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Les clefs de la réussite du groupe international Artelia

de Raphaël Gaudriot   5 juin 2013
Temps de lecture 5 mn

La construction du barrage de Janneh au Liban, le projet hydroélectrique de Bunji au Pakistan, l'extension de l'usine d'Airbus à Toulouse, et celle du port de Calais ou du Tramway à Paris, la construction du métro d'Athènes ou de la Tour Agbar à Barcelone… l'entreprise Artelia a participé à la conception et à la construction de tous ces projets. Avec plus de 90 ans d’expérience internationale, l’entreprise est leader du management de projet et de l’ingénierie dans  les métiers de l’eau, du bâtiment, des infrastructures de transports, et des énergies renouvelables. Jacques Gaillard est co-président de ce groupe. Il nous livre son expérience passionnante et sa vision de l'entreprise, avec ses clefs de la réussite professionnelle (passage de Sogreah – 40 M€ de chiffre d’affaires fin 1998 -, à Artelia – 350 M€ de chiffre d’affaires en 2013) et les défis à relever.


Jacques Gaillard © Tous droits réservés

Monsieur Gaillard, quel est votre parcours ? 

Je me suis très tôt intéressé aux questions relatives à l'eau et à l'environnement. Après mes études à l’Ecole Polytechnique et à l’Ecole des Ponts et Chaussées, j’ai poursuivi ma formation sur ces sujets en Angleterre et aux Etats-Unis. Après deux postes dans ce domaine, je suis entré à la fin des années 80 chez Sogreah, un des leaders de l’ingénierie de l'eau et des grands aménagements hydrauliques. C’était il y a 25 ans !…  Dix ans après, j'ai eu l'opportunité de monter une opération de rachat de l'entreprise par ses cadres et salariés et en 2010, j'ai mené le rapprochement entre Sogreah et Coteba (autre société d’ingénierie spécialisée dans le bâtiment et le transport) pour fonder Artelia, que je co-préside aujourd’hui avec Alain Bentejac.

Quelle est la clef de la réussite de votre entreprise ?

Nous sommes une entreprise de service. Nous vendons des prestations de conseil technique à nos clients. L’essentiel des collaborateurs de l’entreprise sont ingénieurs ou techniciens supérieurs. Ce sont donc des cadres de haut niveau, en contact permanent avec nos clients.

Pour une entreprise comme la nôtre, la clef de la réussite pourrait se résumer en deux mots : liberté et responsabilité.

Pour répondre efficacement aux besoins de nos clients, de la manière la plus libre et la plus transparente, nos ingénieurs ont besoin de beaucoup d’indépendance et de liberté, ce qui passe par une forte délégation de pouvoir. La décentralisation de notre fonctionnement est capitale, avec la mise en œuvre du principe de subsidiarité : ne doit remonter à un niveau supérieur de l’entreprise que ce qui ne peut strictement pas être traité au niveau inférieur.

Mais il n’y a pas d’exercice de la liberté sans un sens profond de la responsabilité. Nos collaborateurs sont régulièrement formés et sensibilisés à la manière dont ce couple liberté/responsabilité, fondateur de l’entreprise, doit s’exercer au quotidien. Le système de management que nous avons mis en place se veut le plus simple et le plus transparent possible, permettant un contrôle des risques à  la fois efficace et motivant.

Une autre clé de la réussite de l’entreprise est sans doute à rechercher dans la nature de notre actionnariat, puisque la totalité du capital de l’entreprise appartient à ses cadres et ses salariés. Cela nous donne donc une très grande liberté dans la mise en œuvre de la stratégie de l’entreprise, sans la pression excessive que peuvent avoir par exemple les entreprises cotées en bourse, qui ont des échéances  de résultat à très court terme.

L’actionnariat salarié, comme l’actionnariat familial, permet de donner à l’entreprise des perspectives à moyen et long terme.

En quoi l'innovation permanente fait partie de la culture de votre entreprise ?

Notre métier d'ingénieur lié à la construction fait que l'innovation est permanente et indispensable.

Elle est conduite de 2 manières :
– dans le cadre de programmes de recherche et développement décidés par la direction de l’entreprise au niveau stratégique,
– au quotidien, de manière très décentralisée, dans le cadre de toutes les affaires que nous conduisons, où l’innovation est réellement inspirée par nos clients et mise en œuvre par nos collaborateurs dans ce lien de proximité qui les lient à leurs clients.

En quoi la Fondation d'Artelia vous tient-elle à cœur ? Quel est le lien avec l'activité "classique" ?

