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L’homme qui voulait tuer Hitler

Petit artisan allemand, Georges Elser avait minutieusement préparé un attentat contre Hitler en 1939. A l’occasion des 70 ans de la fin de la IIème guerre mondiale, sa vie est portée à l’écran par Fred Breinersdorfer, l’auteur du film Sophie Scholl.

 

 

En Allemand, le titre du film présenté à la Berlinale 2015 est L’homme qui aurait pu changer le monde, en anglais 13 minutes et en français, Un héros ordinaire. Il s’agit de l’attentat  manqué de 1939 contre Adolf Hitler et les hauts dirigeants nazis, dans une brasserie de Munich. Suite à une mauvaise météo, Hitler avait dû annuler son avion et repartir en train, il a donc quitté la pièce plus tôt que prévu, 13 minutes avant l’explosion d’une bombe qui souffla le bâtiment. Georg Elser, charpentier souabe sera arrêté par hasard peu avant l’attentat alors qu’il tentait de passer en Suisse.

Hitler est persuadé que l’attentat a été fomenté par des espions anglais et personne ne parvient à croire que Georg Esler ait pu inventer et construire une bombe d’une telle puissance et d’une telle précision. Hitler exige qu’il soit torturé avec « toutes les ressources de la science actuelle » jusqu’à ce qu’il dénonce ses complices. Georg Esler n’a aucun complice et il a réussi l’exploit tout seul, ayant travaillé en Suisse entre 1925 et 1929 dans une horlogerie où il avait appris à monter des mécanismes de précisions. Farouche opposant au parti nazi, il avait refusé toute affiliation au parti communiste, à d’autres « puissances » ou à toute violence. Mais de plus en plus conscient qu’Adolf Hitler va précipiter l’Allemagne et l’Europe dans le chaos et provoquer des millions de morts, il ne voit qu’une solution « radicale » pour sauver son pays et va travailler seul, des mois, à l’élaboration de sa bombe et au trou qu’il fera en cachette durant des nuits entières dans un pilier de la brasserie.

Tenté de fermer les yeux 

La mise en scène montre avec finesse la montée du nazisme, le sentiment de prospérité, l’exaltation de la technologie et de la force, la perversion de l’énergie et de la discipline allemandes. Hitler séduit par ses films, ses défilés, la « sécurité » et le confort qu’il apporte. L’intimidation et l’ostracisme envers ceux qui n’adhèrent pas à la pensée unique de l’époque réduit au silence toute contestation.

Le metteur en scène Hirschbirgel ne tombe jamais dans le manichéisme ou la stigmatisation. Résister à Hitler n’est simple pour personne et les « bons » ne sont pas « d’un côté » ou « de l’autre », chaque homme est tenté de fermer les yeux de sa conscience. La secrétaire de la gestapo qui prend note de sa déposition semble parfaitement indifférente aux tortures qu’il subit, pourtant elle accepte sa demande de rassurer sa femme et sa famille, le gardien de Dachau admire Georg et cherche à l’aider, tout comme l’officier de la Gestapo chargé de l’enquête qui finira aussi sur l’échafaud. Étonnement, Hitler a fait de Georg Esler « son » prisonnier spécial et le gardera en vie tout au long de la guerre, il ne le fera exécuter que quelques jours avant la capitulation, alors que tout était perdu.

Terroriste ou témoin

La véritable « réussite » de Georg n’est pas tant la bombe mais son témoignage brûlant de vérité. Georg ne se bat pas pour défendre sa peau ou des idéologies mais pour la liberté, pour l’Allemagne, pour la paix et pour les « victimes innocentes ». Cette soif inextinguible de liberté vient de sa foi profonde et simple. Sans ostentation, Georg Elser prie tout au long de son chemin de croix, la prière lui donne la force de ne pas adhérer aux idéologies et aux bagarres qui ravagent son village, elle garde sa conscience éveillée quand tous commencent à se résigner, elle lui donne la force d’agir concrètement contre Hitler, car on « doit arrêter ça avant qu’il ne soit trop tard »… Enfin, lorsque dans son cachot, la prière devient cri, elle reste adressée à Quelqu’un, elle donne à Georg la force de l’espérance et du pardon.

Avec ces films sur Sophie Scholl et Georg Elsner, Fred Breinersdorfer nous introduit dans un regard beaucoup plus profond sur la réalité de la guerre, sur la situation du peuple allemand, sur la beauté et la fécondité du martyr. Il provoque la pensée dominante car il révèle que la limite entre le bien et le mal n’est sur aucune frontière mais passe au cœur de chaque personne, dans le sanctuaire de sa conscience.

Un héros ordinaire : sortie en France le 15 septembre

 

 

 

 

1 Commentaire

  1. DC

    Nous venons de voir ce film très bien réalisé. L'article en reflète très bien l'intérêt. La caméra est discrète, elle nous place pourtant au coeur de la crudité de cette expérience sans tomber dans le voyeurisme, le manichéisme ou un pathos. On y découvre les motifs profonds qui mettent une conscience en mouvement. Le personnage de Elser n'est pas un super-héros. Il n'est pas animé non plus par un idéal moral irréprochable. Il est humain, il est libre, il aime la vie, et c'est pour cela que sa conscience ne se laisse pas corrompre par les mouvements de masses du nazisme ni par les promesses de ses amis communistes. C'est animé par une certitude intérieure qu'il se lance dans cette aventure, certtitudde qui le conduit explicitement à Dieu dans la prison. Il ne réussit pas, comme on le sait. Dieu a permis cet échec, comme il le reconnaît, pour manifester autre chose. Merci de nous ouvrir cette perspective. 

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