Alexandre Morard 12 juillet 2013
Temps de lecture 4 mn
Ce dimanche 7 juillet 2013 a débuté la 6ème édition du Red Bull X-Alps. La X-Alps est une compétition internationale de vol-bivouac. Les 32 athlètes, de 21 nations différentes, doivent rejoindre Monaco en partant de Salzburg avec pour seuls moyens leurs jambes ou leur parapente. En tout quelques 1’000 km à parcourir pour cette année (200 de plus qu’en 2011)… Attention ! Ces kilomètres représentent la distance à vol d’oiseau de l’itinéraire choisi par l’organisateur.
Comment ?
Les règles sont assez simples, le challenge plus compliqué !
Les compétiteurs doivent donc traverser le massif alpin de Salzburg à Monaco en suivant un itinéraire légèrement imposé que l’on appelle des turnpoints[1]. En dehors de ces points de passage obligés les pilotes choisissent leur itinéraire.
Il ne leur est accordé que le droit de marcher ou de voler de 5 h jusqu’à 22 h 30, la fin du temps de vol étant fixée à 21 h pour des raisons de sécurité. Cette année le règlement leur permet d’avoir une “night pass”, c’est-à-dire de choisir une nuit durant laquelle ils peuvent marcher pour mettre de la distance ou pour rattraper le retard sur les autres concurrents.
Ils doivent porter tout leur matériel de vol lorsqu’ils marchent. Impossible de prendre des raccourcis (pas de tunnel sous les Alpes par exemple) ou d'utiliser d’autres moyens de locomotion.
La compétition s’arrête 48 h après l’arrivée du premier coureur.
La compétition se fait à deux ou à trois. Il y a le “marcheur-pilote” et l’assistant. Ce dernier suit son compétiteur avec la logistique nécessaire : nourriture, vêtements, logement etc. Il est partie prenante de la course, non seulement pour la logistique mais aussi pour la stratégie de course et pour assurer son coureur en cas de risque : par exemple si la marche doit se faire sur un glacier.
Le challenge : Cela semble, à première vue, simple comme compétition. Le matin : marche jusqu’au sommet le plus haut. Puis décollage, vol le plus loin possible, atterrissage, repas et repos.
Dans les faits tout est bien plus compliqué. Il s’agit de compter avec la météo : un ciel couvert, de la pluie annoncent de la marche. Le soleil, lui, annonce des courants d’air chaud – thermiques – qui permettent de voler et de faire de la distance. Seulement il faut trouver ces thermiques, choisir le bon côté de la montagne, tourner autour avec le soleil. Et puis il faut aussi compter avec le vent, la topographie… Les conditions météorologiques varient beaucoup dans les Alpes, elles ne suivent pas toujours les infos générales de Mr. Météo.
Il s’agit donc, pour le tandem, d’avoir une stratégie en fonction de la météo, de la possibilité de marcher vite etc. Il faut également faire avec les difficultés et erreurs quotidiennes : comme “devoir se vacher[2]” au fond d’une vallée ou oublier les lois qui régissent le vol et qui peuvent valoir des pénalités de la part de la direction de course – en 2011 le vainqueur a été obligé de stopper sa course pendant 24 h pour avoir franchi une zone aérienne réservée.
Il ne faut pas non plus oublier de vérifier le positionnement des autres compétiteurs. Toutes les 72 heures un concurrent est éliminé et 48h après l’arrivée du premier la course est arrêtée.
Genèse
La première compétition “X-Alps” a eu lieu en 2003. Cette course vol-bivouac habitait l’esprit de Hannes Arch[3], pilote autrichien, depuis 2001. Cependant le vol-bivouac est bien antérieur à cette date.
Tout a commencé en 1984 au retour d’un vol de plusieurs centaines de kilomètres. Le pilote, Didier Favre, lassé de faire ses retours en voiture, rêve de les faire en volant. Très vite ce rêve prend la forme d’un défi lancé à tout deltiste intéressé : faire 444 kilomètres dans les Alpes avec pour seuls moyens, son aile et ses jambes… sans assistance : le vol-bivouac était né[4].
Didier sera le premier à réaliser ce qu’il a lui même appelé le “Cap 444”. Pendant des jours il portera son aile et le matériel nécessaire, soit 45kg, vers les meilleures places de décollage.
Didier Favre Cap 444 from Claudio vosti
Peu à peu cette façon de voler c’est répandue dans le monde du vol libre, surtout chez les parapentistes. Car le matériel que ces derniers utilisent est bien moins lourd et plus facilement transportable qu’une aile delta.
Quelques résultats…
Mais revenons à notre compétition. Pour la première édition (2003), il y avait 19 participants et deux turnpoints. Trois d’entre eux sont parvenus à Monaco en un peu moins de 12 jours pour le premier.
En 2007, 30 participants et 5 turnpoints. 5 équipes sont arrivées à Monaco, 12 ont été éliminées pendant la course. Le vainqueur a parcouru 1488 km, 900 en vol (61%) et 588 à pied (39%) alors que la distance à vol d’oiseau était de 838 km. Il est à relever que le second, Toma Coconea, a parcouru seulement 24% de sa distance en vol, le reste il l’a fait à pied (plus de 1000 km).
En 2011, 2 pilotes sur 30 ont fini la course, la moitié des équipes ont été éliminées. Christian Maurer a remporté la victoire en 11 jours en ayant eu une pénalité de 24 h. Il a volé 73% de la distance soit 1321 km en l’air pour 486 sur ses jambes. Son second, Toma Coconea, a, quant à lui volé 46% de la distance ce qui lui fait 981 km de marche pour 826 de vol.
Depuis le début de cette compétition les Suisses tiennent les premières marches du podium : 6 victoires, 2 deuxième place…
Cette année Christian Maurer défend son titre et se bat pour le record de trois victoires consécutives. Au moment où j'écris ces lignes, il est en tête avec une trentaine de kilomètres d’avance – des cacahuètes sachant que ces pilotes sont capables de faire plus de 200 km en l’air en une journée. Les team français 1 et 2 ainsi qu’une équipe italienne le talonnent… quant à Toma Coconea, en 9ème position, il “run, run”.
Lien du site : http://www.redbullxalps.com
Pour suivre les compétiteurs en temps réel : http://www.redbullxalps.com/live-tracking.html
[1] Les turnpoints sont des points donnés par l’organisateur que chaque pilote est obligé de passer. Ex : Glacier du Dachstein (Au) ; Ortler (It) ; Cervin (Ch) ; Mt-Blanc (Fr).
[2] la vache : il s’agit d’un atterrissage obligé, en principe dans un petit coin perdu, à cause de problème matériel ou météo.
[3] http://www.hannesarch.com/about/profile.html
[4] Le Vagabond des airs, Didier Favre, Terres d’Aventure, Ed. Acte Sud, 1990
Incroyable!!
En 2 jours Christian Maurer a passer de 30km à 150 km d'avance sur le second. Il a fait 1963 km, 1788 en vol et seulement 175 de marche. Le second, l'anglais Chambers, a fait 1219 km, 933 en vol et 286 de marche. A moins d'un incident Christian gagnera la course… le défi se joue pour les 2ème et 3ème places… Anglais, Français, Italiens, Suisse et Coconea se battent au coude à coude…
Christian Maurer est arrivé avec le temps record de 7 jours et quelques heures pour réaliser 2288 km, 268 en marchant et 2556 en volant. Il laissait derrière lui les français Latour et Girard (arrivés en deuxième et troisième positions) et l'anlgais Chambers à 260 km.Les derniers du classement étaient à plus de 700 kilomètres derrière lui.