La Fondation a été créée en 2005. Elle est née de la rencontre entre deux démarches :
– celle de la direction qui souhaitait partager le succès de l’entreprise avec ceux qui peuvent en avoir le plus besoin,
– celle des salariés qui interviennent dans le domaine de la construction, notamment à l'international dans des pays relativement pauvres, où l'alimentation en eau, l'assainissement, l'habitat, le transport sont des enjeux de développement fondamentaux. Les collaborateurs éprouvaient le besoin de prolonger leurs activités purement professionnelles, par quelque chose de plus personnel dans lequel la dimension du don serait plus importante.

C’est la rencontre de ces deux démarches qui s’est concrétisée dans cette Fondation.

Le cœur de la Fondation est le mécénat de compétence. Les collaborateurs qui le désirent peuvent ainsi donner de leur temps et faire profiter de leurs compétences professionnelles les associations ou ONG avec lesquelles la Fondation entre en contact.

Cela remet en perspective dans l'entreprise le sens du partage de la réussite. L'entreprise doit gagner de l'argent, c’est la condition indispensable à sa survie. Mais une fois le profit réalisé, l’entreprise a le devoir de partager.

Les gens donnent leur temps. L'entreprise donne les moyens financiers. Cela permet de remettre en perspective la notion de don et de gratuité dans une entreprise soumise à des contraintes économiques fortes.

Dans quel sens peut-on parler de gratuité dans le travail, dans le monde de l'entreprise ? 

Cela peut sembler paradoxal dans un milieu où l'on a l'impression que tout se paie. La gratuité se manifeste en fait beaucoup dans l'entreprise. Dans une entreprise de conseil, nous n'avons rien d'autre à vendre que le temps et les compétences de nos collaborateurs. Le temps est ce qu'il y a de plus précieux dans l'entreprise, c’est son unique capital.

La gratuité chez nous s’exprime donc par la capacité que chacun peut avoir de donner son temps. Un ancien qui donne son temps pour un plus jeune, un collaborateur très pris par ses affaires qui va être capable de donner son temps pour aider un de ses collègues, un ingénieur qui donne son temps à une assistante pour l’aider à finaliser un rapport… La gratuité est en fait partout dans l’entreprise et elle est même fondatrice de l’entreprise, c’est elle qui permet à l’entreprise de rester une véritable communauté humaine.

Quelles pistes d'améliorations avez-vous pour votre entreprise ?

Le sujet qui revient très régulièrement dans tous nos comités est l'internationalisation. On ne peut pas échapper à la mondialisation. Certes, elle comporte des dérives graves, mais elle est aussi porteuse de beaucoup d'espoirs. C’est elle qui permet à beaucoup de pays qui étaient en marge de revenir dans le jeu économique mondial, au détriment d'un occident tout puissant, qui voit désormais sa position privilégiée menacée. Il ne faut donc pas diaboliser la mondialisation, mais essayer de limiter ses travers pour qu'un maximum de gens puisse en profiter.

Il ne s’agit plus de se demander si la mondialisation est un bien ou un mal. Elle fait aujourd’hui partie de notre environnement quotidien et l’entreprise n’a pas d’autre choix que de s’y adapter et de s'internationaliser.

La question du multiculturalisme est cruciale pour Artelia, avec 3 200 collaborateurs, dont 2 400 en France et 800 dans ses filiales internationales. Nous devons trouver comment mettre en relation les compétences dont nous disposons dans le monde avec celles de nos équipes basées en France. Aujourd'hui, nous n'avons pas le mode d'emploi complètement écrit. On découvre en avançant. C'est l'enjeu le plus important des années à venir.

La clef est la découverte réciproque des compétences et des savoir-faire, ce qui revient finalement à la découverte de l'autre. Chaque personne du groupe, quelle que soit son origine, doit être valorisée. La dimension humaine est fondamentale, vitale, et en même temps très compliquée. Voilà le principal défi d'Artelia dans les 10 à 15 prochaines années.

Le site du groupe : http://www.arteliagroup.com

Pour plus d'information sur le groupe Artelia, voir l'article du  05 juin 2009 :
http://www.lejournaldesentreprises.com/editions/38/actualite/entreprise-du-mois/sogreah-une-reussite-collective-et-partagee-05-06-2009-71162.php

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1 Commentaire

  1. Beaucoup travaillé avec Artelia sur la construction de Cité de Cinéma de Luc Besson (où j'intervenais comme ingénieur conseil).

    Des gens compétents et qui avaient l'air heureux de travailler. Ce n'est pas si fréquent que cela de nos jours !…

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