Assiégés depuis des années dans une ville coupée en deux, les Alepins subissent quotidiennement les bombardements, les coupures d'eau et d'électricité. Parmi toutes les souffrances, l’émigration demeure leur plus grand drame. Si les chrétiens vivent cette situation dans une grande dignité, ils rapellent à l'Occident qu’une aide véritable ne réside pas dans le déracinement mais dans l'usage du pouvoir pour mettre fin à la guerre. C'est le cri d'un peuple trahi qui s'exprime dans ce documentaire de Charolotte d'Ornellas dont voici quelques extraits :
Père Fadi Najjar (prêtre grec-melkite catholique de la ville d’Alep) : “Beaucoup sont partis pour l’Europe (…). Pour moi, c’est une trahison de la part de l’Eglise et du christianisme de l’Europe. C’est l’Occident qui nous a trahis, car nous avons commencé le christianisme ici, avec Saint Paul et tous les premiers saints… On ne peut pas faire cela… C’est Dieu qui va juger un jour » …
« Je souhaite que le monde comprenne que la dignité humaine est au dessus de tout. Je souhaite que le monde nous laisse vivre en paix. Si vous voulez le pétrole, si vous voulez le gaz…félicitations pour tout ce que vous avez obtenu. Quant à nous, bienheureux sommes-nous, qui choisissons plutôt la sainteté. Nous voulons témoigner du Christ qui a souffert, qui a commencé sa mission ici, et ici nous allons continuer son message. »
« L’Europe chrétienne a trahi les chrétiens d’Orient. Pour cela, je demande aux français en général et aux chrétiens français en particulier qu’ils écoutent, qu’ils vivent ce que nous vivons, et seulement après ils pourront poser un jugement et savoir ce qui se passe vraiment ici. Dites à votre gouvernement que nous voulons savoir la vérité. Et ce qui se passe ici, c’est du terrorisme qui va revenir, qui va se retourner sur tous ceux qui ont contribué le à créer. »
Pierre Merjaneh (député indépendant de la ville d’Alep) : « Ils essaient de déraciner les chrétiens de l’Orient. Pour ma part, j’essaie de travailler pour les enraciner dans leur propre pays. Ils sont nés ici en Syrie et ils doivent rester ici en Syrie, lutter pour leur vie. »
« J’ai l’espoir qu’un jour, et j’espère que ce jour est proche, la France va se réveiller pour se rendre compte de ce qu’elle a fait et qu'elle se repente. Il faut nous donner des atouts pour défendre la francophonie en Syrie. Pour le moment, la France est en train de perdre sa place en Syrie. Je n’arrive pas à comprendre comment on peut être allié à des pays qui financent le terrorisme dans le monde. Voilà, c’est tout ! Je peux le résumer avec ces mots là. Ce qui s’est passé en France, malheureusement je le regrette sûrement, c’est le signe que le terrorisme va arriver en France aussi. »
Monseigneur Jean-Clément Jeanbart (archevêque grec-melkite catholique d’Alep) : « J’ai souffert à cause des destructions, de la mort d’un grand nombre de personnes, j’ai souffert à cause de cette vie difficile que mènent nos fidèles, privés de tout depuis cinq ans, il y a beaucoup de souffrances…mais la plus grande, pour moi, en tant que pasteur, qui croit à l’Eglise, qui vit l’Eglise, qui, pour ainsi dire, incarne l’Eglise, la plus grande souffrance c’est de voir cette Eglise disparaitre »
« Nous ferons tout pour arrêter cela (émigration), nous lutterons contre cela et il y aura toujours des chrétiens. Nous aurions souhaité que ce grand nombre ne parte pas, et nous le souhaitons toujours. Nous demandons à qui peut nous aider, d’arrêter cette hémorragie, d’arrêter de nous faire du mal, d’arrêter de donner des coups de poignards à cette Eglise qui a beaucoup souffert dans le passé et qui souffre aujourd’hui et qui a besoin d’être aidée, pas exécutée. »
« Personne ne peut dire que nous sommes étrangers, personne n’arrange les choses en déracinant les gens de leur terre, personne ne peut prétendre qu’il a plus le droit que nous à ce pays, personne ! Et personne n’a à décider de cela, sinon nous-mêmes. »
