Il y a des évènements qui marquent notre mémoire pour toujours de par leur ampleur et leurs implications sur le monde ou nos vies. Pour des raisons évidentes, beaucoup de personnes se souviennent où ils étaient lors de l’attaque du 11 septembre 2001 par exemple. De même, je me souviens parfaitement du 15 Septembre 2008, jour où la banque Lehman Brothers a annoncé sa faillite, Chapter 11 comme l’appellent les américains.
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Avec un groupe d’étudiants de ma Business School, nous étions devant CNN, tendu vers les nouvelles, le Financial Times en main comme si le fait d’avoir toujours plus d’informations sur la crise qui arrivait allait résoudre la situation. Nous venions d’intégrer cette école avec l’espoir d’avoir de nombreuses possibilités de carrières. Un peu comme ces caricatures de traders dans les films, le monde nous appartenait ou en tout cas allait nous appartenir dans 10 mois.
Puis la nouvelle est tombée. Blêmes nous réalisions tous que le rêve venait de prendre fin. Nous assistions en direct à la plus importante faillite de tous les temps[1] ; 600 milliards d’actifs à risque soit plus de 2 fois le budget annuel de la France ! Entre les images de banquiers au regard vide sortant du fameux immeuble de la 49ème rue à New York avec leur boîte en carton et les commentaires des experts en tous genres, les jours qui suivirent le 15 septembre 2008 furent l’occasion d’une avalanche d’informations.
Qu’avons-nous fait de cette faillite ? Quelle en a été la raison profonde ?
Ici et là, Il est question de « dématérialisation » de l’économie, d’avarice, d’égoïsme, de gestion au trimestre pour faire plaisir à la bourse et aux investisseurs. Il me semble néanmoins que ces descriptifs justes ne sont que des conséquences. La cause est ailleurs et ironiquement elle pouvait être lue au détour de l’édition du Financial Times du 12 septembre dernier. Gary Silverman, rédacteur en chef adjoint, a publié un petit article de quelques paragraphes, on ne peut plus courageux : « We need a bit more love on Wall Street »[2] qui pourrait se traduire par « Wall Street a besoin d’un peu plus d’amour » sous-entendu « pour fonctionner correctement ».
Il y explique et démontre comment, dans les années qui ont précédé la chute de Lehman Brothers, la banque avait peu à peu perdu son rôle de mise en relation dans l’optique d’aider ses clients au profit d’un rôle de maximisation du profit en partie au détriment de ses clients. En somme, il s’est opéré un basculement du « servir » au « se servir de ».
Cette dynamique a conduit à la création d’outils dont peu de personnes savaient sur quoi ils reposaient de façon tangible. Par un effet de cliquet, les outils se sont servis d’autres outils et le jour où l’outil premier ne reposait plus sur rien, tout l’édifice s’est effondré au détriment des clients et des banquiers eux-mêmes.
Et l’amour dans tout ça ?
Gary Silverman conclut en expliquant de façon éloquente que si certains banquiers faisaient preuve de plus de curiosité, de plus d’engagement, de responsabilité et de préoccupation envers leurs clients, alors une autre situation comme celle que nous avons vécue il y a 5 ans pourrait être évitée. Engagement, responsabilité, préoccupation, intérêt pour les personnes ne sont-ils pas des attributs naturellement associés à l’amour ?
Vraiment « We need a bit more love on Wall Street » et peut-être pas seulement là mais aussi dans mon travail et dans le vôtre…
Très bon article, merci. Aristote le disait : la finalité du sculpteur est le client…
C'est tout bête, mais ça change tout ! Il est des évidences qu'on ne saurait trop souligner.
Meric à Clément pour cet article qui a le mérite de montrer combien le manque d'éthique et de compassion peut avoir des conséquences directes sur la vie de millions de personnes. Si j'ai bonne mémoire je me souviens aussi que Lheman Brothers a plus ou moins été lâché par le Trésor Américain dirigé alors par un ancien d'une institution financière concurrente. Avec le recul sa mise en liquidation n'était pas inéluctable. Sur le moment il a sans doute manqué ce "bit more love" dont parle Gary Silverman.