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Les vrais ennemis et les vrais alliés

Dans la situation chaotique, suite aux attentats de Paris, les réactions fusent. A la tête de l’Etat le couple exécutif semble prendre la mesure des événements. Et pourtant, bien des questions restent en suspens. Des questions qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, aborder.

  1. Les alliés de mes ennemis peuvent-ils être nos alliés ?
  2. La lutte contre l’Islamisme et contre le terrorisme en cache-t-elle une autre ? 
  3. Qui sont les vrais alliés de l'occident ?


Photo : © AED. Un moine devant la porte du monastère Al-Quosh en Irak

1. Les alliés de mes ennemis peuvent-ils être nos alliés ?

La première question pose évidemment celle des alliances ambigües avec les pays du Golfe. Si l’on comprend très bien l’argument économique d’une Europe asphyxiée dans ses finances, on voit mal comment une telle logique peut être encore aujourd’hui celle qui domine la diplomatie, de la France notamment. Cela passe par une plus grande fermeté contre les pays du Golfe : dénonciation des liens avec le terrorisme islamiste, dénonciation de la non ouverture de leurs frontières aux réfugiés, refus des financements institutionnels dans les banlieues, refus de financements vers les associations religieuses en France, limitation des investissements en tout genre (presse, sport, tourisme…), condamnation des atteintes aux droits les plus élémentaires des peuples (liberté religieuse notamment, égalité homme / femme, etc.). Bien évidemment cette question concerne aussi l’ambigüité de la position Turque dans cette guerre.

2. La lutte contre l’Islamisme et contre le terroriste en cache-t-elle une autre ? 

La lutte pour installer la démocratie à l’occidentale dans les pays du Moyen Orient, malgré l’absence totale de fruits positifs après bien des expériences passées, ne semble pas avoir perdu de sa morgue. Malgré la situation d’urgence. Tout juste le président face au Congrès a-t-il fait cette concession nouvelle que là n’était plus la priorité dans la lutte contre Daech. Cet aveuglement désastreux fait peur. Si nous ne comprenons pas que les peuples directement visés par Daech (Syrie, Russie, etc.) en raison de la proximité de leurs frontières, sont nos premiers alliés, et donc ceux que nous devons soutenir inconditionnellement, nous n’aurons plus que le choix d’aller occuper nous-mêmes ces régions, avec nos armées, comme les Américains l’ont fait au Vietnam (en chassant les français au nom de la démocratie… avec les résultats que nous connaissons), en Afghanistan, en Irak, en Lybie… Faut-il ajouter encore tellement d’autres exemples jusqu’à ce que nous comprenions que la légitimité d’un régime n’est pas d’abord à mesurer sur des critères d'apparence de démocratie ? En outre, il devient de plus en plus clair que ce qui importe vraiment aux puissances occidentales, ce n'est pas tant la légitimité des régimes que de s’ouvrir de nouveaux espaces économiques.

3. Qui sont les vrais alliés de l'occident ?

Nos alliés objectifs dans la lutte contre Daech sont donc avant tout les Arméniens, les Kurdes, les Syriens et bien sûr les Russes. Mais, il faut aller plus loin. Depuis quelques temps, nous entendons résonner en chœur qu’il s’agit d’une lutte de civilisations, d’un choc de civilisations, et que c’est l’ensemble de la France que les terroristes ont attaquée hier à Paris. « La France de la culture, la France qui aime le sport et la fête » a dit le Président Hollande devant le Congrès. Et pourtant, comme lors des décaptiations sur les plages de Lybie, si les islamistes déclarent s'en prendre à « la capitale de l'abomination et de la perversion » c'est en tant qu'elle demeure pour eux la nation qui continue de porter « la bannière de la Croix en Europe ».

Qu'en est-il vraiment ? Les chrétiens qui n’ont pas peur de l’être et qui se montrent attachés aux valeurs fondamentales que sont le respect de la vie, le caractère inviolable de la personne humaine, etc. sont montrés du doigt comme les ennemis de la République laïque. Ces dernières années, les accusations tacites ont fusé de la part du couple exécutif, au point qu’on est en droit de poser la question : la France laïque est-elle en mesure d’accueillir un phénomène religieux aussi puissant que l’Islam si, par ailleurs, elle ne cesse de combattre ceux qui, en son sein, pourraient justement l’aider à entrer dans un vrai dialogue ? Car peut-on en effet invoquer l’unité nationale face à la menace terroriste lorsque la priorité des lois sociétales encore à venir (GPA, euthanasie…) ont surtout pour objectif de faire sortir la société d’une influence morale jugée néfaste, assassine, et qu’il s’agit précisément de l’influence de l’Eglise, ce peuple de la Croix que Daech ne cesse de montrer comme son grand ennemi ?

Par ailleurs, du côté des chrétiens et de l'Eglise en France et en Europe, il ne faut pas se tromper de combat. Il ne s'agit pas tant de prétendre occuper une place sur le devant de la scène culturelle et politique, que de relever le défi de montrer à nos compatriotes que sans le Christ, bien des questions qui habitent le cœur de tout homme restent sans réponse. C'est bien là que se situe le point de départ d'une alliance possible des chrétiens avec le monde occidental devenu agnostique et hostile à l'Eglise : en lui montrant que nous portons les mêmes attentes que lui[1].

 

 


[1] « La crise de la prédication chrétienne que, depuis un siècle, nous expérimentons de façon croissante, dépend de façon non accessoire du fait que les réponses chrétiennes négligent les interrogations de l'homme. Celles-ci sont justes et continuent de l'être. Mais les réponses ne sont plus influentes parce qu'elles ne partent pas du problème qui se pose à l'homme et ne sont pas développés en fonction de lui ». Joseph Ratzinger, Dogma et predicazione, Queriliana, Brescia 2005, p. 75. 

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1 Commentaire

  1. Bruno ANEL

    Il y a encore quelques années, la République déroulait le tapis rouge à Mouammar Khadafi qui plantait sa tente à Marigny et à Bachar el Assad invité le 14 juillet. Aujourd'hui, le même tapis sert pour les émirs et le président chinois. Si demain leurs peuples se débarassaient d'eux, nous en ferions aussitôt des proscrits. Vae victis !

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