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Lettre de l’Archevêque gréco-catholique d’Alep

Depuis la Pâque orthodoxe, les attaques sont incessantes. L'archevêché gréco-catholique vient d'être détruit. Voici la lettre d'un pasteur désemparé qui porte son peuple dans la souffrance.
 
 

"Chers Amis,

je viens de rentrer à Alep, après une tournée aux États-Unis où j'avais fait de mon mieux pour exposer notre situation aux chrétiens américains dans plusieurs des grandes villes de l'Est du pays. Ma tournée semble avoir été utile, c'est ce que m'ont rapporté les organisateurs de cette action de sensibilisation, les responsables de l'Eglise en Détresse (Church in Need) qui avaient été formidables dans leur dévouement à notre cause ! Ils m'ont permis de m'adresser à six grandes assemblées d'auditeurs dans six endroits différents et de répondre aux questions de nombreux journalistes présents aux conférences en plus des vingts interviews spéciales avec les Mass-médias du pays, qu'ils ont rendu possibles grâce à leur savoir faire!

Malheureusement arrivė à Alep, j'ai eu la grande tristesse de voir notre Archevêché détruit et notre Cathédrale gravement endommagée. Ces bâtiments construits par mes prédécesseurs depuis deux cents ans et pour l'amélioration desquels nous avions entrepris beaucoup de travaux de restauration ces dernières années, se trouvent à présent très endommagés, dans un état lamentable et un délabrement désolant. Je ne peux vous dire toute ma peine et ma souffrance à la vue de cette catastrophe. Grâce à Dieu tous mes prêtres sont sortis indemnes, sains et saufs de cette énième atteinte à notre Archevêché perpétrée par les rebelles qui avaient fait pleuvoir une pluie d'obus sur cette zone chrétienne de la ville où se regroupent plusieurs églises. C'était au lendemain de la commémoration du centenaire du Génocide Arménien…

"Malgré tout j'essaye de faire de mon mieux pour rester présent à mes fidèles et à mon clergé, je sens qu'ils ont, aujourd'hui plus que jamais, besoin d'être entourés et rassurés."

Mes prêtres et mes fidèles sont consternés autant que moi-même et depuis deux jours, j'essaye de reprendre mon souffle pour redonner courage à ceux qui sont autour de moi. Cela fait deux semaines que mes collaborateurs essayent de sortir tout ce qui est récupérable pour le mettre à l'abri. Moi-même j'ai pris soin de mettre en sécurité les archives, les icônes, les manuscrits et tout ce qui était précieux, irremplaçable et important. Vous comprenez que je puisse dans ces circonstances me trouver désemparé et incapable de fonctionner comme il se doit. Malgré tout j'essaye de faire de mon mieux pour rester présent à mes fidèles et à mon clergé, je sens qu'ils ont, aujourd'hui plus que jamais, besoin d'être entourés et rassurés. Par contre mon travail administratif et bureautique laisse à désirer pour le moment. Mes locaux sont délabrés et mon secrétariat hors d'usage. Il faut que je puisse trouver un bureau, récupérer l'un ou l'autre de mes dossiers encore indemnes et m'organiser aussi vite que possible. Je me rends compte que nous vivons des moments d'urgence très difficiles qui requièrent de nous un éveil continu et une disponibilité sans faille.

 "Le Seigneur m'a aidė à leur dire des mots, qui consolent le cœur meurtri des uns et qui raffermissent le courage des autres."

Hier, Dimanche, le matin j'ai tenu à présider une messe de requiem dite pour le repos de l'âme de l'un de mes collaborateurs qui s'est joint au cortège de nos martyrs, victimes de la violence des Djihadistes. Dans l'après-midi j'ai assisté à un récital donné par l'une de nos écoles catholiques. Ma présence a marqué ces deux célébrations et confirmė à nos fidèles que l'Eglise est très proche de leur souffrance et de leur joie. Malgré toute ma tristesse et ma désolation, le Seigneur m'a aidė à leur dire des mots qui consolent le cœur meurtri des uns et qui raffermissent le courage des autres. Ce soir j'assiste à un récital de chants Byzantins dans l'une de nos églises. J'espère que nous ne serons pas épouvantés encore une fois par les tirs de mortiers et de hawns qui nous prennent pour cible depuis la fête de Pâque.

Nous sommes en train de payer cher notre présence dans notre cher pays mais nous savons aussi que l'avenir de nos nouvelles générations sera bien meilleur une fois la paix établie et la liberté acquise. Entre-temps les obus continent à nous tomber dessus chaque jour. Nous ne savons pas au juste quand cette Paix tant souhaitée viendra, mais nous prions le Seigneur de nous l'accorder le plus tôt possible et nous croyons fermement qu'Il va nous la donner car sa bonté est grande et sa miséricorde ineffable. Priez avec nous, je vous en supplie, vos prières nous seront d'un grand secours.

Avec ma reconnaissance, ma gratitude et toute ma considération,

Métropolite Jean-Clément JEANBART
Archevêque d'Alep

(20.05.2015)

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