Brusque et cruelle irruption de la réalité, les terribles événements d'hier secouent la France et le monde. Hier soir à 20h45, sur la tribune de "Figarovox", Jean d'Ormesson soulignait combien l'attentat nous faisait passer d'une "compassion lointaine" à la conscience d'être soudain placés au coeur du drame.
Valentina Calà CC BY-SA
De fait, le slogan utilisé par Charlie Hebdo invite à nous identifier aux victimes et à l'événement. Quelles que soient nos positions, ce qui touche ce journal aussi violement me concerne d'une manière ou d'une autre. Ainsi, hier soir, sur Figarovox, Jean D'Ormesson soulignait combien l'intensité de drame nous faisait passer d'une "compassion encore lointaine" à la conscience d'être désormais exposés comme "un soldat désarmé".
Le poids invraisemblable de l'époque, qui hantait secrètement les esprits vient de s'écraser brusquement sur nos épaules. "Nos yeux s'ouvrent", dit-il, et nous cessons de nous abreuver à la "trompeuse sécurité" des "lieux communs" et "des bassesses". Nous sommes dés lors "contraints au courage", non parce que nous le voudrions – car nous préférons naturellement la paix sans histoire – mais parce que la réalité impose une prise de position.
Pour lui, ce courage consiste d'abord à reconnaître la réalité telle qu'elle est, c'est à dire à dominer sa peur et ne plus fuir l'évidence : "La guerre est parmi nous". Il consiste aussi à ne pas sombrer dans les réductions et les simplifications : "L'ennemi n'est pas l'islam. L'ennemi, c'est la barbarie se servant d'un islam qu'elle déshonore et trahit. "
Plus que tout, ce courage consiste à bien situer ce que nous voulons défendre, ce qui n'est pas négociable : "Des journalistes sont morts pour la liberté de la presse. Ils nous laissent un exemple et une leçon." Et si la force des terroristes réside dans le fait qu'ils n'ont pas "peur de mourir", alors, affirme-t-il, "Mieux vaut rester debout dans la dignité et la liberté que vivre dans la peur et dans le renoncement."
Quoi qu'il en coûte.
Texte complet de l'article
Figarovox: Jean D'O'rmesson, nous sommes tous Charlie Hebdo
"L'émotion submerge Paris, la France, le monde. Nous savions depuis longtemps que, renaissant sans cesse de ses cendres, la barbarie était à l'œuvre. Nous avions vu des images insoutenables de cruauté et de folie. Une compassion, encore lointaine, nous avait tous emportés. La sauvagerie, cette fois, nous frappe au cœur. Douze morts, peut-être plus encore. Des journalistes massacrés dans l'exercice de leur métier. Des policiers blessés et froidement assassinés. La guerre est parmi nous. Chacun de nous désormais, sur les marchés, dans les transports, au spectacle, à son travail, est un soldat désarmé.
Nous avions des adversaires. Désormais, nous avons un ennemi. L'ennemi n'est pas l'islam. L'ennemi, c'est la barbarie se servant d'un islam qu'elle déshonore et trahit. Les plus hauts responsables de l'islam en France ont dénoncé et condamné cette horreur. Il faut leur être reconnaissants.
La force des terroristes, c'est qu'ils n'ont pas peur de mourir. Nous vivions tous, même les plus malheureux d'entre nous, dans une trompeuse sécurité. Nous voilà contraints au courage.
L'union se fait autour des martyrs libertaires d'un journal défendant des positions qui n'étaient pas toujours les nôtres. Des journalistes sont morts pour la liberté de la presse. Ils nous laissent un exemple et une leçon.
Loin de tous les lieux communs et de toutes les bassesses dont nous sommes abreuvés, nos yeux s'ouvrent soudain sous la violence du coup. Nous sommes tous des républicains et des démocrates attachés à leurs libertés. Mieux vaut rester debout dans la dignité et la liberté que vivre dans la peur et dans le renoncement. Devant la violence et la férocité, nous sommes tous des Charlie Hebdo."