnaud Cousin.

Si on changeait collectivement notre regard sur les riches ? Si on se réjouissait qu'une personne qui a une idée géniale qu'elle arrive à exploiter judicieusement gagne du coup plein d'argent ? Et si on se disait qu'un riche permet de financer des dizaines d'allocations chômage, des crèches etc. etc. ?


© J.M. Porté

« Écoutez-moi, vous, les gens riches ! Pleurez, lamentez-vous, car des malheurs vous attendent. Vos richesses sont pourries, vos vêtements sont mangés des mites, votre or et votre argent sont rouillés. Cette rouille vous accusera, elle dévorera vos chairs comme un feu. Vous avez amassé de l'argent, alors que nous sommes dans les derniers temps ! »
C'est peut-être la lecture de cet extrait de la lettre de Saint Jacques mais sans doute, et plus vraisemblablement, l'état calamiteux de nos finances publiques qui ont poussé notre gouvernement à déployer un trésor d'ingéniosité pour mettre en place ou augmenter un certain nombre de taxes dans le projet de loi de finances pour 2013 (c'est-à-dire notre projet de budget de l'Etat qui doit être voté par les députés et les sénateurs).

Sur le fond, l'objectif est clair : il s'agit de réduire les dépenses publiques afin… d'être moins déficitaire ! Que l'on comprenne bien : les efforts demandés ne permettront pas au budget de la France d'être équilibré mais seulement moins déficitaire. L'objectif est de 3% du PIB. Avec cette cible nous continuerons bien sûr de creuser notre dette année après année. Aux environs de 2017, si tout va bien, on pourrait arriver à un solde budgétaire équilibré. A partir de ce moment seulement, on pourra commencer à s'attaquer aux presque 2000 milliards d'euros de dettes que nous avons cumulés depuis le milieu des années 70.

Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit donc, pour atteindre cette objectif de 3% de déficit, 30 milliards de recettes nouvelles, ventilées de la manière suivante :

– 10 milliards d'économie sur le budget de l'Etat : il ne s'agit pas de nouvelles recettes mais de non-dépenses ;
– 10 milliards d'impôts supplémentaires pour les contribuables ;
– 10 milliards d'impôts sur les entreprises.

Ce dispositif a été calculé avec une hypothèse de croissance de 0,5%. Or, on estime aujourd'hui que la croissance sera plutôt de 0,3% ce qui ramènerait l'effort de recettes nouvelles à 35 milliards (car moins la croissance est forte moins les recettes fiscales sont élevées).

En entrant un peu dans le détail, on se rend compte que l'exécutif privilégie davantage les hausse d'impôts que la baisse des dépenses, entretenant ainsi ce que nous faisons depuis longtemps : vivre au-dessus de nos moyens et donc à crédit.

Il est certes difficile de faire bouger rapidement des masses budgétaires aussi importantes, car cela suppose de restructurer des programmes et de réaffecter du personnel. C'est un chantier lourd que le précédent gouvernement avait initié avec le principe du non-remplacement d'un fonctionnaire sur 2 partant à la retraite. François Hollande a décidé de stopper cette démarche en créant 60.000 postes d'enseignants supplémentaires sur la durée de son quinquennat et en visant une stabilisation de la masse salariale de l'Etat. C'est, bien sûr, intenable sur le long terme car les dépenses de personnel représentent près de 40% du budget de l'Etat.

La solution qui a donc été retenue est de trouver de nouvelles recettes. C'est là que la polémique commence : on va faire payer les riches ! On ressuscite le vieux fond marxiste de la lutte des classes plus ou moins enfoui dans l'imaginaire de chaque Français. Le fameux « mur de l'argent » dénoncé par Herriot dans l'entre-deux-guerres, l'image du patron qui se verse des stock options et des rémunérations faramineuses alors même qu'il licencie des salariés par milliers. Bien sûr, des dérives existent et doivent être dénoncées, mais ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. La plupart des chefs d'entreprise dirige des PME et il est légitime qu'ils puissent être rémunérés à la hauteur des risques qu'ils prennent.

L'erreur réside dans l'assimilation du riche au chef d'entreprise. Il faut le faire payer !

On discute donc d'une taxe exceptionnelle à hauteur de 75% pour les personnes percevant un million d'euros et plus par an. C'était un thème de campagne du président de la République. La rumeur enfle, certains économistes montrent que ça sera très compliqué à mettre en œuvre, sûrement inefficace et que cela ramènera très peu (moins de 200 millions). Mais peu importe, ce qui compte, c'est l'image. Tout le monde repense à la trop célébre phrase de notre actuel président ayant déclaré il y a quelques années qu'il n'aimait pas les riches.

Deuxième temps : dans le projet de loi de finances est incluse l'idée de taxer davantage les plus-values en cas de cession d'une entreprise. En clair, quand je suis entrepreneur et que je vends ma boîte, je suis déjà taxé sur les plus-values réalisées à hauteur de 34,5%. Le gouvernement envisage de monter le taux jusqu'à 60%. Cette situation serait inédite dans le monde. Les taux de taxation évoluent entre 5 et 28% et de nombreux pays, pour soutenir l'investissement dans les PME, suppriment même toute imposition. Nous, nous envisageons de faire exactement le contraire. Curieuse singularité française !

