de Vincent de Portzamparc 8 avril 2013
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Suite aux aveux et à la demande de pardon de Jérôme Cahuzac, les réactions ne se font pas attendre : exclusion du Parti Socialiste, effarouchement général à gauche qui condamne le « traître », récupération à droite où, feignant la consternation, l’on prend plaisir à donner des leçons aux donneurs de leçon…
Finalement à celui qui s’humilie en demandant pardon, on donne le bâton en se pinçant le nez. Un doute affreux m’obsède : de quoi se scandalise-t-on ? Du blanchiment de fraude fiscale, ou du fait qu’un homme politique admette avoir commis un délit ? De la faute ou de l’aveu ? Les réactions qui tendent toutes à rebâtir une innocence de façade nous permettent de soupçonner que le plus impardonnable en politique n’est pas le délit mais l’aveu du délit, ce qui laisse entendre que le monde politique permette tout mais ne pardonne rien. Ce puritanisme de façade de nos gendres idéaux et autres effarouchées ne couvre-t-il pas d’un voile d’immunité les êtres humains ni pires ni meilleurs qui nous gouvernent ?
La relecture de quelques grands scandales de la Vème république (Frégates de Taïwan, écoutes de l’Elysée, faux électeurs du 5ème arrondissement, emplois fictifs de la mairie de Paris, Elf, Carlton de Lille, etc.) révèle une triste réalité : ceux qui ont toujours nié et se sont justifiés, ceux qui ont dit : « Je me battrai jusqu’au bout » ont tendance à être condamnés discrètement, à « se refaire », voire à retrouver une légitimité politique.
A l’inverse on se souviendra d’Hervé Gaymard qui, ayant admis avoir un appartement de fonction trop grand et trop cher s’est vu exclure manu militari du pays des merveilles de nos gouvernants.
A qui la faute ? A ces énarques qui de générations en générations se transmettent le virus de l’immoralité ? A nos institutions qui manquent cruellement de contre-pouvoirs, d’organes de contrôle, et autres mécanismes favorisant la transparence ? Peut-être. Mais ces instruments seront toujours aux mains d’hommes et de femmes par nature fragiles.
Le Droit Civil français offre comme critère de comportement moral le modèle du « bon père de famille » normalement prudent et diligent, attentif, soucieux des biens et/ou des intérêts qui lui sont confiés comme s'il s'agissait des siens propres. Or on demande au père de famille d’être un exemple pas un surhomme. Il peut encore se nourrir de la confiance et de l’amour miséricordieux de sa famille pour sortir grandi de ses erreurs et infidélités.
La contribution à un monde politique plus humain passe par notre bulletin de vote. Il a en effet le pouvoir de sanctionner aussi bien les coupables tentant de sauver leur image par quelques pirouettes, que les accusateurs sans pitié qui n’ont aucun remords à jeter la première pierre. N’est-il pas préférable de donner une seconde chance aux Cahuzac et Gaymard qui ont sans doute mieux compris la responsabilité qui pèse sur les mandataires de la recherche du bien commun ?
Photo en page d'accueil : CC BY-SA Cyclotron
Il me semble difficile de comparer les affaires Cahuzac et Gaymard. Le principal point commun entre ces affaires est de concerner deux hommes qui prêchaient la rigueur budgetaire sans se l'appliquer à eux mêmes. Le premier a fraudé et menti, ses aveux sont peut-être sincères mais peut-être aussi tactiques; le second a été imprudent et n'a pu faire autrement que de le reconnaitre. Cela étant, il est exact que Juppé et Chirac, qui ont été condamnés mais ont appliqué les consignes du communicant Jacques Pilhan ("N'avouez jamais"), ceux là donc ont eu droit aux condoléances attristées de leurs amis au lendemain de leur condamnation, légère au demeurant.
– sur les "contre pouvoirs " => c'est un fourre tout pour y mettre des copains qui seront au final d'accord avec les décisions. Ex le CESE qui ne sert à rien. La France déborde de commissions, hautes autorités, observatoires etc.. . qui remettent des rapports à gogo. Inutile.
– sur Cahuzac. Ok, tout le monde lui tombe dessus, y compris ses camarades du parti pour mieux s'en démarquer. Mais son aveu est un aveu stratégique d'un homme acculé et accablé par les preuves! s'il avait pu "se battre jusqu'au bout" c'est ce qu'il aurait fait (et a d'ailleurs fait jusqu'à récemment) . Le pardon "chrétien" ne rend pas pour autant sa faute "politique" impardonnable. Il est ministre du budget, a menti aux francais et doit renoncer à la politique.
J’avoue que ce qui se passe en ce moment me déconcerte un peu quand je vois cette morale à 2 vitesses : d’un côté on ne veut absolument pas entendre parler de morale, d’éthique et le débat sur le mariage homosexuel -puisque c’est le sujet le plus brûlant, mais on pourrait en considérer bien d’autres !- reste à un niveau assez superficiel finalement d’accès à l’égalité ; de l’autre on hurle à la moralisation de la vie politique; on veut créer comité sur organe de surveillance, faire le ménage et on traine dans la boue, sûrement plus que nécessaire, des personnes qui ont commis des "fautes morales".
