Le 9 mai 2014, le pape François a rencontré au Vatican l'actuel secrétaire général des Nations-Unies, Monsieur Ban Ki Moon. Cette visite a eu lieu juste après la canonisation de Jean-Paul II, pour qui les droits de l'homme était un cheval de bataille. Le pape n'a pas hésité à demander des résultats immédiats et plus concrets en ce qui concerne la partie la plus rejetée de l'humanité. D'autre part, il a rappelé le caractère « sacré et inviolable » de la vie « depuis sa conception jusqu’à son terme naturel », alors même que la position du Saint Siège est ouvertement critiquée à l'ONU sur ce thème.
CC-BY Tomaz Silva/ABr – Agência Brasil
Discours du pape François aux dirigeants de l'ONU
Monsieur le secrétaire général,
Mesdames et Messieurs,
J’ai le plaisir de vous souhaiter la bienvenue, Monsieur le secrétaire général et vous autres, hauts dirigeants des organismes, des fonds et des programmes de l’ONU et des organisations spécialisées, réunis à Rome pour votre rencontre semestrielle de coordination stratégique du « Conseil des chefs de secrétariat des organismes des Nations Unies pour la coordination ».
Il est significatif que cette rencontre se tienne quelques jours après la canonisation solennelle de mes prédécesseurs, les papes saint Jean XXIII et saint Jean-Paul II. Ils sont source d’inspiration pour nous, par leur passion pour le développement intégral de la personne humaine et pour la compréhension entre les peuples, mise en évidence à travers les nombreuses visites de Jean-Paul II aux Organisations de Rome et ses voyages à New York, Genève, Vienne, Nairobi et à La Haye.
Merci, Monsieur le secrétaire général, pour les paroles cordiales que vous m’avez adressées en introduction. Merci à vous tous, qui êtes les principaux responsables du système international, pour les grands efforts accomplis en faveur de la paix mondiale, du respect de la dignité humaine, de la protection de la personne, en particulier des plus pauvres et des plus faibles, et d’un développement économique et social harmonieux.
Les résultats des objectifs de développement du millénaire, en particulier dans le domaine de l’éducation et de la diminution de la pauvreté extrême, représentent une confirmation de la validité du travail de coordination de ce Conseil des chefs de secrétariat. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue le fait que les peuples méritent et espèrent des fruits encore meilleurs. C’est le propre de la fonction de direction de ne jamais se satisfaire des résultats acquis, mais de s’engager chaque fois davantage, parce que ce qui a été obtenu ne se consolide que si l’on cherche à obtenir ce qui manque encore.
Dans le cas de l’organisation politique et économique mondiale, ce qui manque encore est considérable, étant donné qu’une partie importante de l’humanité continue d’être exclue des bénéfices du progrès et, de fait, est reléguée au statut d’êtres humains de seconde catégorie.
Les futurs objectifs de développement durable devraient donc être formulés avec générosité et courage, afin qu’ils parviennent effectivement à avoir une incidence sur les causes structurelles de la pauvreté et de la faim, à obtenir des résultats substantiels en faveur de la protection de l’environnement, à garantir à tous un travail décent et à offrir une protection adéquate à la famille, élément essentiel de tout développement économique et social durable. Il s’agit, en particulier, de relever le défi de toutes les formes d’injustice, en s’opposant à l’ « économie de l’exclusion », à la « culture du rebut » et à la « culture de la mort » qui, malheureusement, pourraient devenir une mentalité passivement acceptée.
C’est pour cette raison que je voudrais vous rappeler, à vous qui représentez les instances les plus hautes de la coopération mondiale, un épisode d’il y a environ 2000 ans, raconté dans l’Évangile de saint Luc : il s’agit de la rencontre de Jésus-Christ avec le riche publicain, Zachée qui, lorsque sa conscience a été réveillée par le regard de Jésus, a pris la décision radicale de partager et de faire justice. Voilà l’esprit qui devrait être à l’origine et au terme de toute action politique et économique. Le regard, souvent sans voix, de cette partie de l’humanité rejetée, laissée derrière nous, doit remuer la conscience des acteurs politiques et économiques et les conduire à faire des choix généreux et courageux, qui aient des résultats immédiats, comme cette décision de Zachée.
Cet esprit de solidarité et de partage guide-t-il toutes nos pensées et toutes nos actions ? Aujourd’hui, en particulier, la conscience de la dignité de tous nos frères, dont la vie est sacrée et inviolable depuis sa conception jusqu’à son terme naturel, doit nous amener à partager, avec une totale gratuité, les biens que la providence a mis entre nos mains, que ce soit des richesses matérielles ou des œuvres de l’intelligence et de l’esprit, et à restituer généreusement et en abondance ce que nous avons pu injustement refuser aux autres.
L’épisode de Jésus-Christ et Zachée nous enseigne que la promotion d’une ouverture généreuse, efficace et concrète aux besoins des autres doit toujours être au-dessus des systèmes et des théories économiques et sociales. Jésus ne demande pas à Zachée de changer de travail, ni de mettre en accusation son activité commerciale ; il le conduit seulement à tout mettre, librement mais immédiatement et sans discuter, au service des hommes. Tout cela me permet d’affirmer, à la suite de mes prédécesseurs, qu’un progrès économique et social équitable ne peut s'obtenir qu’en alliant les capacités scientifiques et techniques et un engagement de solidarité constant, accompagné d’une gratuité généreuse et désintéressée à tous les niveaux.
Par conséquent, contribueront à ce développement l’action internationale, qui s’efforce d’obtenir un développement humain intégral en faveur de tous les habitants de la planète, comme la légitime redistribution des biens économiques par l’État et l’indispensable collaboration de l’activité économique privée et de la société civile.
Tout en vous encourageant à poursuivre votre travail de coordination des activités des organismes internationaux, qui est un service rendu à tous les hommes, je vous invite à promouvoir en même temps une véritable mobilisation éthique mondiale qui, au-delà des différences de credo ou d’opinion politique, répande et mette en œuvre un idéal commun de fraternité et de solidarité, spécialement envers les plus pauvres et ceux qui sont exclus.
J’invoque l’aide divine pour le travail de votre Conseil et je demande une bénédiction spéciale de Dieu pour vous, Monsieur le secrétaire général, pour tous les présidents, les directeurs et les secrétaires généraux ici réunis et pour tout le personnel des Nations-Unies et des autres agences et organisations internationales, ainsi que leurs familles.
Bertrand Ducasse