Le mouvement gagne les lycées. Le contexte de campagne présidentielle avive les tensions et donne lieu à toutes les instrumentalisations. Mais qui écoute le cri des banlieues ou celui des policiers ?
La banlieue de la campagne (présidentielle)
A partir du caractère violent de l’interpellation du jeune Théo – dont les circonstances demandent encore à être mises en lumière – la situation s’enflamme dans un climat passionnel qui ne trouve plus à s’apaiser.
Il est alors facile de chercher des boucs émissaires. Pour les uns c’est la police, pour les autres les immigrés, pour d’autres le laxisme des politiciens… Les candidats à la présidentielles ne sont pas en reste et oscillent entre instrumentaliser la crise, donner des recettes ou simplement étouffer l’affaire pour ne pas donner des arguments électoraux à l’adversaire. Les candidats sont forcés de réagir en tenant compte de l’émotion des foules et des orientations de leur parti. Mais qui écoute ?
Le cri des policiers
Le journal Marianne publiait récemment la réponse d’un « flic » à une tribune de Libération signée par des dizaines d’artiste. Il s’indigne d’une campagne de dénigrement contre ceux qui « exercent un métier extrêmement difficile, de plus en plus dangereux, avec abnégation et dévotion, dans le seul but d’assurer la sécurité et la tranquillité de tous nos concitoyens ». Mais son message ne se limite pas à une défense syndicale, il regarde aussi les personnes : « Ce sont des femmes et des hommes, à l’image de notre société multiculturelle, (…) qui, en plus de leurs difficultés et problèmes personnels doivent faire face, au quotidien, à la misère des gens, à la violence et à des agressions de plus en plus violentes » (source).
Le cri des banlieues
Au-delà du conflit actuel, il soulève l’état de violence et le mal-être des personnes qui travaillent en banlieue : « Venez vivre une journée avec un équipage du 93 par exemple qui, tous les jours, se fait "caillasser", reçoit des boules de pétanque dans les vitres du véhicule, reçoit toutes sortes d’objets lancés du haut des immeubles, se fait insulter, provoquer et j’en passe et des meilleures ».
Beaucoup de jeunes s’interrogent sur leur place dans la société et sur leur identité. Sentiment d’injustice et d’abandon, décalage entre les valeurs officielles vidées de leur contenues et la vie quotidienne, demission ou complicité des institutions, désarroi devant l’avenir, absences de perspectives constructives, et dans ce contexte, envahissement du dictat islamique devennant la seule référence régulatrice… Leur réaction est canalisée par la hantise du racisme, mais on sent bien que c'est là détourner la question.
Tous les Ghettos du monde ont deux visages : la violence et la peur, d'une part, et d’autre part, celui qu’on découvre, derrières les difficultés, lorsqu’on y plante sa tante : des visages humains, des questions humaines, des attentes humaines.
Le besoin d'une présence
Au delà des discours, des émotions, des barricades et des réactions, il y a des professeurs : « A travers ma voix et mon visage, c'est comme si j'incarnais face à eux la réalité des évènements » (Agathe le Taillandier, source). Il y a des personnes comme Madame Latifa Ibin Ziaten, mère du soldat tué par Mohamed Merah. Dans son combat contre l'endoctrinement des jeunes, elle regard, elle écoute avec son cœur de mère blessée : « On a un problème dans les écoles, il y a beaucoup de souffrances ». Elle reconnait la difficulté des enfants d’origine magrébine à aimer la France parce que « peu de mains se tendent réellement vers eux », elle rappelle les parents à leur mission « d’éducation, d’amour et d’exemple » (TdC 25/11/2015)…
L'urgence d'écouter
Loin des recettes des candidats ou de l'entretien des passions par les médias, leur attitude ouvre un chemin. Ce qu'ils font ? D'abord écouter. C'est alors qu'ils peuvent tenter de toucher le coeur des enfants avant qu’ils ne sombrent.
On peut espérer que beaucoup d'autres se lèvent. Non pour véhiculer des idéologies ou entretenir les jeunes dans leur colère, ni d'abord pour « résoudre les problèmes ». Mais pour écouter le désaroi et regagner la part humaine des territoires oubliés de la société.