Photo: Peter Mueller BILD
Pourquoi je veux aujourd’hui m’affirmer comme chrétien
Ce texte n’est pas facile à écrire. Parce que je ne l’écris pas sous le couvert du « BILD » ou comme un journaliste neutre, mais comme un chrétien qui est choqué par la folie-DAECH.
Certain de mes collègues vont peut-être être surpris, en effet, je ne me promène pas quotidiennement à la rédaction avec une pancarte annonçant « Regarde ! Je suis chrétien, et j’essaye chaque jour de mettre ma vie au service de Jésus-Christ. » Je ne suis pas l’Eglise, ni le membre d’une organisation religieuse. Je ne suis qu’un des millions de chrétiens. Et c’est la première fois que j’écris à ce sujet.
Parce que je ne peux pas rester plus longtemps immobile. Il est temps pour moi d’annoncer à haute voix l’amour de Dieu et le pardon en Jésus-Christ, nos valeurs chrétiennes et leur importance capitale, précisément à cette heure. Je voudrais plus encore aller vers chaque combattant de DAECH pour lui dire « arrête avec ce que tu es en train de faire, fais demi-tour ! Dieu t’aime aussi et Il peut te pardonner. Ce que tu fais n’a rien à voir avec Dieu et dans aucune religion ça n’est une bonne action. »
Ok, c’est assez irréaliste, d’autant plus que la marge d’attention de mon interlocuteur risquerait d’être mortellement courte. Mais je reste stupéfait et désemparé face à l’attitude actuelle des chrétiens devant ces meurtres. Ce qui m’intéresse maintenant ce n’est pas de parler de l’impuissance politique ou du sentiment d’horreur que nous partageons tous, que nous soyons chrétiens ou pas. Mais je veux dire que nous chrétiens, nous avons bien un message à transmettre et pourtant beaucoup restent silencieux. Moi le premier, jusqu’à présent.
Avons nous peur de nous reconnaître croyants et d’agir en conséquence, parce que d’autres qui se disent également croyants font de telles horreurs ? Parce que la foi est devenue quelque chose qui dérange ? Parce que la religion semble brusquement si proche du fanatisme ? Aucune foi ne justifie DAECH. Et précisément parce qu’ils utilisent Dieu comme justification, cela devrait faire hurler chaque croyant.
Il y a quelque jour, j’ai eu l’honneur d’entendre Lord Georges Weidenfeld. Il disait à peu près cela à propos de la situation actuelle : « Je ne comprends pas cette génération de chrétiens. Je ne comprends pas qu’elle ne fasse rien. » Ça m’a fait réfléchir. Des chrétiens sont assassinés, parce qu’ils sont fidèles à leur foi. Et ça n’a aucune répercussion visible dans mes actes comme chrétien ?
Le Nouveau Testament ne nous donne aucun ordre de combat. Au contraire : il nous invite à la paix, souvent même à endurer l’injustice. Des chrétiens aussi ont souvent ignoré cette vérité et agit de façon ignoble. Mais devons-nous, à cause de cela, rester silencieux aujourd’hui ? Absolument pas ! Au contraire !! (…)
Il est temps pour moi d’annoncer à haute voix l’amour de Dieu et le pardon en Jésus-Christ, nos valeurs chrétiennes et leur importance capitale, précisément à cette heure.
J’espère que mes propos ne paraitront pas cyniques à ceux qui sont directement touchés par cette souffrance. Je ne sais pas si moi-même je serais capable de pardonner. Mais le Nouveau Testament nous donne aussi des devoirs et des obligations, à chaque chrétien, pas seulement à ceux dont c’est la vocation particulière. Ce n’est pas un appel aux armes, mais un appel à surpasser le mal par le bien. Ne pas se taire avec honte selon la devise « ce n’est vraiment pas le moment de faire un acte de foi ! », mais agir.
Est-ce que mes propos sont naïfs, abstraits ? Je vais m’exprimer plus concrètement : quand, sinon maintenant, devons nous commencer à agir avec miséricorde et charité ? Environ 300 chrétiens sont retenus en otages dans le nord de la Syrie. 28 chrétiens éthiopiens ont été assassiné par DAECH il y a quelques jours : décapités et filmés. Parce qu’il s’agit ici du rôle des chrétiens je ne fais que citer celui-là parmi une multitude d’autres actes ignobles. En février, 21 chrétiens coptes de Lybie ont été décapités. Mort pour leur foi.
