Il y a quelques jours est paru sur le blog allemand Die freie Welt une réflexion intéressante sur l'enjeu géostratégique qui apparaît en arrière-fond de crises politiques et des guerres de ce début de XXIème siècle. Nous vous proposons la traduction de l'intégralité de l'article.
CC BY Eric Kounce
Les matières premières sont la base de notre civilisation industrielle. Ceux qui les contrôlent dominent le monde. Les Etats-Unis ont même rendu leur monnaie dépendante du pétrole. Si l’empire du pétrodollar s'écroule, les Etats-Unis auront un problème.
On prend le pouls de notre époque aux pipelines. Ils sont les artères de l’économie mondiale. Qu’on ferme le robinet et nous nous retrouverons directement au Moyen Âge. Sans les matières premières comme le charbon, le gaz naturel et le pétrole, tout ce qui fait notre société de consommation est impensable. Notre dépendance de ces sources d'énergie est existentielle.
Depuis l’Ukraine, la Syrie, l’Iran, la Libye, l’Afghanistan jusqu’au Venezuela : presque toutes les crises politiques et les guerres par procuration de ce début du XXIème siècle sont liées à la lutte pour les énergies fossiles et leurs axes commerciaux. Pendant que les médias mettent en scène le combat en faveur de la démocratie et des droits de l’homme, les politiciens et les grandes entreprises négocient en arrière-cour les positions géostratégiques sur le « Grand Chessboard » (le grand échiquier), comme Brzezinski l’a formulé. Le contrôle du marché global du pétrole et du gaz y a une importance de premier ordre.
L‘ âge des matières premières fossiles
Après l’âge de pierre, l’âge de bronze et l’âge de fer, les archéologues de l’avenir classeront notre époque comme l’âge de l’hydrocarbure. Les hydrocarbures se retrouvent en premier lieu dans les matières premières que sont le charbon, le gaz et le pétrole.
Avec l’invention de la machine à vapeur, le charbon était au 19ème siècle la ressource énergétique la plus importante de la Révolution industrielle. S’y ajoutèrent le pétrole et le gaz naturel. Puis les nouvelles découvertes dans le domaine de la pétrochimie ont, depuis la deuxième moitié du XIXème siècle, lancé l’industrialisation dans une nouvelle ère. Les hydrocarbures sont, pour ainsi dire, cette matière magique qui se transforme en n’importe quelle matière artificielle et combustible. Ils sont l’énergie et la matière de notre mode de vie moderne.
Les hydrocarbures des énergies fossiles imprègnent notre vie quotidienne
Le mazout et le gaz naturel nous réchauffent. Le fioul lourd, le diesel, le kérosène et l’essence assurent notre mobilité. Même celui qui préfère son vélo et utilise l’énergie solaire ne peut pas faire l’impasse sur le monde des énergies fossiles. Notre bien-être est littéralement dépendant d’eux. Presque toutes les matières artificielles, le plastique et le caoutchouc de notre quotidien sont fabriqués à partir d’hydrocarbures : acrylique, PVC, Polyéthylène, Polycarbonate, Polypropylène …
Que ce soient les cosmétiques ou la pharmacie, les jeux ou les appareils électroménagers, les ordinateurs ou les téléphones portables, les emballages alimentaires ou l’encre d’imprimerie, les chaussures de sport ou les collants en nylon : nous sommes redevables d’une grande partie de nos biens de consommation quotidiens à la pétrochimie. La quasi totalité du développement technique des 150 dernières années serait impensable sans son apport. De même, l’apport des produits de la pétrochimie est devenu indispensable pour l’agriculture, qui en a besoin depuis la fabrication des engrais chimiques jusqu’au transport des produits alimentaires. Nous sommes redevables de la diversité des produits alimentaires de nos supermarchés au pétrole.
L’Amérique, pour le meilleur et pour le pire, a lié le dollar au pétrole
Depuis 1973, l’étalon-or a vécu. Déjà en 1971 le président Nixon avait annoncé la fin de la convertibilité en or du dollar. Cette annonce entra dans l’histoire sous le nom de "Choc-Nixon".
Depuis cet événement, le dollar est lié au pétrole. Cela a commencé avec l’OPEP et est finalement devenu le modèle mondial. C’est parce que le pétrole et le gaz sont commercialisés en monnaie américaine que la demande du dollar reste très élevée. C’est ainsi que la Réserve Fédérale (FED) peut injecter des quantités importantes de billets verts dans le circuit mondial sans que l’inflation dérape hors de tout contrôle. On comprend que Washington voit d’un mauvais œil les « Etats crapuleux » se rebeller contre le pétrodollar.
