de Claire Lefranc
Gersende Perini débute le piano et le violoncelle dès l'âge de 4 ans, pour être ensuite formée par un grand nom du violoncelle français : Emmanuelle Bertrand. Depuis deux ans, Gersende partage sa passion pour la musique argentine tout en donnant des cours au conservatoire de Bougival : de là naît le Cuarteto Lunares. Supportés et encouragés par de grands musiciens tels que Juanjo Mosalini et Victor Villena, le Cuarteto Lunares s'inscrit dans la continuité de l'explosion créative qui à lieu actuellement dans le monde du Tango. Pour Gersende, la musique et le violoncelle sont aussi un moyen de servir l'humanité de ceux qu'elle rencontre.
Le Cuarteto Lunares
La musique est un élément qui fait partie de ma vie depuis que je suis toute petite : je suis fille de parents musiciens.
En quoi la musique a-t-elle ouvert en toi le désir de vivre la compassion ?
La musique est indéniablement partage… c'est mon travail mais c'est un travail un peu hors norme, qui mêle toutes sortes de sentiments des plus égocentriques aux plus ambitieux, ce qui peut parfois nous détourner facilement de son premier rôle. En effet, le danger est d'en oublier l'essence même. Prendre la décision de partir pendant des mois pour aller aider des gens, c'est un peu compliqué pour un musicien, car sans son instrument il n'est plus grand chose… Je crois que, lorsque je joue ma musique sur scène, je fais vivre quelque chose de fort aux autres par le simple fait que je joue de la musique. Mais est-ce que je fais bien l'effort de le faire à fond. Est-ce qu'à chaque fois que j'utilise mon violoncelle c'est pour aller jusqu'au bout de mes intentions ? Je pense ne pas encore réussir à m'abandonner entièrement à la confiance que je dois mettre au service de la musique. Alors pourquoi ne pas essayer de justement m'abandonner le temps de quelques mois au service des autres pour commencer ? Je cherche la compassion pour pouvoir m'en servir au travers du violoncelle.
En quoi te donner en jouant est-il un bien pour les autres ?
Le violoncelle fait partie de ces instruments qui – étant très proche de la voix humaine et donc proche de l'humain – a ce pouvoir de brancher les auditeurs sur la même longueur d'ondes ; Bach en a fait la preuve avec ses six suites qui mettent tout le monde d'accord tant elles sont parfaitement écrites pour l'instrument. Lorsque je prends mon instrument pour jouer en concert, quel que soit l'endroit, dans un église ou un théâtre, ma volonté est de pouvoir rentrer en communion avec le public ; s'il n'est pas là, je ne suis pas là et il se passe toujours quelque chose de très particulier au cours d'une représentation qui peut rarement et difficilement se produire lorsque je suis seule dans ma chambre face à mon pupitre ! Parce que le public fait partie de la transmission ; mon devoir est de la partager avec lui.
Il y a une part de défoulement dans la manière de donner sa musique, qu'il soit physique ou émotionnel. Après un concert, je suis physiquement épuisée mais émotionnellement je sais que ma place était là à ce moment précis et que si je suis allée au bout de mes intentions musicales en me laissant guider avec confiance, je ne me suis pas trompée de chemin dans mon devoir de transmission.
En quoi la musique est-elle beauté et consolation pour toi et pour ceux qui t'écoutent ?
La musique est l'art qui rassemble, qui parle et fait passer des messages. J'ai un exemple récent de la beauté et la consolation que peut apporter la musique. Cet été, j'étais aux JMJ du Brésil. Là-bas, impossible d'emmener mon violoncelle : payer une place de plus dans l'avion aurait été déraisonnable ! Alors, à la fin de notre semaine missionnaire dans un petit village de montagne – Ouro Preto – avec une amie nous sommes invitées à passer nos quelques dernières heures de cette soirée chez deux sœurs musiciennes, jouant chacune du violon, de la flûte à bec et de la guitare ! Bien sûr, elles chantent aussi parfaitement avec ce grain de voix qui vient de là-bas…. N'ayant donc pas mon instrument sous la main, je prends un violon et le place en position de violoncelle. C'est mille fois plus petit mais j'ai quand même fait de la musique ! Nous avons joué jusqu'à deux heures du matin sans nous comprendre verbalement. C'était simplement magique. La consolation est de savoir que, quoi qu'il arrive, la musique est éternelle…
Pourquoi le tango ?
Dans mon parcours musical, il y a eu trois rencontres avec des personnes et puis il y a eu le tango argentin. Avec la rigueur du classique et la liberté qui nous est donnée dans le Jazz, ce genre de musique est arrivée au moment précis où je me posais des questions essentielles quant à mes directions avec le violoncelle. Dans cette musique j'ai le "droit" de m'exprimer. C'est une musique puissante dans ses émotions, elle pousse chacun à l'extrême : c'est une explosion permanente et sortant des conservatoires, j'étais en attente de cela.
Cuarteto Lunares – Enigmatico
Cuarteto Lunares et ses invités
A Rainmaker, I don't wanna go (live)