"Pour le Christ, rien n'est jamais mort, rien n'est jamais définitivement perdu… Souverain Maître, il a le pouvoir de tout réintégrer, même un défunt, en un instant à Sa vie, la vie éternelle." Voici des nouvelles du Point-Coeur de New York, avec l'extrait de cette lettre.
Rien n'est mort en Divina, cette amie sans-abri, qui frappe à notre porte toutes les heures, quand elle ne s'est pas réfugiée pour une nuit ou deux à l’hôpital ou dans un immeuble. Rien n'est mort, même si nous sommes épuisés de ne plus savoir comment l'aider (toute tentative de lui trouver une solution de logement et de soins viable s'est jusqu'ici soldée en échec, depuis six ans : Divina souffre de schizophrénie). Rien n'est mort parce qu'elle est capable de nous aider dix minutes à laver des légumes et de rire aux éclats. Rien n'est mort parce qu'elle a la lucidité de crier parfois à l'aide, en larmes… Rien n'est mort parce qu'après le verre d'eau reçu à la maison, elle continuera de vivre une journée. Rien n'est mort parce qu'elle nous provoque à toujours essayer de la comprendre, à ne pas croire que l'amitié se contente de solutions toutes faites. Rien n'est mort et tout sommeille… attendant la délivrance éternelle.
Rien n'est mort en Teressa, qui a quitté, depuis vingt ans, l'Eglise catholique, après une enfance plutôt pieuse… et s'est mise à la peinture, puis, plus récemment, à la sculpture, sculptant des corps sans bras, reflets tristes et amicaux de son âme qu'elle sent « sans vie ». Rien n'est mort parce qu'une de nos conférences, à laquelle elle assiste par hasard, réveille tout en elle. Ou plutôt, comme elle me le confie samedi dernier, en voyant certaines personnes de notre communauté, leur bonté et leur attention, elle est tout-à-coup « re-révélée » à elle-même : elle se souvient de ses conversations d'enfants avec Dieu, elle retrouve, en un instant, les ailes ou les bras, qui lui manquaient : elle se sent chez elle et tout reprend son sens et demande comment réintégrer l'Eglise. Vingt ans de sommeil balayés par l'éclair fulgurant d'une présence…
Rien n'est mort dans notre amitié avec Pat, qui, après de nombreuses années à New York, dans le miséreux shelter (foyer pour sans-abris) voisin, malmenée par ses colocataires, et transportée dans des hôpitaux, sans comprendre ce qui lui arrivait, vient de pouvoir repartir pour Trinidad, d'où elle est originaire. Lors du petit dîner d'adieu que nous lui avons fait à la maison, (toutes les semaines nous visitons le shelter, et Pat était devenue une très grande amie…), ses larmes étaient bien difficiles à regarder. Mais Pat était en même temps comme « rayonnante » de l'amitié avec nous, cette amitié qui lui a permis de survivre dans la ville folle. Nous ne reverrons plus Pat, mais savons que tout ce que nous avons vécu avec elle sera intact, lorsque nous la retrouverons pour la grande amitié dans la vie éternelle.
Rien n'est mort enfin pour Roger, qui vient de perdre soudainement sa femme, celle sans laquelle il n'était rien, celle qui « l’a fait », celle qu'il « n’a jamais totalement comprise et était une provocation quotidienne ». Nous sommes allées, avec Sœur Sophie, à l'enterrement de Sarah. Roger a commencé son petit discours en disant : « Beaucoup de gens me demandent comment c'est possible de rester marié quarante-cinq ans avec la même femme. Et je ne comprends pas pourquoi cela leur semble si difficile, et si exceptionnel. Il n'y a rien d’extraordinaire à cela ! » Tout s'est effondré d'un coup pour Roger, et pourtant rien n'est mort, parce qu'en lui prime une gratitude immense pour son épouse. Il se tenait donc debout, bien digne, totalement présent aux nombreux invités et sans aucun retour sur lui-même, prêt à continuer sa vie…
Rien n'est mort en chacun de nous.
Point-Cœur Saint-Jean-Paul II, Cécile FOURMEAUX, New York (USA), Lettre n° 5 5