L’attaque de la Libye contre le Pétrodollar : le Dinar-Or de Kadhafi
La Libye a accumulé pendant des années des réserves d’or pour former une nouvelle base standard de l’or : le Dinar-Or. Déjà en 2011 Muammar al-Kadhafi avait annoncé que le pétrole libyen ne pourrait plus être acheté que contre cette monnaie. Il avait alors demandé aux autres pays exportateurs de pétrole d’Afrique et du monde musulman de suivre son exemple. Sa devise était « Gold for Oil ». On connaît maintenant le destin qui l’attendait.
Le retrait de Saddam Hussein du Pétrodollar
Saddam avait annoncé en 2000 son projet de ne plus vendre le pétrole irakien contre des dollars mais en euros. Cette annonce n’a évidemment pas plu aux américains.
Dick Cheney, président du conseil de surveillance et CEO de Halliburton de 1995 à 2000, entreprise américaine majeure du secteur énergétique, avait d’autres projets pour l’Irak. À cette époque, Halliburton faisait déjà des affaires avec l’Irak et l’Afghanistan. Le jeu d’échec géostratégique des faucons de Washington s’était depuis longtemps focalisé sur le combat pour le pétrole du Moyen-Orient, dans la ligne des think tank néoconservateurs "Project for the New American Century (PNAC)" et "National Energy Policy Development Group (NEPDG)".
C’est alors qu’est arrivé le 11 septembre. La même année commença l’intervention militaire en Afghanistan, la guerre en Irak deux ans plus tard. La soi-disant raison de cette guerre, la possession irakienne d’armes de destruction massive, s’est révélée un mensonge. Et dès l’occupation des champs de pétrole, l’exportation du pétrole irakien a été à nouveau faite en pétrodollar.
L’Iran et le pétrodollar
L’Iran possède d’immenses réserves de gaz naturel et la deuxième plus grosse réserve de pétrole au monde. Depuis 2003, l’Iran fait des préparatifs en vue de se séparer du pétrodollar et d’effectuer ses transactions dans une autre monnaie.
L’Iran a trop de poids pour faire l’objet d’une intervention militaire, mais les troupes américaines et celles de l’OTAN l’encerclent. Le souci des États-Unis c’est le programme atomique de l’Iran : un Iran armé de la bombe atomique serait aussi inattaquable et incontrôlable que la Corée du Nord. Les acheteurs du pétrole iranien sont des Etats tels que la Corée du sud, le Japon et la Chine.
La Chine et la Russie
L’industrie pétrolière russe à conclu des contrats très lucratifs avec la Chine. L’Empire du Milieu a besoin des ressources russes. Grâce à de nouveaux pipelines en Asie Centrale, la Russie peut détourner vers la Chine d’immenses quantités de gaz naturel et de pétrole, promis originairement à l’Europe. La Chine vient de détrôner les Etats-Unis de leur rôle de premier importateur mondial de pétrole et devient ainsi le partenaire privilégié de nombreux exportateurs de pétrole.
La réaction occidentale à la crise ukrainienne a renforcé l’orientation de la Russie vers le marché chinois. Dans le cadre de l’ "Organisation de Coopération de Shanghai" (OCS), ce n’est pas seulement la coopération économique et politique des deux Etats qui est renforcée mais aussi la coopération militaire. L’Iran a un statut consultatif à l’OCS.
La bourse chinoise "Shanghai Futures Exchange" a annoncé pendant ce temps que le commerce des contrats de pétrole (Future) ne se ferait désormais que dans la monnaie du pays, le Yuán Rénmínbì. La Chine a déjà décidé en 2012 de faire en sorte que toutes les bourses du pays puissent régler leurs transactions pétrolières en monnaie chinoise et non plus seulement en dollar américain. La Russie veut également passer au rouble.
L’Amérique du Nord désire son indépendance énergétique
Actuellement, le Canada et les Etats-Unis mettent tout en place pour permettre à l’Amérique du Nord d’être indépendante des importations de pétrole et de gaz et d’en exporter eux mêmes. C’est pourquoi les réserves pétrolières dans les sables et les schistes sont de plus en plus exploitées, notamment par la méthode de la fracturation hydraulique. Bien entendu le commerce de ces gisements se fait en dollars.
