Un frisson nous saisit en découvrant les photographies du Lac Érié (USA) réalisées par Dave Sandford. La puissance éphémère des vagues est immortalisée en des statues d’une troublante beauté. Elles semblent traversées par des forces de destructions aux prises avec le monde. On croit parfois discerner des figures maléfiques se livrant à une danse macabre, un drame apocalyptique. Devant la fascination que produit en nous un tel spectacle, comment ne pas penser aux vers de Rilke : « Car le beau / n'est que ce degré du terrible qu'encore nous supportons / et nous ne l'admirons tant que parce que, impassible, il dédaigne / de nous détruire.[1] »
Le succès de ces images sur les réseaux sociaux tient sans doute à leur puissance évocatrice de l’actualité. Après une année jugée par les français – et sans doute par beaucoup d’autres – comme « mauvaise pour le pays », 2016 a mis brusquement le pied dans le pas de nos portes et voudrait laisser entrer tout un cortège de figures désolantes : la catastrophe migratoire, la menace terroriste, l’escalade du conflit au Moyen Orient, l’essoufflement de l’Europe et de l’Etat, la crise économique latente, le spectre des guerres civiles… Rarement la tectonique politique n’a fait trembler le sol avec autant d’intensité et de constance. Rarement les analystes ont été aussi unanimes à prophétiser l’ouragan. Autant de tempêtes qui ne peuvent laisser notre conscience en repos.
Dans ce paysage effrayant, les bonnes intentions pleuvent comme des bombes, et c’est toujours sous le motif de « protéger les gens d’eux mêmes » qu’on justifie tous les états d’urgence et dans un même élan, le pire.
Dans beaucoup de pays, l’Epiphanie est fêtée le 6 janvier. La probité de leur intelligence et de leur recherche a mis les mages en chemin. La lumière divine les a guidés jusqu’à Bethléem. Leur conscience mue par cette lumière leur donne de reconnaître Dieu lui-même dans l'Enfant d’une crèche sans éclat. La contemplation de ce petit Être inoffensif leur donnera aussi le courage de ne pas céder aux conventions diplomatiques : ils ne jetteront pas la perle à ce "Cauchon" d’Hérode.
De même nous ne pouvons pas changer l’actualité. Nous ne pouvons pas faire que tel tétrarque se transforme soudain en agnelet. Les circonstances comme d’immenses vagues semblent nous engloutir. Mais dans la tempête menaçante, nous pouvons garder la fidélité à notre conscience et le souci de percevoir la lumière de Dieu qui ne cesse de nous guider. Nous pouvons nous mettre en quête du Nouveau Né, Celui seul qui possède les clés de la paix véritable. Il reste une possibilité de joie profonde et communicative : celle de chercher, dans la fureur des éléments, Celui qui dort dans le bateau ivre de l’humanité ; celle de chercher à discerner dans le moindre des bruits de ce monde, la palpitation discrète de son halètement.
Tout homme qui vit dans cette inquiétude fera bientôt de sa vie un havre de paix où les oiseaux du ciel pourront venir se réfugier. Si tout est mission, la mission par excellence consiste à trouver l’Enfant où qu’il se trouve – fût-ce dans l’étable la plus sordide – et à l’adorer.
A n’en pas douter, Il a laissé de nombreuses étoiles pour que nous puissions trouver le chemin. Ainsi Rilke encore, nous souffle à l’oreille cette brise légère : « Oui, les printemps avaient besoin de toi. Maintes étoiles / voulaient être perçues. Vers toi se levait / une vague du fond du passé, ou encore, / lorsque tu passais près d'une fenêtre ouverte, / un violon s'abandonnait. Tout cela était mission. / Mais l'accomplis-tu ? »
Alors Bonne année d’écoute et de recherche, bonne année d’adoration, bonne année de courage et de fidélité, bonne année d’espérance chrétienne et de miséricorde, bonne année de « bien », de « beau » et de « vrai »…
Bonne année de tempête.
Visionner les photos de tempêtes de Dave Sandford, ou ici sur Le Figaro.
[1] Elegies de Duino, Première élégie, traduction Maurice Betz (1848-1946).
Bonjour Denis Merci pour ces superbes images, un peu effrayantes dans leur beauté. Et merci aussi pour ce texte plein de sagesse où tu conjugues tes efforts pour apaiser la tempête qui monte en nous , à cause de ce monde en folie. Mais nous avons un roc, nous, pour s'accrocher, et où trouver la paix. Au bonheur de se revoir un de ces jours. Gabrielle
Merci. J’en serai ravi !