Parce qu'il est l'instrument de musique de l'Eglise latine par excellence, parce qu'il accompagne et embellit les célébrations, l'orgue s'adapte aux temps liturgiques. Les grandes fêtes de l'Eglise sont à l'origine d'une part considérable du répertoire de musique pour orgue.
CC BY-SA Finoskov
La fête de Pâques est l'occasion de découvrir ou de réécouter de nombreuses pièces, parmi lesquelles cet Offertoire pour le jour de Pâques, de Jean-François Dandrieu (1682-1738).
Dandrieu est l'un des représentants de l'école française d'orgue, qui regroupe de nombreux compositeurs des XVIIème et XVIIIème siècles. Si aucun de ses représentants n'a atteint la notoriété de Bach ou Buxtehude, si aucun n'a laissé à la postérité autant d'œuvres que ces deux géants de l'école allemande, le volume d'œuvres produites par l'école française est immense.
La musique d'orgue française classique présente des caractéristiques qui la distinguent nettement et donnent une forme d'unité à l'ensemble des œuvres :
- Les pièces sont souvent brillantes. Elles utilisent les jeux d'anches de l'orgue, c'est à-dire les sonorités colorées, timbrées et éclatantes (trompette, clairon, hautbois, pour citer les jeux se rapprochant le plus des instruments d'orchestre). Ces sonorités sont parfaitement adaptées à la célébration de Pâques !
- Les œuvres correspondent à une liturgie où se succèdent l'accompagnement du chœur et l'orgue en solo. Dans la plupart des églises, la localisation de l'instrument permet ce double rôle. Placé derrière l'assemblée, il soutient et amplifie le chant des fidèles. A l'entrée de la nef, il occupe une place de choix et peut remplir toute l'église de sa sonorité.
- La registration (ensemble des jeux à utiliser, c'est-à-dire les tuyaux de l'orgue sollicités et donc les sons produits) est codifiée de manière précise, alors qu'à la même époque, Bach donne moins d'indications et laisse les organistes plus libres de leur registration.
L'offertoire pour le jour de Pâques de Dandrieu, composé d'un thème et de 11 courtes variations, présente ces caractéristiques.
Le lien ci-dessous propose un enregistrement sur le magnifique orgue de la basilique de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var). Construit par le frère dominicain Jean Esprit Isnard entre 1772 et 1774 ; il est l’un des très rares grands instruments d’Europe à avoir conservé l’intégralité de ses 2960 tuyaux d’origine. En 1793, au début de la Terreur, l'organiste aurait sauvé l'orgue de la destruction en y jouant la Marseillaise en présence de deux députés…
Parfois méconnu, parfois écouté de manière trop routinière le dimanche, l'orgue n'en est pas moins un instrument exceptionnel. Au service de la liturgie, ses sons qui ne meurent pas soutiennent la prière et les chants. Sa puissance et la diversité de ses sonorités le rendent parfaitement autonome et font de lui un instrument-orchestre. Enfin, la variété des instruments est infinie : taille, nombre de jeux, sonorités… Il n'existe pas deux orgues identiques. Sur chaque instrument, l'organiste doit mélanger les sonorités comme un peintre doit mélanger les couleurs.
Jérôme Faton
Merci pour cette présentation très intéressante d’un instrument dont effectivement on a souvent une image bien solennelle, voire pompeuse, sans se plonger plus avant dans sa formidable expressivité. La pièce de Dandrieu est à cet égard très éloquente, elle exprime et fait jaillir en nous la joie de vivre !