Mais ces projets ne suffisent pas pour assurer la stabilité à long terme du pétrodollar. Les groupes énergétiques américains vont continuer à essayer de se garantir des droits de prospection et des débouchés. Leur dernier mouvement sur l’échiquier : les tentatives de diverses entreprises énergétiques américaines pour exploiter le pétrole et le gaz de la Pologne et de l’Ukraine par la méthode de la fracturation hydraulique, ce qui permettrait de rendre le marché énergétique européen plus indépendant de la Russie et de l’attirer dans l’empire du pétrodollar. Même le gouvernement fédéral allemand a annoncé son désir de donner une nouvelle orientation à sa politique énergétique.
http://www.freiewelt.net/reportage/petrodollar-imperium-in-bedrangnis-10029083/
Voilà un article qui va permettre une réflexion approfondie sur ce qu’est la politique internationale, ses enjeux, ses acteurs, domaine ds lequel la plupart d’entre nous ne savent rien et ne veulent rien savoir, laissant au mainstream médiatique la décision de les abreuver de ses infos nauséabondes ….
Le dernier exemple étant évidemment les aboiements de ces dingues au sujet de l’Ukraine : pendant que Poutine, personnage sur lequel pas un d’entre nous n’aurait parié un rouble il y a seulement 5 ans compte tenu de ses origines et de son rôle ds l’enfer soviétique, tirait magistralement un trait sur ces projets incendiaires en rattachant la Crimée dont tout le monde sait qu’elle a toujours été russe, à ses racines ancestrales qui la protègeront de la folie des américano-atlantistes, bien plus sûrement que l’Europe ne protègera ces pauvres Ukrainiens de l’Ouest qui commencent à comprendre à quelle sauce ils vont être mangés !!!!
Oui ! il est temps de se renseigner, de chercher à comprendre quel rôle les US appuyés par leurs séides de l’UE continuent, année après année à jouer dans les drames que doivent affronter soudainement des peuples qui, bon an mal an , malgré la corruption effroyable de leurs dirigeants (et Yanoukovitch en est un mais la vertueuse Iulia, tout autant ….) vivaient dans une paix relative.
Avant l’Ukraine, c’était au tour de la Syrie qui a explosé brutalement pour des problèmes énergétiques : le projet Nabucco américano-saoudien-quatari pour acheminer le gaz vers l’Europe, contre le projet South Stream russe.
Et là , Bachar a dit « Non » . On connaît la suite …… et si le bloc US-UE n’a pas pu bombarder Damas en Septembre, c’est à cause du veto Russe appuyé par les Chinois.
Donc ces criminels qui ont fait exploser l’Iran, il y a déjà longtemps, puis l’Irak, puis les Balkans, puis la Lybie (Ah !!! BHL !!!!), puis la Syrie, puis l’Ukraine, ne s’arrêteront pas en si bon chemin.
Suivez les évènements d’Ukraine avec attention, en essayant de comprendre ce qui se passe vraiment : est-ce que ce sont des Russes qui se « révoltent » contre Kiev pour rejoindre la Russie (et l’on désigne à la vindicte cet infâme Poutine qui a massé des troupes sur la frontière) comme on nous le fait croire, ou sont-ce des nervis de ce qu’on appelle les « Blackwater », une armée de criminels dit « mercenaires » qui « appartiennent » à un milliardaire et qui sont basés aux Bahamas ?
Le bloc UE-US est prêt à TOUT comme le dit Suzanne pour assurer l’indépendance des USA au point de vue énergétique et financier.
Mais, même si Obama veut croire que la Russie est une puissance « régionale » (ce niais l’a dit lors de sa visite en Europe et c’est à se taper les cuisses de rire si ce n’était pas si grave ….) Poutine a acquis une incontestable carrure d’homme d’Etat : il oeuvre en Russie même, pour un retour aux valeurs qui ont toujours habité ce pays immense, il reconstruit les Eglises (20000 à ce jour) , il oriente une politique nataliste particulièrement doppante (là encore, sur ce sujet, méfiance +++++ sur les chiffres archi- truqués qui sont présentés depuis le bloc US – UE ….)…..
Bref, les Américains ne veulent pas d’une organisation européenne qui verrait un rapprochement chrétien , par exemple, et c’est une des raisons pour lesquelles ils sont intervenus si dramatiquement pendant les derniers jours des Jeux de Sotchi, exactement comme ils l’avaient fait, quelques années auparavant pour plonger la Géorgie dans le chaos.
Excellente reponse il est peut etre temps si ce n’est trop de comprendre .la dure realite de cette guerre economique ….
Excellent