Dieu merci, nous ne sommes pas dans la situation de devoir décider : reconnaître notre foi ou mourir. Mais c’est précisément à cause de cela que nous devrions nous affirmer encore plus fermement. Nous devrions à nouveau annoncer ce qui est bon dans la foi, même si ça ne semble pas être à la mode du jour. Nous devrions retrousser nos manches et affirmer notre christianisme. Des millions de personnes sont en fuite. 900 personnes viennent de se noyer sur les côtes de la Lybie alors qu’elles étaient à la recherche d’un monde meilleur. Quelques uns de ces exilés arrivent jusqu’à nous. 60 000 syriens ont demandé asile chez nous. J’ai appelé ces dernières semaines plusieurs associations d’aide et d’accueil aux demandeurs d’asile pour voir s’il y aurait une possibilité des les aider. Une seule association m’a répondu qu’ils n’avaient besoin d’aucune aide, toutes les autres étaient très reconnaissantes et avaient des besoins très importants. (…)
Il y a beaucoup à faire ! Et c’est le moment de leur venir en aide. Et ce, aussi et en premier lieu au nom de Jésus-Christ. Avec des dons, en aidant les centres d’accueil de demandeurs d’asile, avec des prières communes, des discussions, des reconnaissances et des messages par toutes les voies possibles. Avec une grande coalition pour le bien au nom de Dieu. Forte, évidente, audible. Chacun comme il peut. Beaucoup agissent déjà, mais ce n’est pas encore une véritable vague.
J’ai appris pour moi ce que la foi peut changer dans ma vie. À quel point l’amour est puissant. Je prie souvent pour la fin de cette folie, pour les victimes et pour tous ceux qui vivent dans la peur de DAECH. J’essaye aussi de prier, d’un cœur honnête, pour les assassins. Afin qu’ils changent, qu’ils regrettent leurs actes et fassent l’expérience du pardon. Et je ne suis jamais seul avec ma colère, mon désespoir et mon espérance d’un monde meilleur. Mais longtemps je n’en ai pas non plus parlé officiellement.
Il y a quelques semaines j’ai lu l’histoire d’une journaliste américaine « Why I am coming out as a christian ». Cet article ne m’est pas sorti de la tête. Ça a été aussi (comme on peut le reconnaître facilement) une impulsion pour ce texte. Être chrétien signifie plus que la prière silencieuse ou les paroles pieuses échangées dans le cercle privé. Être chrétien signifie agir. En famille et dans le cercle des amis, au travail, ouvertement. Ce n’est pas la foi qui est un problème, mais ce que l’homme en fait. La foi dans l’amour de Dieu, la grâce et le pardon ne sont pas un problème, mais notre chance.
Article paru dans Bild le 28 Avril 2015
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Daniel Böcking m'a effectivement sidérée dans son article "Warum ich mich heute als Christ outen will"par son courage et sa sincérité de montrer au grand jour sa foi et sa conviction religieuse .Reste à décrypter LE MESSAGE..adressé aux Chrétiens et aux Hommes de bonne volonté.Merci pour la diffusion de cet article.Je regrette que nous n'ayons pas de mot français pour "coming out"
ce monsieur est donc chrétien…je ne suis pas sure qu'il faille s'en réjouir, j'en ai plutot honte. quel chrétien peut titrer, a la une de son journal ce 26 fevrier: « Non ! Pas de milliards supplémentaires pour les Grecs gloutons ! » Le monde diplomatique ah mais s'il est chrétien, alors tout va bien. applaudissons, vraiment.
Oui, je trouve que ce journaliste a fait preuve de sincérité….tout en sachant que "Bild" est un journal à scandales…dois-je vous rappeler Camille que votre référence ….Olivier Muller-Cyran du monde diplomatique a un parcours journalistique qui mérite aussi toute notre attention..lui-aussi a dû faire une sorte de coming-out en quittant Charlie-Hebdo??