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Sœur Angélique Namaika en RDC : Après l’urgence, on fait quoi ?

Lorsque j’ai vu entrer Sœur Angélique dans le grand auditoire des droits de l’homme de l’Université de Genève, elle m’est apparue si frêle et si petite. Que peut bien faire ce petit morceau de femme face à la détresse et à la complexité de la situation au nord-est de la République démocratique du Congo ?, me suis-je dit. Et puis elle s’est assise au milieu de ces pontes des institutions internationales et elle a souri. Et là, elle n’était plus seule, elle n’était plus si petite et frêle dans son boubou vert mais remplie d’une force et d’un amour infinis.

RDC. Cela sonne comme un nom familier, souvent évoqué dans les médias mais dont on ne sait finalement que peu de choses. Un pays en Afrique ? La région des grands lacs (Burundi, Ouganda, RDC et Rwanda) ? C’est en résumé ce que l’on peut dire spontanément de la RDC. Peut-être ajoutera-t-on Joseph Kony et son Armée de Résistance du Seigneur pour ceux d’entre nous qui ont les mémoires les plus fonctionnelles ! Un ami originaire du Rwanda, petit pays frontalier de la RDC, me disait que la région, sa région, était tellement belle que Dieu venait s’y reposer pour fermer Ses yeux. Une manière poétique mais douloureuse de rappeler l’oubli dans lequel est tombée cette partie du monde. Jan Egeland, assis auprès de Sœur Angélique, ancien Secrétaire général adjoint des Nations Unies chargé des affaires humanitaires, n’a pas hésité à qualifier la situation dans la région du nord-est de la RDC comme étant la crise humanitaire la plus négligée du monde. Depuis la fin des années 80, le conflit généré par la présence de l’Armée de Résistance du Seigneur a engendré le déplacement de plus de 2,5 millions de personnes, soit au plan interne soit au plan international, en Ouganda, au Sud Soudan, en RDC et en République Centre Africaine (voir les chiffres du dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies du 3 mai 2013, S/2013/261). La province orientale de la RDC et plus particulièrement le district du Haut-Uélé où vit Sœur Angélique accueille le plus grand nombre de déplacés internes estimés à environ 320 000 personnes. Quoique toute la RDC ait souffert des exactions de l’Armée de Résistance (aujourd’hui en net déclin), la violence et l’ampleur des sévices exercés dans la province orientale (dont Sœur Angélique a dépeint avec pudeur les grandes lignes)  ont généré un traumatisme psychologique sérieux et une réelle résistance des déplacés à rejoindre leurs villages d’origine. La pauvreté latente de la région ainsi que les services publics limités font ainsi de la question des déplacés internes un réel challenge humain et social. C’est dans ce contexte qu’agit au quotidien Sœur Angélique.

Un conflit qui dure depuis plus de 25 ans, une crise humanitaire qui a conduit sur une même période au déplacement d’un peu plus de 2 millions de personnes ne peut plus être qualifiée d’urgence humanitaire. Non, ce n’est plus une urgence, c’est un état de fait. La tentation est grande alors de détourner le regard, de mettre son énergie dans une situation plus récente ou actuelle, avec la gratification intellectuelle de se dire, là, dans ce cas, je peux encore agir, avoir un impact concret. Mais face à une situation du type de la RDC, la torpeur semble de mise. « Que puis-je faire ? Ca ne sert plus à rien d’agir ou de s’investir. Tout ceci relève de la responsabilité des Etats, de la communauté internationale »… Autant de questions et réflexions qui s’imposent à nous. En un sens, il y a une part de vérité dans ces réflexions. Mais quelle belle manière également de se dédouaner et de se déresponsabiliser ! C’est à ce moment précisément que l’exemple et l’action de Sœur Angélique prennent tout leur sens. Sœur Angélique est bien plus que cette femme qui passe de villages en villages en bicyclette, que cette femme qui console et écoute ces jeunes filles ou enfants qui ont été violés, forcés à tuer, méprisés, déshumanisés, elle est bien plus que cette femme qui offre aux femmes déplacées des formations de couturières ou pâtissières pour développer compétences et autonomie, elle est un signe d’espoir, l’exemple offert à la terre entière que chacun, même les plus petits et frêles d’entre nous, a le pouvoir, la capacité de s’investir et de changer son environnement proche.

Sœur Angélique s’est vu offrir, le lundi 30 septembre, le Prix Nansen 2013 du Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, récompensant un individu ou groupe d’individus, ou une organisation qui travaille avec des personnes déplacées. Les 100 000 dollars qu’elle recevra, elle les investira pour le bien-être de ces femmes dont elle a décidé, seule, de s’occuper à un moment où la tentation de baisser les bras face à la démesure de la situation était grande. Sœur Angélique est ainsi un témoignage vivant et un appel à la responsabilité individuelle : le poids de l’action ne repose pas toujours sur son voisin, sur l’Etat ou sur la communauté internationale. Après l’urgence, peut être même a fortiori, il est encore possible d’agir.

d'Elodie Tranchez

 

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