Farida Belghoul est née en 1958 à Paris, de parents algériens, et a été une des figures marquantes de la deuxième génération d’immigrés dans les années 80. Romancière, cinéaste et journaliste, elle a participé activement au Collectif jeunes dans la région parisienne qui s’est mis en place pour soutenir l’initiative de la « Marche des beurs » en 1983, issue de la région lyonnaise. Aujourd’hui mère de trois enfants, et après 28 ans de silence, elle parle de ce qu’elle a vécu dans une interview accordée à "Egalité et Réconciliation" et fait un parallèle intéressant entre la manipulation qu'a été la "Marche des beurs" dans les années 80 et celle que représente aujourd'hui le mariage gay.
Après s’être engagée avec tout son enthousiasme pour dénoncer la violence dans les banlieues et les difficultés des jeunes issus de l’immigration, elle se démarque du mouvement "SOS racisme" qui voit le jour et refuse d’être la gentille beurette de service lorsqu’elle est invitée à une conférence à l’Unesco organisée par le MRAP. Elle, adhérente aux Jeunesses Communistes, dit ce qu’elle pense, fermement et librement, dénonce le repli communautariste, la langue de bois et la dérive idéologique des mouvements anti-racistes. Elle revendique quelque chose qui dérange, car plutôt que de promouvoir le “vivons ensemble avec nos différences”, elle affirme “vivons ensemble avec nos ressemblances, quelles que soient nos différences". Elle est ovationnée, mais refuser de pactiser avec la vacuité des discours du MRAP, puis elle quitte les Jeunesses Communistes lorsqu’elle voit son parti se démettre devant les socialistes.
Elle crée sa propre Association, “Convergences 84” qui réunit des milliers de manifestants pour cinq routes, à mobylette, et elle se rend compte en traversant les quartiers des banlieues que les gens ne viennent pas. Ce sont toujours des réunions entre militants convaincus, les quelques anti-racistes engagés, mais pas les gens des quartiers. Elle perçoit que quelque chose ne va pas et qu’une récupération politique évidente du parti Socialiste est derrière tout cela. Son courage est d’autant plus méritoire qu’elle est indépendante et n’a jamais voulu être subventionnée pour pouvoir rester libre. Le financement des cinq routes à mobylette aura été rendu possible uniquement grâce aux dons privés des personnes touchées par son initiative et ils seront nombreux puisqu’ils permettront d’assurer l’achat des mobylettes et de couvrir tous les frais de cette “dernière marche”. Car pour Farida Belghoul, ce sera la dernière. Tout ce qu’elle a vu et entendu, ne lui permet plus de continuer. Un jeune beur du quartier des Minguettes à Lyon vient lui-même vérifier si, elle aussi, est récupérée. Il restera dans “Convergences 84” jusqu’à la mémorable gifle qu’il administre à un anti-raciste politisé qui lui déclare, “Sans nous, vous ne seriez pas là”…
Sa prise de position se fait dans un véritable déchirement intérieur, mais elle ne peut faire autrement : "Je me suis retrouvée à devoir choisir entre mes amis et la vérité". Elle choisit la vérité.
Aujourd’hui, grâce au recul, elle va plus loin et nous livre avec franchise toute la finesse de son analyse. Après avoir pris conscience de l’analogie entre la situation sociale et économique de 1983, — où Mitterrand se trouvait en grande difficulté après avoir déçu son électorat, vidé les caisses et conduit ainsi à la dévaluation du franc et au fameux "tournant de la rigueur" — et la nôtre d'aujourd’hui, où la politique socialiste détruit l’entreprenariat et fait fuir à l’étranger les créateurs d’emploi et les emplois, elle déclare :
"La “Marche des beurs" n’a existé que pour faire passer la pilule de toute cette austérité et de la fin du rêve socialiste. Elle n’avait pas comme motif réel de dénoncer les discriminations dont étaient victimes, à tort à ou raison, les jeunes des banlieues et leurs conflits avec la police. Il y a toujours des problèmes dans les banlieues aujourd’hui, mais cela n’a donné lieu à aucune “marche” depuis… Ni les Français, ni les immigrés n’étaient au cœur des dispositifs que le gouvernement socialiste mettait en place ! »
Continuant, elle fait une comparaison qui donne un éclairage très intéressant sur ce que nous vivons actuellement :
"Cette “Marche des beurs” a été une véritable manipulation, et elle a eu le même rôle que le mariage gay aujourd’hui. Elle a été conçue pour endormir le peuple de France, pour l’entraîner dans un enthousiasme œcuménique et empêcher, de ce fait, que l’on soupçonne le parti socialiste de mener une politique qui n’était pas du tout en faveur du peuple français. Seuls les beurs pouvaient permettre au Gouvernement socialiste et à Mitterrand de se donner une caution de gauche en prétendant changer les choses.
On met en place une question sociétale qui est le mariage gay pour évacuer les vraies questions, pour faire taire la France et pour l’amener à rêver à un modus vivendi plus agréable, plus soft, plus moderne, pour cacher les réalités économiques et politiques mises en place pour brader la France. Mais les homosexuels aujourd’hui sont un simple instrument comme l’étaient les Beurs il y a vingt ans. »
Serge Malik dans son livre “Histoire secrète de SOS Racisme” nous montre comment cette Association a été montée de toutes pièces, directement à l’Elysée, en lien avec l’Union des Etudiants Juifs de France. Aujourd’hui “SOS racisme” vit toujours et Harlem Désir est désormais le premier secrétaire du Parti Socialiste, mais le mouvement Beur est quasi inexistant…
Depuis 2008 Farida Belghoul est présidente de l’Association REID qui propose une solution à l’illettrisme des jeunes dans les quartiers populaires, par le biais de la scolarisation à domicile. Elle a elle-même choisi de scolariser ses propres enfants à domicile.
« Ce qui est important me semble-t-il aujourd’hui, n’est pas de se limiter à lutter contre l’adversaire, mais de développer ce que nous sommes en termes positifs, et le présenter en termes positifs en valorisant les principes de bonté, de générosité, de loyauté et de fidélité. Sans le respect de ces principes-là il n’est pas de politique légitime. »
Merci pour ce très bon article qui nous aide à analyser les évènements avec un autre angle de vue . Je ne reviens pas sur les différents parallèles tous plus pertinents les uns que les autres. Je crains cependant que cet argument du "feu de poudre" nous fasse négliger certains aspects:
– le mensonge organisé de nos dirigeants pour masquer des réalités honteuses est certes un énorme déni de la démocratie, mais aujourd'hui le véritable affront est dans le refus catégorique de nos médias de donner une place à ce mouvement populaire d'une part; et dans l'usage disproportionné de la violence, l'intimidation, et le simulacre de justice d'autre part.
– le mariage gay participe de ce que les russes appellent désormais la "propagande homosexualiste" qui fait l'objet d'un agenda international parfaitement orchestré, dans lequel le gouvernement s'insère à moitié par opportunisme (ne pas être à la traine sur le sujet), à moitié par contrainte (ces lobbys sont très puissants et ont des moyens d'obtenir gain de cause).
La comparaison est donc très éclairante et en même temps incomplète
Pour avoir habité justement aux minguettes, je pense qu'il y a effectivement un décallage entre "l'idéal" de "vivre ensemble" socialiste, et les différentes cultures souvent bien plus radicales.