« J’en veux à ceux qui manipulent cette situation. A l’avantage de qui ? Je ne sais pas. Mais en tout cas ce n’est pas à l’avantage de l’Eglise, ni des chrétiens, ni du pluralisme, ni à l’avantage de la démocratie, ni à l’avantage de la liberté d’être soi-même, du respect de l’appartenance d’un peuple à sa terre et à son pays. »
Père Georges Sabé (responsable des frères maristes d’Alep) : « L’Occident doit comprendre notre réalité : ils ne peuvent pas imposer à un monde qui n’est pas le leur, des idées qui viennent de chez eux. Nous avons toute notre tradition, toute notre culture, notre manière de vivre, notre manière de traiter entre nous (chrétiens et musulmans) et on vivait très bien. Et on vient nous imposer de l’extérieur quelque chose qui ne correspond pas à notre culture. »
Les chrétiens multiplient les projets pour tenter d'endiguer l'hémorragie. C’est ainsi que, la paroisse Saint Dimitri à Alep a pris l’initiative d’aider les jeunes qui ont décidé de rester en Syrie, par le financement de leurs études à l’université et en leur proposant d’être à leur tour professeur dans les écoles primaires.
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Cette journaliste courageuse a également rencontré Mgr Jean-Bart à l'occasion d'un récent passage en France pour la Nuit des témoins (AED). Voici quelques interventions claires de sa part : « Les médias européens n’ont cessé d’étouffer le quotidien de ceux qui souffrent en Syrie et se sont même permis de justifier ce qui arrive dans notre pays en reprenant des informations sans ne jamais les vérifier » « Il faut que vous compreniez qu’entre l’État islamique et le gouvernement syrien, notre choix est vite fait. On peut condamner le régime pour certaines choses, mais vous n’avez jamais cherché à être objectifs »
« La conférence des évêques de France aurait dû nous faire confiance, elle aurait été mieux informée. Pourquoi est-ce que vos évêques se taisent sur une menace qui est aujourd’hui la vôtre également ? Parce que les évêques sont comme vous tous, élevés dans le politiquement correct. Mais Jésus n’a jamais été politiquement correct, il a été politiquement juste ! »
« La responsabilité d’un évêque est d’enseigner, et d’utiliser son influence pour transmettre la vérité. Pourquoi vos évêques ont-ils peur de parler ? Bien sûr qu’ils seront critiqués, mais cela leur donnera l’occasion de se défendre, et de défendre cette vérité. Il faut bien se souvenir que le silence est parfois un signe d’acquiescement. »
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Il y avait 150 000 chrétiens à Alep, il n'y en a plus que 30 000. Ces dernières semaines, le Canada a envoyé des avions en offrant aux chrétiens le billet d'avion, le visa sur place et les facilités à l'arrivée au Canada. En quelques semaines, 50 000 chrétiens sont partis. Voilà pourquoi les chrétiens sont encore plus amers. Proportionnellement les chrétiens quittent d'avantage la Syrie, ce qui signifie la fin de l'Eglise sur place. Mais les chrétiens disent : "si demain il n'y a plus de chrétiens, ce sera la guerre en Syrie pour toujours", d'où leurs accusations envers les pays occidentaux. Ils pensent que les occidentaux ont intérêts à ce qu'ils partent. Du point de vue des musulmans, les gens d'Alep préfèrent tout de même Bachar : il n'a pas été aussi facile que prévu de retouner 80% de sunites contre les alaouites, puisque une grande majorité des musulmans préfèrent que leurs enfants aillent à l'école et à l'université dans un pays en paix plutôt que d'avoir à subir Daesch. Les gens, chrétiens ou musulmans, soutiennent Bachar, pas tant pour ce qu'il est que par le fait qu'aujourd'hui, il est le chef de guerre qui les protège des agrésseurs. Source : Charlotte D'Ornellas dans cette conférence qui résume la situation et l'histoire : https://www.youtube.com/watch?v=3tNFZgr4tqA