Dans les deux cas, nous choississons à nouveau de taxer ceux-là mêmes qui contribuent à la création de la richesse en France. Certes, ils ne sont pas à plaindre mais peut-on encore parler de juste participation aux dépenses publiques quand 75% de son revenu est reversé en impôts ?

On assiste ici à une certaine stigmatisation du chef d'entreprise qui est vu comme un coffre-fort ambulant dans lequel il suffit de puiser pour combler une mauvaise gestion structurelle publique. 

Aujourd'hui beaucoup de chefs d'entreprises en ont assez de se sentir tancés par les hommes politiques. La manière dont la famille Peugeot, notamment, a été traitée par Monsieur Montebourg a laissé des traces profondes d'amertume dans l'esprit des entrepreneurs. En témoigne la naissance de mouvements spontanés comme celui des « pigeons », unique dans l'histoire de l'entrepreneuriat français. Les pigeons sont un regroupement de chefs d'entreprise – d'entreprises high-tech principalement – qui ont créé un buzz sur internet afin de dénoncer les mesures évoquées ci-dessus. Devant l'ampleur du mouvement, le Gouvernement a annoncé vouloir retirer une partie de ces propositions.

La réalité est tout autre, bien sûr. La plupart des chefs d'entreprise galèrent beaucoup dans leur PME pour trouver de nouveaux marchés ou tout simplement pour maintenir leur activité. Le taux de marge des entreprises en France est le plus faible des pays européens et celui où les prélèvements sur les entreprises sont les plus élevés. Certes, les entreprises ne votent pas mais elles ont un rôle majeur dans la création de richesse.

Ne faudrait-il pas au contraire aimer les riches, ne serait-ce que pour les impôts qu'ils paient déjà et pour leur contribution au financement de notre économie ? Ils créent des emplois, financent des fondations et des opérations de grande envergure. Madame Aubry annonce partout qu'elle fait financer à 40% son année culturelle à Lille par les entreprises, tant mieux !

La plupart des «riches » ne refusent sans doute pas de prendre part à l'effort de redressement national entrepris, mais ils souhaitent le faire avec mesure et sans mépris de la part de ceux qui nous dirigent aujourd'hui. Sinon, la fuite lente mais continue des trop célébres « évadés fiscaux » se poursuivra insensiblement mais sûrement, appauvrissant fiscalement notre pays. Bien sûr, les excès doivent être dénoncés comme Saint Jacques l'a fait dans sa lettre. Il dénonce l'égoïsme et le repli sur soi que peut créer l'argent mais, ne confondons pas l'arbre et la forêt, changeons notre regard sur les riches et faisons en sorte qu'ils puissent avoir toute leur place dans notre société et contribuer justement à l'action publique.

Aimons les riches !

 

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9 Commentaires

  1. Vincent

    Tellement dommage que les clivages idéologiques empêchent d'écouter ceux qui se donnent pour l'économie et l'emploi. Il suffit de regarder comme un chef d'entreprise quitte sa boite à l'âge de la retraite pour voir comme son intérêt personnel passe loin derrière celui des employés et des clients. Pour écouter les doléances des entrepreneurs nantais qui interpellent le premier ministre qu'ils connaissent tous personnellement: http://www.facebook.com/pages/Les-canaris-rejoignent-les-pigeons

  2. Charles C.

      Plus qu'aimons les riches, il faut aimer nos entrepreneurs et dont certains d'entre eux sont devenus riches (et beaucoup ne le sont pas). Il faut admirer leur audace et reconnaitre les sacrifices qu'ils acceptent pour porter un projet susceptible de créer de la valeur pour la société et donc des emplois. Ils ne demandent en fait rien d’autre que de pouvoir essayer de mener à bien leurs idées sans qu’une batterie de règlementations ne les oblige à passer des heures dans la paperasse au lieu de travailler sur leur business plan. Il me semble qu’il y a deux raisons profondes qui poussent le gouvernement présent, soutenu par une partie de l’opinion publique, à s’attaquer aux « riches » et aux entrepreneurs. Tout d’abord les riches sont douteux. En effet, à la radio comme à la télévision la richesse est présentée  comme étant soit le fruit d’une certaine forme de népotisme ou alors purement et simplement comme le fruit d’une spoliation des forces vives en faveur du grand capital. La crise que nous traversons n’a fait que renforcer ce discours en radicalisant certaines propositions : nationalisations, interdiction aux entreprises privées de prendre des décisions indépendamment  du ministre de la « résindustrialisation »….Le riche sent le soufre en somme. Ensuite, les entrepreneurs. Eux sont dangereux car ils pourraient réussir. S’ils réussissent alors ils sont comme une pierre jetée dans la marre du nivèlement par le bas. Dans une société française qui aime  les fonctionnaires (selon un sondage IPSOS paru en juin 2011, 66% des français verraient bien leurs enfants fonctionnaires) et ce principalement pour la sécurité d’emploi, la prise de risque des entrepreneurs, celle la même qui pourrait conduire au succès, fascine et est jalousée en même temps. Plutôt que d’en prendre exemple détruisons dans l’œuf cette subversion en la décourageant  et en lui faisant payer la perfusion d’assistanat pour l’ensemble de la société. Ne nous étonnons pas de voir Libération (oui oui Libération) du 3 Septembre 2012 titrer : « Jeunes de France, votre salut est ailleurs : barrez-vous ! »  avec ce message : aimez le risque, découvrez des terres d’opportunités. Peut-être ces jeunes pourront-ils apprendre ailleurs à aimer l’audace, la création d’entreprise, la possibilité d’être riche et qui sait, peut-être les riches eux-mêmes. 