La morale concerne donc la fraude fiscale, le mensonge, elle devient écrasante si on parle d’hommes politiques, de « personnes exposées », mais on ne veut pas en entendre parler quand elle sort de ces cases bien délimitées, finalement bien rassurantes…quand on voit l’histoire de M. Cahuzac, on peut dire sans se tromper « oui je sais ce qu’est la morale », le cas est assez clair, on est quelqu'un de bien parce qu'on a pas détourné 600 000 euros (ou plus); quand il s’agit de débats qui concernent des sujets de société, qui ne se focalisent pas sur un homme à condamner, alors là non, je ne sais pas ce qu’est la morale et de toute manière elle n’a rien à faire dans le débat…sous entendu, morale = acte mal que commet une autre personne que moi, moralisation de la vie politique = empêcher que des personnes commettent des "actes mals" quand ils sont en politique ; on voit bien qu'on est face à une conception de la morale un peu réduite…
Pour moi la question est assez claire, ou on estime que la morale va nous aider à vivre en société, et dans ce cas là elle concerne les comportements individuels comme les grandes questions de société, elle concerne les politiques comme moi, ou on ne veut pas en entendre parler et on l’évince des débats publics et dans ce cas là arrêtons le puritanisme, dénonçons et condamnons fermement les agissements de ce type mais n’appelons pas la morale à la rescousse, cette marotte qu’on utilise seulement quand on en a besoin.
Le rapprochement de l'article entre Cahuzac et Gaymard n'est peut-être pas juste si l'on considère la nature de la faute, mais il est très approprié si on le considère depuis l'optique de l'article qui est de considérer les conséquences de "l'aveu", indépendament de ce que m. Cahuzac mérite du point de vue de la justice.
Les appels (ou rappels) incessants à la moralisation de la politique nous renvoient à la confusion vieille comme la philosophie platonicienne entre la morale et la politique. Leurs buts et les moyens sont pourtant bien distincts : l’une se soucie de la vertu de la personne , l’autre du bien public ; l’une du salut de l’âme et l’autre du destin d’une collectivité. La vertu n’est certes pas la conformité extérieure à la loi (il suffit de lire les textes de loi en matière d’éthique pour s’en rendre compte..). A ce titre le parfait légaliste n’est pas toujours en odeur de sainteté. Autrement dit pour paraphraser Aristote, « il est possible d’être bon citoyen (politique) sans posséder la vertu qui nous rend homme de bien ». Il a quelques années le président Bush souhaitait moraliser le capitalisme. Cet appel à la moralisation de l’activité politique me paraît tout aussi absurde : la morale étant du domaine de l’intériorité de la personne et de la pureté d’intention. Par ailleurs, multiplier les appareils législatifs et les organes de contrôle ne répondent pas au problème de fond. Certes il y aura peut-être moins d’hommes politiques à l’avenir sous les verrous car le délit sera rendu plus difficile (quoique nous sommes toujours plus ingénieux et créatifs quand il s’agit de faire le mal) mais la politique ne sera pas vertueuse pour autant. Surveiller n’est pas éduquer et et il s'agit davantage d’éveiller la conscience politique des homme d’état et de réfléchir sur le sens de la responsabilité et de la vocation. A ce titre la réflexion de Jean-Pierre Raffarin lors d'une intervention au Sénat me paraît digne d’intérêt :: Mettre les hommes politiques en face de leur conscience aussi bien que de leur responsabilité. Lorsque la crise sociale s'attife d'une crise sociétale, il s'agit d'arrêter de "jouer" à la politique pour "être" politique.
moi cela me fait rire de voire cet acharnement médiatique sur Cahuzac.Les médias sont en train de se manger la queue… Cahuzac est trop bete de croire qu'en envouant a la société cela lui redonnerait un vrai visage vis a vis des français.Il a oublié qu'il avait une tete .Mais c'est pas le premier et c'est pas le dernier.Cela nous montre que finalement tout individu au pouvoir qui se croit au dessus , reste un pauvre Homme et c'est peut etre cela qui est un bon enseignement….
La comparaison entre les différentes affaires qui ont jalonnées l histoire de la Vieme république est audacieuse cependant assez justifiée au regard d une partie de la conclusion qui en est faite : le pardon est plus douteux que son contraire ! Sauf si je me suis fourvoyé en essayant de comprendre la lumineuse pensée de René GIrard, le bouc émissaire (cahuzac et tous ceux qui ont été achevés au moins sur la plan politicomediatique) a permis que se réalise, à son encontre et pour la pacification temporaire de la société, la catharsis, ce déchaînement des passions (ou des vices, les nôtres compris), afin d en oublier parfois la raison, d obtenir ainsi une paix toute relative car mensongère et de continuer à vivre ainsi dans le déni en attendant la prochaine tempête … Dans le même temps, pour mémoire va se jouer la mise en orbite de l idéologie du genre, aux effets autrement plus désastreux … Pour Girard, les vertu évangélique dont le pardon sont d un autre ordre. Elles sont d ailleurs les seules à avoir le pouvoir de nous sortir de l ornière que cultive en nous l esprit du monde. Je crois donc comme l auteur de l article que le pardon à plus et mieux à nous offrir pour construire un monde plus juste, en tous les cas plus que la transparence comme effet de la crise passion (crispation) dont nous venons d être les témoins et plus encore que tout les organes de contre pouvoirs et les lois qui en découlent souvent !!! L humiliation du fautif ayant avoué sa faute, quel que soit son degré de contrition qui, de toute facon, n appartient qu au Juge suprême, aurait sans doute permis qu un profiteur devienne enfin un serviteur. De ce point de vue, c est de ce genre d homme ou de femmes qui manque le plus à la famille politique … C est aussi de ce genre d hommes et de femmes que nous voulons le moins, comme par hasard !
pour ma part, je retiens de cet article le trés beau critère moral tiré du droit civil : "le bon père de famille." Cela, puis la porte ouverte, même si elle reste étroite, à la question de comment rendre plus humain le monde politique. La question reste ouverte, tant de bonnes volontés voudraient pouvoir l'aimer et s'y investir…
Autre chose, pour ma part, j'admire le courage de cet aveux que j'ose croire sincère…et c'est bien volontier que je pardonne à celui qui est soumis à des tentations que je ne peux surement pas imaginer… Qu'aurais je fait à sa place?