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L’école de danse de Kalakshetra : le renouveau d’une tradition vielle de plus de 2000 ans

Anantha Narayanan est professseur à l’école Kalakshetra de Chennaï dans le sud de l’Inde. Cette école de musique et de danse traditionnelles est aujourd’hui considérée comme l’une des plus fameuses institutions artistiques de l’Inde moderne. Elle fête cette année le 80ème anniversaire de sa fondation.

Le professeur Anantha Narayanan enseigne la vina [instrument à corde], le chant et la théorie musicale à Kalakshetra depuis plus de quinze ans. Pour lui la passion et l’intuition originale de la fondatrice Rukmini Devi ont permis un rayonnement unique de l’école, non seulement pour réveiller une certaine tradition musicale indienne, mais aussi pour ouvrir des chemins nouveaux dans l’art indien, dans la chorégraphie notamment. Interview exclusive.

Cette année nous célébrons les 80 ans de Kalakshetra, c’est l’occasion de mieux connaître sa contribution au développement des Arts en Inde. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Anantha Narayanan : Dans le nom même de Kalakshetra, les gens peuvent trouver son sens, son idéal. Kala signifie « art », et Kshetra signifie « centre ». Rukmini Devi, la fondatrice, avait une grande vision des Arts. Elle voulait faire revivre la danse classique du Bharata natyam, une danse qui était autrefois liée au système des Devadassis [servantes de Dieu, danseuses dans les temples].

Rukmini Devi voulait faire revivre les Arts et les rendre accessibles à chacun, aux gens ordinaires. C’était aussi une femme qui aimait beaucoup la nature et une grande spécialiste de l’éducation. Elle a fondé Kalakshetra en 1936. Ses associés étaient des personnes remarquablement qualifiées, comme Annie Besant, Shankar Menon, etc. Aux origines l’École était liée à la Société Théosophique [fameux mouvement religieux, du début du XXème siècle], et puis les deux organisations ont fini par se séparer.

Beaucoup de grands noms de la musique et de la danse ont contribué à l’édification de cette belle œuvre, et ce fut sa chance. Ils n’ont demandé aucune rémunération et ne l’ont fait que par amitié pour Rukmini Devi. Certains étaient de véritables légendes comme, par exemple Mysore Vasudevachar.

Rukmini Devi voulait particulièrement faire revivre cette danse du Bharata natyam et la musique karnatique. Elle a beaucoup travaillé à cela. Elle a fondé cette École et elle a aussi encouragé les jeunes issus de milieux défavorisés. Il ne s’agissait pas pour elle de se tourner seulement vers les classes aisées.

Rukmini Devi (photo) a commencé son œuvre en ne partant de rien, et cependant l’École est aujourd’hui connue et réputée dans le monde entier.

AN : Le point de départ fut sa propre passion ! Rukmini Devi a commencé dans un espace vraiment réduit, et puis, chaque année, l’École s’est développée.

Il faut ajouter que ses chorégraphies et son style de Bharata natyam sont assez uniques : son interprétation des sagas épiques comme le Ramayana, le Mahabharatha, [épopées mythologiques de l’Hindouisme] ou le Buddha Avataram [réincarnation du Buddha] est sans pareille, ainsi que plusieurs autres pièces qu’elle a composée. Avec elle, le spectateur peut voir l’histoire racontée devenir réalité. Le tout avec un minimum de costumes.

La personnalité véritablement différente de Rukmini Devi et, simultanément, le rayonnement croissant de Kalakshetra, ont fait que de plus en plus de gens sont venus à connaitre l’une et l’autre, et ont ainsi voulu faire des Arts leurs profession.

À l’origine de la danse, il ne s’agissait que du système Devadassi [servantes de Dieu] : un petit nombre de danseuses qui se produisaient uniquement dans les temples.

AN : À une certaine époque, en effet, il en était ainsi : le Bharata natyam ne se dansait que dans les temples, auxquels les danseuses et musiciens était affiliés. Désormais, nos élèves viennent du monde entier, et Chennai est devenue une ville incontournable de l’Art.

Aujourd’hui, l’œuvre et le rayonnement international de Kalakshetra et de la ville même de Chennaï semblent passer essentiellement par le fameux festival de décembre.

AN : Rukmini Devi est décédée en 1987. Elle n’enseignait pas seulement les arts de la musique et de la dance, mais aussi à devenir tout simplement humain : comment se comporter, comment aimer la nature… Elle a formé un grand nombre de musiciens et danseurs, et produit beaucoup de chorégraphies. Après Rukmini Devi, le directeur fut Raja Ram Sir, qui était le petit-fils de Mysore Vasudevachar [grand compositeur du Sud de l’Inde], il a rejoint Kalakshetra sur l’invitation de Rukmini Devi, et a aussi apporté une très grande contribution aux Arts et à l’École. Il a chorégraphié quelques pièces, dont quelques unes des Ramayana series actuelles de Kalakshetra. C’était un grand musicien, il connaissait la musique indienne, mais aussi celle de l’Occident.

L’École a dirigé plusieurs séries de spectacles et ateliers dans le monde entier sous la direction de Raja Ram Sir, qui a aussi invité beaucoup d’enseignants et de grands musiciens. Cette tendance a été poursuivie jusqu’à aujourd’hui.

Kalakshetra offre des bourses pour encourager la musique et la danse carnatiques. Nous allons nous produire dans beaucoup de pays, notamment grâce à l’aide de nos ambassades, et sommes ainsi allés dans de nombreux endroits monter les pièces du Ramayana, et les œuvres classiques du Barata natyam.

En somme, tous les directeurs ont suivis l’esprit de Rukmini Devi, et beaucoup d’artistes incroyables viennent chaque année au festival de décembre que le public attend avec impatience. On y trouve une un programme varié : de la danse et de la musique indienne, mais aussi de la musique fusion, des opéras occidentaux… Chaque année, le festival grandit.

Y a-t-il une autre Kalakshetra dans le monde ?

AN : Kalakshetra n’a pas d’autres branches. Beaucoup d’écoles suivent la tradition de Kalakshetra : dans l’état d’ Assam (Nord-Est de l’Inde), à Delhi, dans l’Ouest du Bengale l’école Shanti Niketan, fondée par Rabindranath Tagore lui-même, au Kerala, etc.

Je ne peux pas dire que Kalakshetra est la meilleure école du monde, beaucoup existent, mais celle-ci est unique. Récemment des Norvégiens sont venus pour apprendre la musique carnatique. Après avoir échangé avec eux, nous leur avons donné une introduction à cette musique qui a une longue histoire.

 

Par Aymeric Béranger et Nicolas Thys-Habran

http://www.kalakshetra.in/

 

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