    1. Arnaud Cousin

      Tout à fait d'accord. Notre tradition française ne valorise pas la prise de risque et voit la richesse comme n'étant pas 'juste'. L'attrait pour la fonction publique et la sécurité de l'emploi qu'elle procure démontre à la fois l'inquiétude vis à vis de l'avenir et,en même temps un besoin d'être rassuré alors même que les carrières publiques ne sont guère attrayantes. Une solution un peu provocatrice: mettre fin au statut de la fonction publique ! Mais ce sera alors une véritable révolution car nous sommes drogués au service public !

    1. Arnaud Cousin

      Bien sûr, sauf que l'impôt sur le revenu ne contribue que faiblement aux recettes de l'état. Tout le jeu du gouvernement est de trouver de nouvelles recettes qui pourraient faire entrer beaucoup d'argent comme la TVA ou la csg mais en ne les faisant supporter que par une petite partie de la population, les "riches" qui ne sont pas réputés avoir voté pour l'actuelle majorité !

  3. Antoine Rigalleau

    "Aimons les riches"… Pour continuer sur l'Evangile de dimanche dernier, je remarque déjà que ce regard n'est pas "spontané chez Jésus, qui met quelques phrases avant de "poser son regard sur le jeune homme riche et l'aimer". Je trouve quand même assez glissant le tobbogan qui nous fait partir d'une lecture de la Bible pour nous amener vers une critique de politique gouvernementale française en 2012. Que des patrons se mettent en quatre pour faire grandir leur entreprise et faire grandir les hommes et les femmes qui la composent c'est évident. Que chacun ne soit pas rétribué à sa juste valeur c'est aussi évident. Pourtant est-ce que l'on attendrait pas tous trop de la politique ? Est-ce l'Etat qui doit nous montrer que nous sommes vraiment aimés ? Allez, je préfère celle-là : "Il ne faut jamais médire des riches… on ne sait jamais ce que l'on peut devenir !" Coluche  

  4. Bruno ANEL

    On ne saurait aimer la richesse sans discernement, car son origine est variable. Les entrepreneurs créent des biens et de l'emploi :  il est normal que la prise de risque et l'innovation soient récompensés,et que le capital investi soit rémunéré dans des proportions raisonnables. Cela justifie-t-il des rémunérations 50, 70 ou cent fois supérieures à celles du plus modeste des  salariés ? La production d'une entreprise est aussi une oeuvre collective.

    1. Arnaud Cousin

      Vous abordez deux points que je ne traitais pas:
      – la richesse et son origine alors que je parlais en ce qui me concerne des personnes et du regard que l'on pose sur eux. Souvenez vous de la violence des propos d'Arnaud Montebourg à l'égard de la famille Peugeot. Au-delà des clivages traditionnelles politiques, quelle violence et que d'exagérations de la part d'un membre du Gouvernement !
      – le problème de la juste rémunération. Sur ce point là, j'avoue que je sèche. Vous évoquez le problème de écarts de rémunération. C'est un thème repris très souvent par nos hommes politiques qui ont décidé de manière réglementaire de l'écart maximal tolérable et l'ont imposé pour les entreprises publiques. Ce n'est manifestement pas une bonne manière de faire à moins de retourner vers les fantasmes de l'économie dirigée par l'Etat. C'est un sujet très complexe qu'il ne faut pas limiter aux chefs d'entreprise. Pourquoi un ballon placé dans un filet rapporte des millions au footballeur ? Mais allons plus loin, pourquoi une secrétaire employée dans une banque gagne à travail équivalent plus qu'une secrétaire employée dans l'industrie ? Faut-il établir aussi des régles pour décider des rémunérations           ?

  5. Bruno ANEL

    Je conseillais le discernement vis à vis de la richesse parce que les personnes, riches et moins riches, ont à priori droit à notre considération. L'encadrement des hauts revenus pose effectivement des problèmes. La grande majorité des revenus sont encadrés : par le  SMIC, par des conventions collectives ou des grilles indiciaires. Un pompier prend plus de risques qu'un entrepreneur et il a pourtant un revenu fixe. Je trouve que lorsque l'on gagne 100 000 euros par an , on est déja fort riche. Lorsque l'on gagne 1 million, on peut raisonnablement donner plus au fisc sans perdre sa motivation au travail.

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